Le séisme de l'affaire Benalla n'a pas fini de provoquer des répliques, jusqu'au sommet de l'Etat

L'affaire Alexandre Benalla : Pourquoi l’Elysée n’est pas à la hauteur

L'affaire Alexandre Benalla prouve une nouvelle fois qu'une crise politique en elle-même ne provoque pas nécessairement de dégâts. C’est sa gestion qui en décide. Ici, la gestion calamiteuse de la crise et de sa communication a fait dégénérer un simple fait divers en crise politique majeure du quinquennat Macron. On fait le point !

Certaines crises politiques ne durent pas alors que d’autres s’éternisent pendant des mois, font démissionner des hommes politiques, détruisent la valeur de leur réputation et réduisent à néant l’image autrefois respectée de ces personnalités de premier plan.

Comme dans toutes les crises, l'affaire Alexandre Benalla s'est déroulée en 4 étapes.

Première étape : la crise émerge et fait l’actualité, le public se demande alors ce qu’il s’est passé. Il est à ce stade essentiel de faire preuve de transparence. L’Élysée choisit à ce stade un porte-parole maladroit qui va jeter de l’huile sur le feu. L’Élysée décide enfin de ne révéler qu’une partie des faits dont elle a connaissance.

Deuxième étape : étape cruciale où la réputation se forme, en bien ou en mal, où les médias se concentrent sur les victimes et la gestion de la crise. L’Élysée mise sur une position tactique de déni et une stratégie de minimisation des faits. Nouvelle erreur calamiteuse. Le public perçoit une inadéquation absolue entre la réaction du palais de la Présidence et la gravité des faits.  

Troisième étape : qui est à blâmer. En ayant tout fait dans les règles de l’art lors de la deuxième étape, l'homme politique peut grandement minimiser la durée et l’ampleur de cette étape. Là encore, la Présidence de la République rate le déploiement d’une gestion de crise appropriée. Aucune démission n’est annoncée. Aucune responsabilité n’est tirée. Aucun coupable n’est désigné. Aucun process amélioré. Aucune faille identifiée.

Quatrième étape : résolution. C’est la fin de la crise. Il y a une forme de résolution. Cela peut être une enquête judiciaire ou une audience parlementaire. Pour y arriver, il faut une prise de parole forte du Président de la République vers qui tous les regards se tournent. Par ailleurs, cette crise est d’autant plus grave qu’elle est la négation de l’ADN politique même d’Emmanuel Macron, qui a été élu contre la succession d’affaires qui a marqué la dernière élection présidentielle. 

Comme c'est souvent le cas, Emmanuel Macron avait ici le pouvoir de contenir la crise et de l’empêcher de peser sur ses projets. En multipliant les erreurs de communication de crise, le Président de la République a accentué le scandale politique et a paralysé son action publique et politique.

L’absence de réaction du Président de la République a été légitimement perçue comme un signe de culpabilité alors que, aveuglés, ses communicants y ont vu une position jupitérienne stratégique de replis. Cela peut sembler injuste, mais nous avons tendance à croire les gens qui se montrent et s’expriment, et à avoir une piètre opinion de ceux qui refusent de quitter leur bureau. Communiquer tôt aurait donné du Président de la République une image d’ouverture et d’intention réelle de résoudre le problème. Se refermer sur lui-même a donné l’impression inverse.

Le porte-parole en dit long sur la mobilisation de l’Élysée. Cette crise politique est née d'une gestion calamiteuse de la communication politique. Les questions ne font pas le mal. Seules les réponses le font. Cette règle s'est vérifiée dans cette affaire avec l'intervention du porte-parole du président, Bruno Roger-Petit qui a jeté de l'huile sur le feu. Ce porte-parole qui se voit reprocher depuis des semaines d'être trop bavards par les communicants de l'Élysée est d'abord un journaliste habitué des polémiques sur twitter qui ne semble maitriser ni les principes élémentaires de la gestion de crise ni même ceux d'un porte-parolat. Il n'aura en l'espèce réussi qu'à déclencher une crise qui germait sans avoir réussi à servir de bouclier au Président de la République. Kamikaze ou pompier-pyromane... chacun tranchera.

