le celèbre et courageux avocat du FLN a rendu l'âme... (DR)

Jacques Vergès: un géant en robe noire est mort

Avocat exceptionnel, homme résolument engagé, de grand talent, dont la carrière a été jalonnée de positions courageuses, respectées par ses pairs et dans l’opinion, Jacques Vergès s’en est allé à l’âge de 88 ans, a annoncé jeudi 15 août le Conseil national des barreaux.

"Il incarnait un homme hors du temps, c’était un avocat engagé qui cultivait un épais mystère. Je pense qu’il considérait que l’avocat était porteur de paroles de chacun, de chacune et qu’il assumait cette conception", a déclaré en réaction à sa disparition Christiane Féral-Schuhl, bâtonnière de Paris.

C’était "un homme fascinant et mystérieux dont les convictions politiques et la dimension intellectuelle dépassaient le cadre judiciaire", a commenté l’avocat français Georges Kiejman.

Né le 5 mars 1925 d'un père réunionnais et d'une mère vietnamienne, Jacques Vergès s’était rendu célèbre pour ses convictions anticolonialistes et pour son passé de jeune résistant.

Il adhère au Parti communiste français en 1945 et dirige alors l'association des étudiants réunionnais, séjourne à Prague, effectue des voyage en Chine et devient secrétaire de l'Union internationale communiste des étudiants avant de prêter serment comme avocat.

En 1957, jeune avocat anticolonialiste, Jacques Vergès milite pour le FLN en Algérie et défend avec courage ses combattants, dont la célèbre Djamila Bouhired, condamnée à mort puis graciée, qui partagea un temps sa vie. « Entre les Algériens et moi, ce fut le coup de foudre », dira-t-il alors. Il quittera le PCF la même année.

En1961, Vergès est suspendu du barreau pour sa stratégie de défense outrageante envers les juges, il est de plus inculpé pour atteinte à la sûreté de l'Etat pour avoir réclamé l'autonomie de la Réunion. Il s’installe alors à Alger où il demeure jusqu'en 1970 et prend la nationalité algérienne. En 1963, il se convertit à l'islam et épouse, en secondes noces, Djamila Bouhired, qu'il a sauvée de la peine de mort. Il est reçu à Pékin par Mao Zedong, puis à Beyrouth aux côtés de l'OLP.

L’avocat disparaitra mystérieusement de la scène publique durant années, de 1970 à 1978. « Je suis passé de l'autre côté du miroir. C'est ma part d'ombre (…) Je suis revenu aguerri et optimiste », répondra-t-il à ceux qui l’interrogeront sur cette longue absence.

Avocat très controversé, Vergès assura la défense de personnages tel que Magdalena Kopp, terroriste allemande d'extrême gauche (1982), du nazi Klaus Barbie, jugé pour crime contre l'humanité à Lyon (1987), du terroriste vénézuélien Carlos, jugé pour quatre attentats commis en France en 1982 et 1983, de l'écrivain français Roger Garaudy, poursuivi pour contestation de crime contre l'humanité (1998), du Khmer rouge Khieu Samphân, jugé au Cambodge pour crime contre l'humanité (2011)… En 2010 Il part soutenir l'ancien président de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo, en conflit avec son successeur Alassane Ouattara.