Commentaire. « Nous ne pouvons pas tuer des bébés par passe-temps ». Coup de tonnerre dans le monde politique israélien
Par Nadjib TOUAIBIAPublié le
C’est une rupture. Une fissure dans le mur de silence et de soutien inconditionnel à l’offensive israélienne sur Gaza. Yair Golan, chef du parti Démocrates (gauche) et ancien numéro deux de l’armée, vient de lancer une bombe politique en Israël. Dans une interview choc, il a dénoncé avec des mots rares ce que son pays inflige à Gaza: «Nous ne pouvons pas devenir un État paria, tuer des bébés par passe-temps, ou chercher à expulser une population entière.»
En dénonçant avec une rare clarté la dérive de son propre pays à Gaza, Golan ne signe pas seulement une rupture politique : il brise un tabou moral. Non, on ne défend pas une démocratie en affamant deux millions de civils. Non, on ne protège pas une nation en pulvérisant des écoles et des hôpitaux. Non, ce n’est pas “la sécurité nationale” que de transformer un territoire en cimetière d’enfants. C’est de la sauvagerie. Et, enfin, quelqu’un le dit.
Ces mots, inédits dans le paysage israélien, ont immédiatement déclenché une tempête. Benyamin Netanyahou et ses alliés d’extrême droite, habitués à l’unanimisme martial depuis le 7 octobre, ont hurlé à la « pourriture morale ». Mais pour la première fois, une voix crédible – celle d’un militaire respecté– ose dire tout haut ce que des Israéliens, de plus en plus nombreux, pensent tout bas : non, cette guerre ne se fait pas « au nom de la survie d’Israël ». Elle enfonce le pays dans la barbarie.
Un tournant politique et moral
Yair Golan n’est pas un marginal. Ancien général, il incarne une gauche israélienne que l’on croyait moribonde. Et ses propos trouvent un écho inattendu : Ehud Barak, ex-Premier ministre, le soutient ouvertement. Ehud Olmert, autre ancien chef de gouvernement, enfonce le clou en parlant de « crimes de guerre » à la BBC. Même timidement, une fracture se dessine dans l’establishment.
Pendant ce temps, l’extrême droite israélienne – Ben Gvir, Smotrich et leurs milices fanatisées – est mise sur la défensive. Car Golan ne s’attaque pas seulement à la stratégie militaire. Il vise l’essence même du projet ultranationaliste : la purification ethnique de Gaza. En rappelant que tuer des enfants et affamer deux millions de personnes n’est pas de la « légitime défense », mais de la monstruosité, il brise un tabou.
L’Europe se réveille enfin, la mobilisation aussi
Ce coup de gueule intervient à un moment crucial. Alors que l’Europe, après des mois de complaisance, commence à bouger. La France et 20 autres pays viennent de condamner le blocus inhumain de Gaza. Paris menace de geler des accords avec Israël. Londres suspend des négociations commerciales. Même Washington, sous Trump, laisse filtrer son exaspération.
Sur le terrain, le carnage – plus de 50.000 morts, des enfants déchiquetés, des familles entières ensevelies – ébranle les consciences. En Israël même, une minorité grandissante dénonce cette folie meurtrière. Des réservistes refusent de servir. Des familles de victimes du 7 octobre appellent à un cessez-le-feu. La mobilisation est encore faible, mais elle existe.
Et la France ? Silence médiatique assourdissant
Pendant ce temps, en France, quelle couverture pour ces propos explosifs ? Aucune. Les chaînes d’info en continu, obnubilées par leur alignement atlantiste, passent sous silence la révolte de Yair Golan. Pourtant, son discours est historique : c’est la preuve qu’en Israël même, des voix refusent de se faire complices du génocide.
La suite dépendra du courage des uns et de la lâcheté des autres. Mais une chose est sûre : le mythe d’une Israël unie derrière sa guerre « propre » s’effrite. Et dans les ruines de Gaza, comme dans les consciences israéliennes, quelque chose est en train de changer.
« Nous ne tuerons pas des bébés par passe-temps. » Enfin, quelqu’un l’a dit.