«le Conseil de sécurité renouerait-il avec le blocage caractéristique de la guerre froide ?" (DR)

Le monde est-il désormais condamné à vivre l’explosion de conflits régionaux meurtriers ?

Face à ces conflits sanglants qui explosent et s’éternisent se pose à nouveau la question du rôle de la « Communauté internationale », de l’incapacité du Conseil de sécurité à faire taire les armes.

« Le constat est amer. En dehors de quelques exhortations au maintien de la paix, il n’y a pas de réponses fermes pour contenir les belligérants », relève Guillaume Devin, professeur à Sciences Po Paris et auteur de l’ouvrage « Les Organisations internationales » (Ed Armand Colin). « Le Conseil de sécurité renouerait-il avec le blocage caractéristique de la guerre froide, avant de parvenir dans les années 80/90 à un certain consensus pour des opérations de maintien de la paix, malgré les conflits majeurs au Rwanda et en ex-Yougoslavie ? », s’interroge-t-il.

Facteur essentiel : la nature des hostilités qui ébranlent nombre de sociétés. « Depuis une dizaine d’années, nous sommes en présence de conflits intra-étatiques qui exigent que le Conseil de sécurité s’ingère dans les affaires intérieures des pays. On a pensé que cette ingérence pouvait prendre une forme institutionnalisée, mais on a débouché sur une résolution ambiguë, notamment en Libye. Les raids aériens étaient destinés à la protection des populations civiles, mais ils ont inquiété beaucoup de pays émergents qui ont considéré que le Conseil de sécurité allait trop loin », explique Guillaume Devin.

La raison sans doute du droit de veto, autre facteur de blocage, actionné systématiquement par la Russie et la Chine pour empêcher toute intervention en Syrie. Notons que depuis 1967, les Etats-Unis ont utilisé leur droit de veto à 39 reprises pour empêcher la condamnation d'Israël par le Conseil de Sécurité. Un soutien inconditionnel dont on constate aujourd’hui les terribles conséquences, à l’heure où l’Etat Hébreu entreprend en toute impunité une vaste opération de destruction massive de Gaza au rythme de crimes de guerre.

François Hollande rattrapé par les événements du Proche-Orient

L’idée aurait pourtant germée au temps de Kofi Annan (secrétaire général de l’ONU de Janvier 97 à décembre 2006) qui prévoyait de se passer du droit de veto devant pareille situation. En septembre 2013, François Hollande avait même proposé un « code de bonne conduite » des 5 membres permanents du Conseil de sécurité afin qu’ils y renoncent lorsqu’ils ont à se prononcer sur des « crimes de masse ». L’initiative concernait alors la Syrie. Le chef de l’Etat est aujourd’hui rattrapé par les événements au regard de la tragédie palestinienne. Mais Israël possède à ses yeux un statut à part, qui mérite seulement quelques appels « à la retenue ».

Un tournant dans la diplomatie française à l’évidence en perte de vitesse par rapport aux manœuvres des Etats-Unis pour le dégel des relations avec l’Iran à la faveur des accords sur le nucléaire, à leur volte face dans le dossier syrien et à leur désengagement en Afghanistan et en Irak aujourd’hui livré au rouleau compresseur des djihadiste de « l’Etat islamique ».

La « Communauté internationale » serait-elle tout compte fait paralysée par des luttes d’influence dominées principalement par la politique étrangère des américains ? Le monde est-il désormais condamné à vivre l’explosion de conflits régionaux meurtriers ? « Il faut sortir de la diplomatie de la canonnière qui est vouée à l’échec et adopter une autre posture, s’ouvrir aux problématiques des sociétés, reconnaître l’adversaire et accepter de dialoguer avec lui  », propose Guillaume Devin. Il faut « faire preuve de  fermeté envers Israël et dialoguer avec les éléments modérés du Hamas ».

Tout comme, il est important de « prendre en compte la société ukrainienne, d’exiger le respect du pluralisme. Car on ne peut pas ignorer complètement les craintes des ukrainiens de l’Est et considérer qu’ils sont manipulés par les russes », ajoute-t-il.

Autrement dit, une logique d’un autre ordre international. Celui qui ne laisserait plus la possibilité à des apprentis sorciers de la même espèce que Bush, Sarkozy, Blair et autre BHL, d’ouvrir la voie à l’expansion de la barbarie.