Leïla Trabelsi reconnaît à peine les frasques et la gabegie de ses proches. (DR)

Tunisie : quand la «Régente de Carthage» raconte sa «Vérité»

Leïla Trabelsi, épouse du président tunisien déchu, Zine El-Abidine Ben Ali, s’est fendue d’un livre écrit sur la base d’un entretien par Skype avec le journaliste Yves Derai, à partir de la demeure saoudienne où elle s’est exilée avec son mari le 14 janvier 2011, quand tout a basculé.

« Ma Vérité » (éditons du Moment) avance la thèse d’un complot planifié et mis au point par l’armée avec la complicité de l’étranger et notamment de l’Elysée.

Leïla Trabelsi reconnaît à peine les frasques et la gabegie de ses proches et tente de réhabiliter son image de femme au profil diabolique, cupide, profiteuse, corrompue, comploteuse.

Les entretiens auraient duré de janvier à mai. Le journaliste aurait été contacté par des intermédiaires tunisiens anonymes.

La "Régente de Carthage" raconte que le 14 janvier 2011, elle s’inquiète de voir affluer chez elle les membres de sa famille affolés par la vague de contestations qui secoue de plus en plus fort le pays.

Son mari lui suggère alors d'aller accomplir une omra (petit pélerinage) à la Mecque en compagnie de deux de leurs enfants, "le temps que la situation revienne à la normale (...) dans trois ou quatre jours".

Des rumeurs de putsch propagées depuis Paris

Les choses se précipitent, selon elle, lorsqu’elle rejoint son mari en début d’après-midi et découvre un palais de Carthage sans "le moindre gardien devant la demeure officielle, pas l'ombre d'une sentinelle, les portes ouvertes aux quatre vents".

A l'intérieur, un homme qui aurait, dit-elle, joué un rôle clé : Ali Seriati, le chef de la garde présidentielle, l'homme de la sécurité le plus puissant de Tunisie, presse le couple de rejoindre l'aéroport militaire de l'Aouina et pousse Zine El-Abidine Ben Ali à monter à bord.

Leïla Trabelsi évoque les rumeurs de putsch propagées depuis Paris par un "conseiller de l'Elysée" et par le directeur central du renseignement intérieur, Bernard Squarcini.

Interrogé par Le Monde en avril 2011, ce dernier avait démenti.

Elle est convaincue qu’il y a eu complot. "Parmi les signes qui auraient dû inquiéter le président : le nombre inhabituel de stages proposés par certains pays étrangers à de jeunes tunisiens dans des laboratoires où ils ont appris l'usage des blogs."

L’armée aurait ainsi organisé et précipité la chute du régime. A l'aube du 14 janvier, "les policiers avaient été priés de remettre leurs armes à l'armée, laquelle, comme par hasard, paradait, dès le lendemain de notre départ, dans des photos conçues à l'avance", affirme-t-elle.

"Ma conviction, est que ceux qui ont fomenté le coup d'Etat (...) ne font pas partie du ministère de l'Intérieur", ajoute-t-elle.

Les Tunisiens semblent à priori tout à fait indifférents à la publication de cet ouvrage. Corruption, gabegie, passe-droits, privilèges, vol, et dictature ont définitivement privé les Ben Ali de toute crédibilité.