Turquie: le péril Erdogan

Menacé d’échec par les prévisions de résultats au prochain référendum constitutionnel, Recep Tayyip Erdogan déplace sa campagne sur le terrain du nationalisme. La provocation de l’Europe, et de l’Allemagne en particulier, devait lui permettre de transformer une question démocratique en une affaire de sensibilité nationale.

En programmant des meetings devant être animés par des membres de régimes et qu’il savait être interdits par les gouvernements hollandais et Allemands, notamment, le président turc a voulu échapper au débat interne pour se mouvoir dans une crise diplomatique. Il espère ainsi susciter le reflexe nationaliste auprès d’un maximum d’électeurs hésitants qui, comme le montrent les sondages, restent nombreux.

Dans la foulée, il compte sur le chantage tacite à l’immigration syrienne pour contenir la critique de l’Europe quant au processus de recentrage autoritaire du pouvoir qu’il a entrepris depuis son élection à la présidence de la Turquie et accéléré depuis le coup d’Etat manqué de juillet dernier.

Le référendum du 16 avril prochain constitue l’ultime étape de la marche d’Erdogan vers le pouvoir  total. Le changement constitutionnel, s’il venait à être entériné lui permettra, en outre, de briguer deux nouveaux mandats de cinq ans, à partir de 2019, date d’entrée en application du nouveau texte. Ce qui lui assurera la possibilité de régner sur la Turquie  jusqu’en 2029 ! Avec des prérogatives de nature autocratique, dont celle d’être l’unique dépositaire du pouvoir Exécutif, suite à l’annulation de la fonction de premier ministre, et celle de pourvoir directement à la plupart des postes de magistrats.

L’enjeu du référendum est historique. La prééminence de la référence politique introduite par le régime islamiste de l’AKP a entamé le statut laïc de l’Etat. Et la suite du projet sera de mettre fin à la trajectoire démocratique infléchie par Kemal Ataturk et de renvoyer la Turquie dans une nouvelle ère de puissance impériale.

Si le cocktail explosif, fait d’islamisme et de nationalisme belliqueux, qu’il manipule, prend, et si son projet constitutionnel passe, Erdogan pourra alors entamer une-dangereuse- carrière de sultan.

M.H