Le fil est réalisé par Aurel et Florence Corre.

« Octobre Noir », un court-métrage d'animation sur les massacres du 17 octobre 1961

Alors que la reconnaissance officielle du crime d’État du 17 octobre 1961 se fait toujours attendre, un court-métrage d'animation revient sur ces événements pour ouvrir un peu plus le placard post-colonial. Il s'agit d'« Octobre Noir, ou Malek, Saïd, Karim et les autres... » (12 min., La Fabrique Production*).

Réalisé par Florence Corre (au scénario et aux dialogues) et Aurel (au dessin), ce court-métrage d'animation (financé par la Région Languedoc-Roussillon et le Centre national du cinéma et de l'image animée), nous replonge dans cette sanglante soirée du 17 octobre 1961, qui fête aujourd'hui son 50ème anniversaire.

Devoir de mémoire

Voici son synopsis : « cinq jeunes algériens et trois jeunes français sont en route pour manifester pacifiquement contre le couvre-feu instauré par le Préfet de police Maurice Papon. Cette manifestation est l'occasion pour les Algériens de montrer leur volonté de dignité. Pour Malek, le protagoniste, elle est signe d'espoir d'un avenir pour sa génération en France. Saïd, le copain de Malek, y trouve l'occasion d'exprimer sa frustration. Les trois français, eux, manifestent pour une France respectant sa devise républicaine. Tous se lancent, confiants, dans les rues de Paris, sûr de leurs droits d'Homme ».

La suite, les historiens la connaissent. Sur les 30 000 « Français musulmans d'Algérie » qui convergent pacifiquement ce soir-là vers Paris à l'appel de la Fédération de France du FLN (Front National de Libération), plusieurs dizaines, voire près de 300 d'entre-eux, selon les sources, périssent sous les coups de la police ou noyés dans la Seine.

Une réalité qui n'a jamais été reconnue par l’État dans toute son ampleur, quelque soit la fourchette quantitative retenue par les historiens, archives à l'appui. Ni au lendemain du drame par le gouvernement de Michel Debré, opposé aux négociations d'Evian avec le FLN algérien. Ni, aujourd'hui, par les derniers gouvernements français, toujours mal à l'aise vis-à-vis de la fracture historique de la décolonisation, encore très clivante au sein d'une certaine partie de l'électorat français.

Face à ces rigidités, « Octobre noir » œuvre au devoir de mémoire à l'aide du dessin. Et rappelle le mot de l'écrivain Albert Camus, d'origine pied-noire : « Il ne s'agit pas ici de pitié, mais de toute autre chose. Il n'y a pas de spectacle plus abject que celui d'hommes ramenés au-dessous de la condition d'hommes ».

N.E

(1). Implantée depuis la fin des années 70 dans une ancienne filature de soie, dans le Gard (Languedoc-Roussillon), La Fabrique Production fait figure d'ovni dans le petit monde des studios d’animation. Fondée par Jean-François Laguionie, elle est dirigée en gérance par Xavier Julliot depuis 2009. La Fabrique Production compte une centaine de films à son catalogue (longs métrages, séries TV, courts métrages…) et de nombreux projets de films en préparation, dont un nouveau long métrage de Jean-François Laguionie, « Louise en hiver ». Pour en savoir plus : www.la-fabrique.com

(2). Le film est notamment projeté à Montpellier, au Cinéma Utopia (24 octobre)et au Cinemed, le festival international du cinéma méditerranéen (26 octobre). Pour connaître toutes les projections : http://lezard-vert.over-blog.com.