Une chouette exposition de Thomas Monin visible à Quétigny (21) jusqu'au 28 janvier 2017.

Ocelles et paréidolies, une vaste exposition de Thomas Monin

La galerie Barnoud / Entrepôt 9 est un vaste atelier ancien réhabilité. Au sol, une fosse de vidange automobile rappelle le passé de l’endroit, qui est pourvu d’une large mezzanine et d’une passerelle, ainsi que d’une salle de projection. Sur la mezzanine sont donnés à voir des dessins et maquettes de projets non réalisés, tandis que la vaste galerie est occupée par mon exposition "Ocelles et paréidolies".

Des objets reposent sur le sol, dominés par une rangée de seize dessins de grand format, datés de 2016, qui, ensemble, ceinturent l’espace à une hauteur inhabituellement élevée. Ils sont disposés à égale distance les uns des autres. Cette série de dessins sans titre présente des portraits de singes de différentes espèces, sexe et âge, qui, tous, tirent la langue. Cinq dessins de mêmes dimensions cassent cette régularité : certains sont quasiment installés au niveau du sol, tandis que d’autres sont accrochés sous le plafond ou dans des endroits impromptus, comme l’escalier d’accès à la mezzanine ou sous la passerelle. Ceux-ci représentent  des gros plans sur des ocelles d’aile de papillon, à l’exception de l’un d’eux, qui figure une ocelle de paon. Les dessins sont réalisés à l’encre noire sur papier. Ils sont tous de dimension carrée de 75 centimètres et tous sont encadrés de la même façon.

Une installation sans titre (2016. Diamètre 3,50m x hauteur 1,15m. Résine, sequins, céramique) donne à voir le corps d’un requin couvert de sequins argentés, en équilibre sur la pointe du nez. Les nageoires de l’animal semblent avoir été sectionnées. Il repose sur un grand disque formé de carrés de céramique noire brillante.

A proximité immédiate, est installée Darlingtonia (2016. Environ 7m x 0,80m x 0,70m. Bois, sequins, résine, métal). Une rose séchée monumentale dont la tige est faite d’une branche d’arbre, est pourvue d’épines qui s’avèrent être des nageoires de requins couvertes de sequins argentés. La fleur est faite de morceaux de ruches d’abeille assemblés.

Derrière cette grande fleur, repose Ground zero (2016. Environ 4,50m x 4m. Tissus, sequins, épines végétales, colle). Ce qui semble être une peau monumentale de capuchon de cobra royal est fait d’un tissu couvert de sequins argentés. Les lunettes du cobra se dessinent sur la peau réfléchissante à l’aide de centaines d’épines végétales collées.

Le long de l’ancienne fosse de vidange est installée La petite galerie de l’Involution (2009. 32 Bocaux de verre de 28cm x 15cm, huile moteur, diamants de verre, miel). Deux rangées de 16 bocaux chacune se font face de part et d’autre des grilles métalliques qui couvrent la fosse. Les bocaux noirs sont emplis d’huile de vidange de moteur. Gravée sur ceux-ci, le nom d’une substance chimique industrielle toxique, dont nous sommes porteurs dans notre sang, du fait de la pollution. Les autres bocaux sont emplis de gros diamants de verre baignés dans le miel d’abeille. Sur ceux-ci sont gravés les noms en latin d’espèces animales disparues.

Sous la grille, au fond de la fosse et au centre de celle-ci, pointe Feu coccinelle (2004. 1,15m x 1,10m x 0,50m. Résine, métal, miroirs). Des élytres monumentaux de coccinelle sont couverts de petits carrés de miroirs réfléchissants.

Dans la salle de projection, plongée dans le noir, se donne à voir Effraie (2016. 2,25m x 2m x 1,20m. Métal, silicone phosphorescent). Une grande chouette effraie, debout sur ses pattes, ailes repliées, semble tourner la tête vers le visiteur. Elle est faite d’un entrelacs de tiges métalliques phosphorescentes et se détache dans la pénombre comme une apparition fantomatique ponctuant le dispositif général de l’exposition.

