Le drame du jeune homme poignardé ce week-end a relancé la polémique sur les effectifs de police à Marseille. (Jddmano / Wikimedia)

Marseille : Entre visite de ministre et récupération politique

Manuel Valls effectuait aujourd’hui un énième voyage à Marseille. En toile de fond, le drame du jeune homme poignardé ce week-end, et la récupération politique de tous bords qui en a été faite. 

Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, s’est rendu ce matin dans une cité des quartiers nord de Marseille. Une visite très médiatique, comme à l’accoutumée, pour le premier flic de France. 

Il a relevé les résultats enregistrés depuis le placement en Zone de Sécurité Prioritaire de deux secteurs de Marseille, l’un sur les quartiers nord, l’autre sur une partie des quartiers est et sud. 

Selon lui, la création de ces ZSP, "c'est un travail de longue haleine, un travail d'enquête sur les réseaux et ceux qui y participent qui est en train de payer."

Mais pour une fois, le contexte marseillais n’est pas celui des trafics de drogue et des règlements de compte à la kalashnikov. Ce week-end, un meurtre sordide a eu lieu. Un meurtre qui n’avait rien à voir ni avec les réseaux de trafics, ni même avec les crimes crapuleux. 

C’est un meurtre gratuit, l’acte d’un déséquilibré mental, qui s’en est pris à un jeune homme de 22 ans et lui a tranché la gorge. C’était vendredi soir, en pleine ville, à deux pas de la gare St Charles. Le jeune homme est décédé le lendemain. 

Un suspect a été rapidement interpellé. Dans un premier temps, les enquêteurs pensaient à une agression qui aurait eu pour mobile un vol de téléphone portable. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. 

 

Surenchère politique

Pourtant, dès l’annonce du fait divers, de nombreuses réactions faisaient de Marseille ce territoire de non-droit, où l’on tue de sang-froid pour un téléphone. Le tout, évidemment, sur fond de pré-campagne pour les municipales de 2014

Eugène Caselli, candidat aux primaires socialistes, renouvelait sa demande de “moyens policiers supplémentaires pour toute la ville”. Tout comme, quelques jours auparavant, il réclamait le placement de tout Marseille en ZSP

Marie-Arlette Carlotti, autre candidate socialiste, prenait soin de poster un message apaisé sur TwitterPar respect pour la famille de Jérémie, pas de récupération politique, de droite comme de gauche, de ce drame.” 

Simultanément, sur son blog, elle réagissait à une polémique née des propos du maire Jean-Claude Gaudin, qui pointait la responsabilité de l’Etat dans le manque d’effectif policiers dans la ville : 

“Le Maire ferait mieux de se concentrer sur les moyens qu’il aurait pu lui-même mettre en place pour assurer la sécurité des Marseillaises et des Marseillais et assurer une vraie présence humaine dans les rues de la ville.”

Patrick Mennucci, lui aussi candidat socialiste, et maire du 1er arrondissement, où a eu lieu le meurtre, sortait quant à lui de la stricte logique sécuritaire : Ce drame, qui s’est produit à cent cinquante mètres du commissariat Noailles, nous prouve que notre réflexion dans le domaine de la sécurité ne peut se limiter à la question des renforts policiers”, notait-il sur son blog

Il préférait porter le débat sur le terrain psychiatrique et social : Certains périmètres deviennent des hôpitaux psychiatriques à ciel ouvert. Depuis 2008, je ne cesse d’interpeller le maire de Marseille sur cette question.”

Comme à l’ordinaire dans ces situations, tous les responsables politiques assurent que l’heure n’est pas à la polémique. Mais comme à l’ordinaire, aucun ne peut s’empêcher de plonger dans la récupération

Le Front National, jamais en reste dans ce genre de compétition, s’est distingué par la voix de son porte-parole local, et futur candidat à la mairie, évidemment.  

En réaction au meurtre du jeune homme, Stéphane Ravier, sur son blog, appelle à un rassemblement aujourd’hui à la Préfecture. L’affiche de ce rassemblement porte les mots “Pas de racaille dans nos quartiers”, entretenant ainsi un amalgame qui n’a pas lieu d’être, le fait divers sordide n’ayant pas été motivé par le vol. 

 

Les limites de la surveillance

Des meurtres commis par des déséquilibrés, sans mobile apparent, il s’en compte malheureusement partout, dans toute la France. La jeune victime a eu le seul tort de se trouver là au mauvais moment, en présence d’un homme atteint de démence. 

Ce genre de fatalité ne pourra jamais être totalement évité. Même en surmutipliant les effectifs policiers, il ne sera jamais possible de surveiller constamment tout un territoire. 

Le système de video-surveillance, à ce titre, montre une nouvelle fois ses limites : efficace en partie pour l’élucidation, inutile pour la prévention ou la dissuasion. Il a permis d’identifier et d’interpeller très rapidement le suspect. Mais les quelques secondes de la rixe n’ont pas été filmées, laissant planer le mystère sur ce qui s’est réellement passé. 

Et les caméras braquées 24h/24 sur la rue où a eu lieu le meurtre n’ont pu empêcher qu’il soit commis. La présence à moins de 200 mètres du plus grand commissariat de Marseille n’y a rien changé non plus. 

A quelques mois des municipales, le débat sur toutes ces questions n’est sûrement pas près de s’apaiser. La surenchère politique et médiatique ira en s’amplifiant à l’approche de l’échéance électorale. Et Manuel Valls n’en était probablement pas à sa dernière visite à Marseille aujourd’hui...