Parachutistes de l'armée française en opération dans des zones montagneuses occupées par des paysans pauvres... (DR)

Guerre d'Algérie : repentance, harkis et réalités...

La question de la repentance revient sans cesse sur le tapis dans les relations entre l’Algérie et la France. A ceux qui s’interrogent sur le bien-fondé de cette revendication, un seul chiffre devrait suffire : en 1830, année où l’Algérie souveraine a été colonisée, le nombre d’Algériens était de 8 millions, 132 ans après, le nombre était toujours le même...

Que signifie cela ? Que les Algériennes avaient cessé toute procréation ? Que les Algériens étaient devenus stériles ? Non, cela s’explique par la politique d’extermination physique du peuple algérien, crime à grande échelle que la colonisation a poursuivi avec acharnement. C’est ce crime contre l’humanité dont a fait l’objet un peuple vaillant, qui n’a fait que se battre pour se libérer, et qui, aujourd’hui, doit être reconnu officiellement. Autre question, celle des harkis. Sans passion ni haine, je dirai qu’on a voulu (et que l’on veut encore) en faire une question centrale en reprochant à l’Algérie leur «massacre». Ce sujet, traité sous couvert de liberté d’expression, laisse apparaître un esprit revanchard.

C’est un bon moyen de ne pas remonter aux causes réelles de la guerre et d’éviter de parler des origines et de l’action de la colonisation depuis 1830, en faisant l’économie de son bilan terrible et désastreux. Parlons du «massacre» de ces harkis, que certains Français ont qualifié de «sous-hommes». Certes, certains d’entre eux ont fait l’objet de maltraitances ou de liquidations physiques, mais il s’agit de cas isolés et parfois même de cas de vengeance entre membres d’une même famille ou d’un même village. En tant qu’acteur et témoin, je peux affirmer que ce n’est le fait ni des membres du FLN, ni de ceux de l’ALN. Bien au contraire, je peux témoigner que ceux-ci se sont interposés à chaque fois pour protéger ces harkis de leurs proches, et ce, en application des instructions de la hiérarchie, d’une part, et par respect des accords d’Evian, d’autre part.

Par ailleurs, afin de clarifier un point déterminant dans le processus de la guerre de Libération nationale, je dirai, en tant qu’ancien fidaï (membre de l’Organisation urbaine armée) et ancien membre de l’Armée de libération nationale, que les instructions ont toujours été suivies et appliquées, à savoir épargner, autant que possible, les vies des civils aussi bien les Européens, quelles que soient leurs confessions, que les Algériens, à l’exception des personnes condamnées pour leurs agissements néfastes prouvés. Ces instructions sont rentrées dans les mœurs de tous les combattants de la libération nationale, aussi bien à ma connaissance, à Constantine, Alger, Oran ou ailleurs.

Des scènes horribles toujours présentes dans mon esprit...

Et ce, contrairement aux agissements barbares de l’armée française d’abord et de ses supplétifs harkis, qui n’épargnaient ni femmes, ni enfants, ni vieillards, ni même les animaux, lors des rafles et ratissages, tirant sur tout ce qui bouge, parfois ligotant l’une à l’autre plusieurs personnes pour les mitrailler, quand ce n’était pas les bombardiers qui lâchaient leurs bombes sur des mechtas entières. Sans exagération, je peux citer des dizaines de cas auxquels j’ai assisté. Il était difficile après de reconnaître les lieux et plus pénible encore de ramasser les cadavres ensevelis sous les débris. Que dire alors des corps mutilés d’enfants et de vieillards, encore en vie pour peu de temps, et dont les gémissements remontent encore à mes oreilles, et de leur corps mutilés ?…

Que l’on parle aussi des méthodes de torture pratiquées par ces harkis et leurs maîtres dotés d’une telle cruauté, inexistante même chez des bêtes féroces, assumant avec «art» les ignobles supplices infligés aux prisonnières et prisonniers, poussant parfois la débilité et l’horreur jusqu’à parier sur le sexe des fœtus portés par les femmes enceintes, éventrées ensuite pour le vérifier ! Que dire de ces braves combattants blessés au combat, qui se sont vus arrosés d’essence et brûlés vifs, et d’autres égorgés, et d’autres balancés sauvagement des hélicoptères. Ainsi faisait-on fi des conventions internationales... Je pourrai poursuivre, mais je dois m’arrêter là pour dire que le cas des harkis est une question franco-française, car ils avaient choisi leur camp au départ et la responsabilité de ce qui leur est arrivé incombe au côté français. Sachant pertinemment que par leurs méfaits ils étaient les pires ennemis de leur entourage, leur société, leur peuple, à quoi donc pouvaient s’attendre leurs maîtres en les délaissant ?

Leur abandon était en soi une provocation et une agression de plus à l’égard du peuple algérien. Malgré cela, la majorité d’entre eux continuent à vivre avec leur famille en Algérie, bénéficiant de droits au même titre que les Algériens, accédant même à des postes dans les rouages de l’Etat. Voilà la réalité. Alors, de grâce, que l’on cesse de raconter des histoires mensongères en voulant faire supporter à l’Etat algérien les méfaits et erreurs de la politique coloniale. Que les gens qui vitupèrent à ce sujet aient au moins du respect envers le peuple français, leur peuple, et ses valeurs. Qu’ils aient le courage de faire appel à la raison. Quant au peuple algérien, il est fier, comme l’ont toujours été ses aïeux, d’avoir mené victorieusement l’une des plus grandes guerres contre l’un des plus grands empires coloniaux. Gloire à nos martyrs !