De la passerelle, on peut s’apercevoir que la disposition de l’ensemble de l’exposition donne à voir un étrange visage - une paréidolie - fait de deux grands yeux, d’un nez rouge et d’une bouche à trente-deux dents qui s’apprête peut-être à tirer la langue, comme ces singes qui nous dévisagent. Dès lors, on peut laisser libre court aux interprétations des rapports sous-jacents de ces divers éléments entre eux…

Puisque nos consciences se mirent souvent à nos dépens et puisque ce qui nous voit est souvent, lui-même, une forme de leurre. Puisque nos survies procèdent - aussi - des secondes de vertige que nous occasionnons chez nos prédateurs. Puisqu’avant d’être croqués, nous nous dérobons - parfois - vers d’autres points de vue. Puisqu’entre ocelles et paréidolies, ce qui est montré n’est pas nécessairement ce qui est vu. Et puisque l’œil est - aussi - l’outil du festin, il s’agissait - voyez-vous - de concevoir un dispositif qui voit autant qu’il peut être vu…

Ocelles et paréidolies. Exposition de Thomas Monin à la Galerie Barnoud / Entrepôt 9. Adresse : 3, rue Champeau 21800 Quétigny, France. Du 22 octobre 2016 au 28 janvier 2017. Ouvert le mercredi, vendredi, samedi de 15h à 19h ou sur rendez-vous. +33 (0)3 80 66 23 26 contact@galerie-barnoud.com www.entrepot9.fr www.thomasmonin.com. 

Pour aller plus loin ! 

Un extrait du communiqué de presse de l'exposition :

"À l’occasion de la nouvelle exposition personnelle que lui consacre la galerie Barnoud, Thomas Monin (né en 1973, vit et travaille en Bourgogne) poursuit son exploration des relations entre l’Homme et la nature. Attentif à l’ensemble du monde vivant, il a intitulé l’exposition « Ocelles & paréidolies » en référence aux taches ressemblant à des yeux qui figurent sur le plumage de certains oiseaux, par exemple, et au terme qu’utilisent les psychologues pour évoquer notre tendance à associer une forme abstraite à un élément identifiable, comme lorsqu’on croit reconnaître un visage sur un tronc d’arbre. Ces deux phénomènes liés aux illusions d’optiques sont en effet révélateurs du point de vue anthropocentrique que nous adoptons le plus souvent pour considérer notre environnement naturel, et Thomas Monin, à travers dessins, sculptures, installations et maquettes de projets artistiques, veut inventer « un art animal, qui estomperait les frontières entre l’animal et nous ».

Prônant une « union étroite » avec le lieu et le contexte dans lesquels il travaille, l’artiste tente toujours de « prendre en compte les liens sous-jacents entre biologie et culture », offrant une relecture personnelle du travail artistique In Situ. Dans le travail de Thomas Monin cohabitent souvent éléments naturels et artificiels. C’est encore le cas dans ses œuvres les plus récentes, que cette exposition lui donne l’opportunité de présenter pour la première fois. (…) Inspiré « tant par les collisions culturelles du monde globalisant que par l’urgence actuelle de la préservation de la diversité des formes du vivant », l’art de Thomas Monin est donc bien plus qu’un simple art animalier, puisqu’il vise à « la prise de conscience des liens entre systèmes biologiques et processus culturels, (…) au moment où les effets des activités humaines sur l’écosystème et le climat mettent en péril jusqu’à notre existence propre ».

En effet, c’est bien de survie dont il est question, et ce sont des animaux menacés d’extinction que l’artiste a choisi de représenter (....) Dans son analyse de la démarche artistique de Thomas Monin, l’artiste et maître de conférence en sémiotique de l’art (Université de Perpignan) Francesca Caruana écrit « ces œuvres surgies par acculturation « naturelle » font une liaison dantesque entre l’archaïsme le plus essentiel (…) et les manifestations hystériques du monde occidental, [elles] montrent la chair de ce qui n’est pas dit » (Francesca Caruana, « Transmutation poétique » in Thomas Monin. De l’ampleur du Mélange, Clermont-Ferrand : Un, Deux… Quatre éditions, 2004). Finalement, notre nature sauvage n’est pas si éloignée de nous."