"Plus on me menaçait plus j’avais envie de le faire..." (DR)

Cedric Herrou : « La fraternité, une question de dignité et de liberté de conscience »

Son nom est désormais indissociable des actions humanitaires en faveur des réfugiés qui osent franchir la frontière franco-italienne et se retrouvent dans la vallée rebelle de la Roya, dans l’extrême Sud Est de la France. Poursuivi en justice, surveillé par les gendarmes, il n’a pas cessé pour autant d’assister des centaines d’entre eux. Le fermier Cédric Herrou réagit à la décision du Conseil Constitutionnel qui dépénalise l’aide aux étrangers sans-papiers au nom du principe de fraternité. Une question de dignité, juge-t-il.

Mediaterranee: Comment vous réagissez devant la décision du Conseil constitutionnel rendue publique vendredi 6 juillet ?

Cedric Herrou : Plutôt bien, évidement… il me semble important de remettre ces valeurs-là dans le débat politique, de rappeler aux français les fondamentaux, d’affirmer que liberté, égalité, fraternité ne sont pas de vagues notions de gauche, mais des valeurs de la République. Il n’y a pas de clivage à faire dans l’humanitaire. Or on voit des politiques qui tentent de semer la peur, de fédérer par la peur. Il est plus que jamais important d’insister sur la fraternité. Il est du devoir du président de la République Française de veiller au respect de cette valeur. Je pense, notamment, à l’Aquarius et autres. Nos élus devraient être exemplaires sur ce terrain-là.

-.Quel message aux aidants potentiels qui hésitent de crainte d’être poursuivis ?

Cedric Herrou : La suite donnée à la question prioritaire de constitutionnalité au sujet du principe de fraternité permet aux gens d’agir librement, d’écouter leur seule conscience. Beaucoup de gens me demandent est-ce que l’on a le droit, est-ce que l’on peut aider quelqu’un. La situation administrative des personnes ne nous concerne pas. Même si on a le sentiment de faire le travail de l’Etat, c’est important de le faire pour notre dignité à nous, et pour l’exemple que l’on a envie de laisser aux enfants qui nous regardent. C’est en fait une question qui dépasse le drame des réfugiés.

_.Les poursuites judiciaires vous ont-elles, à un moment, dissuadé de venir en aide aux réfugiés ?

Cedric Herrou : D’aucune façon… en fait, plus on me menaçait plus j’avais envie de le faire. Les représentants de la Justice, je dis bien les représentants, car à mes yeux, celle-ci est bien plus noble que ces derniers, ne m’ont pas impressionné. Il y avait en fait une volonté de l’Etat de recourir à l’institution judicaire, à la menace, pour me faire reculer. Mais la liberté, de conscience surtout, est à mes yeux bien plus vaste et plus puissante que l’enfermement physique. Elle n’est jamais anéantie pour autant.

Propos reccueillis par Nadjib TOUAIBIA