Titi Robin poursuit son voyage sur "Les Rives"(Louis Vincent)

« Les Rives » de la Méditerranée recueillies dans les mailles de l’inspiration de Titi Robin

Figure emblématique de l’artiste qui s’est nourri au patrimoine musical de la Méditerranée, Titi Robin donnera le 19 novembre prochain à Marseille un concert lors de la soirée de clôture des 18èmes Rencontres d’Averroès.

Au fil des albums et des concerts, Thierry Robin, dit “Titi”, musicien autodidacte originaire de l’ouest de la France, a construit son univers musical personnel en puisant dans les cultures reliant l’Inde aux rives de la Méditerranée en passant par l’Orient.

C’est bien en sillonnant la route tzigane depuis trente ans que ce musicien qui joue tour à tour du oud, du bouzouki, des luths orientaux ou encore des guitares, a rencontré des cultures et des esthétiques plurielles. « Les Rives », sa dernière création en date, est un écho original de ce voyage, une manière de rendre à ces peuples, à travers ses nouvelles compositions, les richesses qui l’ont irrigué personnellement et musicalement.

Rencontre avec un artiste à l’univers unique, enraciné et nomade… un monde d’émotions.

Médiaterranée : La Méditerranée est votre creuset, elle est au cœur de votre inspiration. Pouvez-vous nous parler de cet héritage méditerranéen et de votre vocabulaire propre ?

Titi Robin : La culture méditerranéenne, irriguée par l’influence qu’elle a pu recevoir depuis l’Inde, à travers l’Asie Centrale, que ce soit au niveau musical, poétique, philosophique, religieux etc... est un repère pour moi. Il est clair que les musiques dont je m’inspire et me suis toujours inspiré sont sur les rives de cette mer-là. Même si j’ai toujours travaillé à partir de mes compositions et n’ai jamais enregistré ni joué sur scène de musiques traditionnelles, je me suis toujours inspiré de ces sources-là. Je me retrouve vraiment dans cette cohérence esthétique très large et mon travail suit ce courant commun.

En matière d’art, comme pour les sentiments et pour l’amour, il y a une grande part de mystère. Par contre, je peux dire qu’un des cadeaux que la France nous donne est sa diversité. J’ai grandi pour ma part au milieu de plusieurs castes françaises, gitanes, arabes, orientales. Des castes sociales souvent séparées…Mon destin a été de pouvoir circuler dans ces différents milieux et de m’imprégner de ces cultures. Musicien autodidacte je m’en suis nourri au quotidien et on retrouve les grandes lignes esthétiques qui sont les miennes, dès mon premier disque enregistré dans les années quatre vingt. Des lignes qui se sont affinées au fil du temps. Mais si je me retourne et que je regarde le chemin parcouru je m’aperçois que le sillon tracé est relativement droit.

Mon travail parle du monde méditerranéen, de manière têtue et continue, de cette civilisation ancienne et très vivante, de ces cultures qui se font écho, se rejoignent, s’attirent. Par exemple, les coutumes que je vois dans le quartier gitan San Jaume à Perpignan renvoient pour moi à d’autres pratiques vivaces comme par exemple le ghazal (poésie d’amour) en Asie Centrale ou en Inde du Nord. Ces échos, ces liens et ponts dont je suis témoin me frappent et me nourrissent depuis toujours.

Votre dernier projet « Les Rives » est un des points de confluence et d’aboutissement de ce chemin parcouru ?

Au travers de ma musique, j’essaie d’exprimer ma vie et mes rêves. Cet intime que je mets en musique, j’ai conscience qu’il a un écho chez les personnes qui viennent à ma rencontre. C’est là où est ma place et je me sens d’autant plus serein que ce projet est à la fois un hommage aux musiciens marocains, indiens et turcs qui ont nourris mon univers artistique et une expérience nouvelle qui échappe aux systèmes commerciaux.

J’ai choisi de réaliser ce projet en Inde, au Maroc et en Turquie parce que ces pays sont à la fois emblématiques et trois pays avec lesquels j’ai déjà une histoire particulière artistique et humaine directe. Chacun des projets est distinct : j’ai fait un disque en Inde avec des musiciens indiens et dans une production purement indienne, et la même démarche in situ au sud du Maroc et à Istanbul en Turquie. Ces trois disques sont sortis sur leurs marchés respectifs de manière autonome et dans les conditions propres à chacun des pays.

Aussi quand on m’a proposé de ce projet de retour aux sources de faire une tournée en France et à l’étranger, j’ai pris peur. Là où dans mon travail je fais en sorte qu’il n’apparaisse aucune fusion, de la même manière qu’un tailleur n’a pas envie qu’apparaissent la séparation entre les manches de la veste et le corps de son ouvrage afin que cela fasse vraiment un vêtement homogène, j’essaie de faire en sorte que le monde esthétique que je créé soit cohérent. Pas question pour moi donc d’organiser une tournée sous la forme d’un plateau de musiciens venus de différents horizons géographiques. Le respect que je porte à chacune de ces cultures est trop grand pour que je puisse adhérer à ce type de démarche.

Ma maison de disque en France, Naïve (1), a racheté aux trois maisons de disques un certain nombre de disques produits dans chacun des pays pour la distribution mondiale. Réunis dans un coffret et accompagné d’un DVD avec des images racontant ce projet il sera mis en vente en France et en Europe à quelques jours près en même temps que le concert de Marseille. Le triptyque est présenté sous la forme de trois CD, donc sans la recherche d’unicité graphique, afin que le public européen puisse découvrir les trois formes locales et les productions originales.

Quelle forme avez-vous choisi de donner à la tournée en France et en Europe dans cette nouvelle étape du projet « Les Rives » ?

Vous l’avez compris, dans ce projet, comme dans tous mes projets, je reste dans mon propre langage et je compose patiemment et obstinément tout en assumant mes influences. J’ai choisi de garder pour la scène mon trio de base avec Francis Varris à l’accordéon et Ze Luis Nascimento, percussionniste brésilien qui d’ailleurs a vécu dix ans à Marseille. Ce trio qui joue donc ma musique depuis longtemps accueille un invité de chaque pays. Si à Marseille le musicien marocain (2) ne pourra malheureusement pas être présent, Sinan Celik, reconnu comme le maître du kaval turc (flûte populaire) et Murad Ali Khan, joueur de sarangi de la nouvelle génération le plus renommé en ce moment (3), seront bien là pour jouer des compositions des trois disques.

Je suis content du son de cet orchestre : il retrace bien cette aventure humaine et musicale en interprétant des thèmes et des poèmes qui me sont chers.

Propos recueillis par Nadia Bendjilali

Un voyage musical en quintet et une démarche humaniste à partager le 19 novembre à 21h, Auditorium du Parc Chanot (Marseille)
Tarifs : 18 €, 15€ (réduit)
Billeteries : Espaceculture_Marseille au 04 96 11 04 61, en ligne sur www.espaceculture.net et sur place le soir du concert

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(1) « Maison d'artistes éclectique et non-conformiste », ce label indépendant est présent dans les registres des musiques du monde, de la chanson française, du jazz et du classique.
(2) Medhi Nassouli, jeune gnaoui d’Agadir au Maroc (Chant, sintir, qraquebs) absent lors du concert à Marseille sera bien présent à compter du concert du 25 novembre 2011 à l’Institut du Monde Arabe.
(3) Il recevra un nouveau prix de la musique à New Delhi la veille du concert à Marseille.