"Rencontre autour des féminismes dʻici et du Moyen-Orient" au MuCem, organisée par la Cité, espace de récits communs

"Rencontre autour des féminismes dʻici et du Moyen-Orient" au MuCem, organisée par la Cité, espace de récits communs

La rencontre autour des féminismes dʻici et du Moyen-Orient, qui a eu lieu samedi 5 avril au MuCem, sur sur la notion, de prime abord occidentale, du féminisme dans le monde arabe a dévoilé plusieurs aspects qui ont montré que la réflexion sur la féminité nʻest pas propre au contexte européen.

Venues du Liban:Paola Salwan Daher, de Palestine: Samar Habib, de Turquie: Sedef Ecer, d'Égypte: Fatma Enam Sakory  et de France: Emilie Giaime, Arlette Farge, Stéphanie Latte Abdallah, les intervenantes ont souligné la transnationalité du mouvement féministe et la transversalité de son idée.

Transnationalité, car l'Égypte, pays symbolique pour les sociétés du monde arabe, a connu trois phases du féminisme depuis le début du  XIXème siècle: les années 1940 témoignent de la première vague du féminisme arabe, mais qui se manifeste plutôt au niveau personnel, les années 1960 marquent la deuxième vague où les femmes commencent à exprimer des attentes concrètes vis à vis dʻune reconnaissance égale de la citoyenneté. Enfin durant les années 1990, on parlera même de "néoféminisme" parce que très étroitement lié au politique.

On remarque même une radicalisation politique au Liban et en Palestine, qui englobe lʻaspect intime et politique du féminisme: sous le nom de féminisme islamique, les femmes religieuses sʻorganisent en réseau pour lutter contre le sexisme institutionnalisé. A lʻaide du Coran, les femmes argumentent contre une interprétation sexiste du livre saint par des hommes politiques responsables pour l'implémentation des droits civiques. De cette stratégie naîtra la Déclaration de la femme musulmane.

Cependant le combat contre une certaine conception du féminisme ne révèle pas seulement le pouvoir politique exercé sur la sexualité des citoyens, mais aussi l'idée dominante que lʻhomosexualité serait une conception du lʻOuest qui nʻaurait pas de place dans le monde oriental.

La transversalité du féminisme indique sa circulation entre des sociétés différentes: en raison de son "incompatibilité", le mouvement de l'homosexualité en pays musulman utilise la même stratégie que le groupe des féministes et affrontent leurs adversaires à lʻaide de passages décrivant les parties décadentes dans la vie du Prophète. En conséquence, le résultat de leur combat montrait que lʻhomosexualité se trouvait bel et bien décrite par le Coran et que cette thématisation est loin de postuler une interdiction qui sʻexprime par loi.

Par contre, la discussion des intervenantes sur le féminisme dans les sociétés du Moyen-Orient et de lʻOuest soulignait de même lʻinfluence majeure du système politique sur lʻarticulation culturelle du féminisme et la diversité sexuelle en général.

Tout dʻabord, le cadre culturel du système politique influence lʻinterprétation des lois qui réfèrent directement au statut de la femme. Ici, le plus souvent, les projets de lois sont exposés au nom de la "protection" de la femme et ils seront interprétés en tant que lois pour la protection de la famille.

Cela signifie en réalité que la femme disparaît dans lʻentité que représente la famille: ainsi par exemple, comment une loi qui sauvegarde la famille pourrait-elle être suffisante afin de protéger la femme dans son mariage, puisquʻelle ne pourrait pas être appliquée au cas de viol conjugal.

Dʻun côté lʻinterprétation existante du droit civique empêche la thématisation de la sexualité féminine en vue de la protéger. Mais d'un autre côté, ce sont les femmes musulmanes qui sont gênées d'aborder des sujets concernant le féminisme et la libre sexualité.

Particulièrement, par rapport à la notion du corps, on perçoit le contraste entre le féminisme européen ou américain et celui du Moyen-Orient: le couple de la libération du corps à lʻOuest et du corps voilé de la femme orientale composent les deux aspects fondamentaux du féminisme théorétique qui sʻexpriment différemment sur les deux continents.

Autrement dit, en Occident, la priorité est plutôt le passage de lʻobjet érotique au sujet érotique afin de ne plus représenter un "deuxième sexe" (selon Simone de Beauvoir); par contre en Orient, la priorité est plus dans la protection du corps et le voile est présenté ici comme un symbole de cette protection.

Au-delà de ces diverses stratégies du féminisme, le corps politique, les organisations non-gouvernementales et dʻautres structures associatives, ont des problèmes à sʻimposer publiquement.

Étant en manque de financement, d'adhérents et de ressources, la protection de la femme nʻévolue que lentement: les maisons pour femmes lesbiennes, transgenres, doivent être cachées du regard public. De plus, lʻexpression linguistique vis à vis de lʻorientation sexuelle ne se libère que lentement.
 Alors que la langue anglaise et la langue française ont des expressions neutres pour désigner une quelconque orientation sexuelle, la langue arabe ne connaît que des mots négativement connotés: à petit pas et grâce à des personnes courageuses, elle sʻouvre cependant à une nouvelle sémantique des termes comme "homosexualité", "lesbienne", "gay", etc..

Finalement, cʻest ce moment hybride où se mêlent les différentes cultures qui négocient leur identité métissée: la thématisation du féminisme et de lʻhomosexualité au sein de sociétés divergentes a besoin de cet échange fructueux. En ce sens cette Rencontre autour des féminismes dʻici et du Moyen-Orient fut un évènement réussi.