Les conditions de travail difficiles, les salaires bas et le chômage poussent les médecins Algériens à fuir vers la France

Pourquoi tous ces médecins algériens fuient-ils vers la France ?

Apres la réussite de leur examen d'équivalence, 1 200 médecins algériens s'apprêtent a quitter le pays pour rejoindre les hôpitaux Français. L'information a soulevé un tollé au sein de la population algérienne. Cet exode massif du fleuron médical algérien relance le débat sur la fuite des cerveaux dans le pays et soulève de nombreuses interrogations.

L’information a été publiée sur Facebook par le Docteur Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP). Selon lui, suite à leurs réussites aux épreuves de vérification de connaissance (EVC), ce n’est pas moins de 1200 médecins algériens, de diverses spécialités, qui s’apprêtent à quitter l'Algérie pour exercer en France. Selon les sites d’informations, près de 2000 candidats de 24 pays différents ont réussi les épreuves des EVC, dont 1200 praticiens algériens.
Le Professeur Mostefa Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM), a estimé dans un entretien sur TSA Algérie que la France ne pouvait pas trouver mieux que les médecins algériens pour composer ses besoins et que faute d’activité économique importante, l’Algérie ne pouvait pas absorber toutes ces compétences.

Quel statut en France pour les médecins étrangers ?

Depuis dix ans, le nombre de médecins algériens qui partent exercer à l’étranger a augmenté de 60%. Aujourd’hui, ils représentent 25% des médecins nés à l’étranger exerçant en France. Cela sans prendre en compte ceux nés en Algérie et diplômés en France ni ceux recrutés directement par les hôpitaux avec des statuts spécifiques.
Comme l’explique Victoire Cottereau, dont la thèse doctorale porte sur la problématique des médecins migrants en France, beaucoup de praticiens étrangers ne jouissent pas des mêmes droits que les médecins formés en France. Selon la chercheuse, après l’instauration du numerus clausus dans les années 1970, la France s’est retrouvée avec un manque chronique d’internes, d’où la nécessité de faire venir des médecins étrangers. De nouvelles législations ont été mises en place pour faire venir des médecins étrangers, mais sous des statuts précaires de fonction d’interne (FFI) et Praticien attaché associé (PAA).
Ce statut particulier ne permet pas aux médecins étrangers d’être inscrits au Conseil de l’Ordre des médecins. Ils sont officiellement sous l’autorité d’un titulaire, mais dans les faits, ils assument la même charge de travail. D’un point de vue salarial, ces médecins étrangers sont payés jusqu’à deux fois moins que leurs collègues français et sont contraints de patienter des années pour passer les concours qui leur permettront d’obtenir un statut plein.
Malgré des difficultés d’intégration, cela ne semble pas freiner la saignée des médecins algériens vers l’étranger.

Le ministre algérien de la Santé réagit

Après la vague d’indignation provoquée par cette information, le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, est sorti de son silence. Même s’il ne nie pas les faits, le ministre remet fortement en doute le nombre réel de médecins ayant réussi leurs examens d’équivalence. Néanmoins, il confesse que de nombreux médecins quittent le pays pour monnayer leurs compétences en France ou dans d’autres pays.
Le premier responsable du secteur de la santé révèle que ce phénomène n’est pas propre à son ministère puisqu’il touche également d’autres diplômés algériens, notamment les ingénieurs, les doctorants ou les informaticiens. Le ministre admet qu'il existe une crise et un malaise profond dans le secteur de la santé en Algérie et ce,  depuis des années. Il confesse également que les autorités sont en partie responsables de ce marasme.
D’après les statistiques du ministère, l’Algérie forme 3 000 médecins chaque année. Néanmoins, il demeure difficile d’assurer des postes à tous les diplômés. Une réforme de fond doit être mise en œuvre pour une meilleure considération du médecin algérien, une meilleure prise en charge et de meilleures conditions de travail. C'est précisément ce manque de moyens qui poussent les médecins locaux à la recherche d’un meilleur environnement professionnel et personnel à l’étranger.
Rappelons que plusieurs mouvements de grèves secouent le corps médical algérien depuis des années. En 2018, un millier de médecins résidents avaient manifesté dans la capitale à Alger pour l’abrogation du service civil (une obligation d’exercer entre 12 mois et 4 ans dans les zones reculées du pays). Ce rassemblement avait fait plusieurs blessés parmi les médecins à cause de la répression exercée par les pouvoirs publics.

Les solutions proposées par les autorités algériennes

Côté accomplissement, le ministre affirme que de nombreux progrès ont été faits pour améliorer les choses. Plusieurs efforts ont été fournis pour pallier le manque de postes dans les hôpitaux. En cela, le ministère de la santé, avec l’aide du président de la République, a réussi à régler le problème de la retraite qui était calculée à 55% pour l’augmenter à 80%. Selon le ministre Benbouzid, il n‘y a plus de raisons pour que les professeurs et les chefs de service s’accrochent à leur poste une fois l’âge de la retraite atteint. Soulignant la nécessité que le pays a de rajeunir ses hôpitaux.
Contestant les chiffres avancés, le ministre Benbouzid a fait savoir qu’il avait diligenté une enquête auprès du ministère de l’Enseignement supérieur pour déterminer le nombre exact des médecins algériens admis dans des hôpitaux étrangers. Il ajoute, à ce propos, avoir instruit toutes les Directions de la santé et de la population de signaler à l’avenir toutes les démissions de médecins, pour “une meilleure visibilité”.
Des mesures bien maigres pour un phénomène de si grande ampleur.