Choisir ensuite Stéphane Travers, Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, est particulièrement maladroit. Jouissant d'une très faible notoriété, le public a nécessairement pensé qu'Emmanuel Macron ne prenait pas la crise au sérieux. Incapable d’incarner la parole portée, le Ministre fut inaudible. Quand vous devez prendre la décision d'un porte-parole en période de crise, il vaut toujours mieux viser trop haut plutôt que trop bas. Ici c'était trop bas.

Un scandale politique touchant aussi directement le Président de la République

Un scandale politique touchant aussi directement le Président de la République exigeait naturellement une prise de parole de sa part dès le début.
Sa présence aurait envoyé deux messages importants aux Français qui sont ses électeurs : “C’est important et je suis impliqué pour sa résolution.”

Au début de la crise Alexandre Benalla, comme souvent dans ce genre d'affaire, les journalistes ont rarement connaissance de tous les faits. Ils peuvent n’en avoir découvert que quelques aspects au début, ce qui a amené la Présidence de la République à conclure qu’ils ne devraient parler que de ce que les médias savent déjà, plutôt que de mentionner certains autres aspects, surtout les côtés peu glorieux.

Ils se sont dit « pourquoi empirer une situation déjà difficile ? ». Mais ce genre d’approche court-termiste a évidemment eu des répercussions néfastes : les médias ont eu l’impression de prendre l'Élysée en faute et ont durci le ton dans leur couverture de la crise. Par ailleurs, un feuilletonnage médiatique est né, offrant à cette affaire une couverture médiatique d'ampleur.

Les journalistes découvrant constamment de nouveaux éléments par eux-mêmes, chacun plus incriminant pour l'Élysée, ils ont prolongé la crise. Ces nouvelles révélations constantes ont diminué la crédibilité d'Emmanuel Macron.

Aussi difficile que cela puisse paraitre, Emmanuel Macron aurait absolument dû révéler toute la vérité dès le début de cette crise politique. Comme un pansement qu’on enlève, il vaut mieux arracher d’un coup que décoller petit à petit.

Si la gravité des comportements fautifs suspectés semble difficilement contestable, ces fautes individuelles n'auraient pas dû amener toute la Présidence de la République à traverser une telle crise politique.

On le voit ici, ce Président qui a toujours semblé si attaché aux symboles, n'a pas mesuré ici l'importance symbolique de cette affaire. Henry Kissinger le rappelait :  "Si ça va finir par sortir, mieux vaut le faire sortir immédiatement."

Face aux crises en général et à la crise née de l'affaire Alexandre Benalla, trois attitudes s'offraient au Président de la République et à ses communicants : décider que tout cela n’est qu’un épiphénomène médiatique (ce qu'a théorisé dangereusement le premier ministre Édouard Philippe), que l’on en a vus d’autres, qu’il faut donc prendre le moins de risques possible en se rigidifiant sur les méthodes qui marchaient jusqu’à présent (le Président Jupitérien au-dessus de la mêlée) ;se mettre en mode réactif et se montrer mobilisés.

L'Élysée a échoué depuis le début de la naissance de ce scandale. Par ailleurs, chacun remarquera que pour la première fois, les députés de la majorité se retrouvent démunis d'éléments de langage alors qu'ils en ont été jusque-là submergés. Pourtant, au cœur de la crise, le rôle des communicants c'est d'assurer la continuité de la diffusion des messages, s'assurer que leurs messages sont plus entendus que ceux de leurs adversaires politiques en mobilisant leurs équipes autour de messagers cohérents garantissant l’unité de leur équipe.

Alexandre Benalla, Affaire Benalla, BenallaGate, scandale Alexandre Benalla, quel que soit le nom qu’on lui donne, cette affaire révèle que la fonction communication est d’autant plus importante que toute crise accentue l’irrationnel et exacerbe l’émotivité. En temps de crise, la communication prend une dimension inégalée. Et chacun sait que ne pas communiquer, c’est tout de même communiquer…

LaFrenchCom Paris

Communication de crise
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