Le droit de mourir est depuis de nombreuses années une question très controversée en Italie.(Photo : DR)

Suicide assisté : une première en Italie

Un tétraplégique nommé Mario (pseudonyme), incapable de bouger depuis 10 ans, a demandé aux autorités sanitaires locales d'approuver son suicide assisté. Le comité des Marches a déclaré que l'état de Mario répondait aux critères définis par un arrêt de la Cour constitutionnelle de 2019, à savoir une pathologie chronique et irréversible causant des souffrances que la personne juge intolérables. Après avoir appris la décision Mario s'est dit soulagé et libéré.

"Je me sens plus léger, je me suis libéré de toutes les tensions que j'ai accumulées au fil des ans", a déclaré Mario, cité par le groupe de droit à la mort Associazione Luca Coscioni.


Le comité a accédé à la demande après un refus d'une première pétition auprès de l'autorité sanitaire régionale et un recours en justice. Il a fini par déclarer que Mario était en mesure de prendre ses propres décisions de manière libre et éclairée.

"Il est très regrettable que cela ait pris tant de temps, mais enfin, pour la première fois en Italie, un comité d'éthique a confirmé l'existence des conditions du suicide assisté pour une personne malade", a déclaré Filomena Gallo, l'avocate de Mario.

Le droit de mourir est depuis de nombreuses années une question très controversée en Italie, où l'Église catholique, qui exerce une forte influence sur la politique et l'opinion publique, est farouchement opposée à une législation plus libérale.
Mario est la première personne en Italie à recevoir l'autorisation de procéder à un suicide assisté, après que la Cour constitutionnelle italienne ait statué en 2019 qu'aider une personne en "souffrance intolérable" à se donner la mort n'était pas un crime, à condition qu'elle remplisse quatre conditions. Celles-ci comprennent le fait que le patient soit maintenu en vie par des traitements de maintien en vie ; qu'il souffre d'une maladie irréversible, source de souffrance physique ou psychologique que le patient juge intolérable ; qu'il soit pleinement capable de prendre des décisions libres et éclairées ; et qu'il n'ait pas l'intention de recourir à d'autres traitements de santé pour la douleur et la sédation profonde.


La cour constitutionnelle a pris sa décision en 2019 après avoir été invitée à se prononcer sur le cas de Fabiano Antoniani, connu sous le nom de DJ Fabo, un producteur de musique et pilote de motocross laissé tétraplégique et aveugle par un accident de la route en 2014. Marco Cappato, le trésorier de l'association Luca Coscioni, a aidé Antoniani à mettre fin à ses jours en l'accompagnant en Suisse en 2017.

Cet été, plus d'un million d'Italiens ont signé une pétition demandant un référendum pour dépénaliser l'euthanasie, une question qui divise l'Italie et qui se heurte à une forte opposition des politiciens conservateurs et du Vatican.

Suicide assisté en France, on en est où?


La France a instauré en 2005 un droit au « laisser mourir » qui favorise les soins palliatifs, puis a autorisé en 2016 la « sédation profonde et continue jusqu’au décès », consistant à endormir définitivement les malades incurables et en très grande souffrance, dont le pronostic vital est engagé « à court terme ». Examinée en avril dernier, une nouvelle proposition de loi "donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie" est portée par plusieurs dizaines de parlementaires. Ceux-ci souhaitent notamment la légalisation du suicide assisté.
Marie-Sylvie Richard, médecin formatrice à la Maison médicale Jeanne-Garnier et membre du département d'éthique biomédicale au Centre Sèvres à Paris, précise que le médecin "prescrit une dose médicalement létale". Dose que "seul le malade décide de prendre ou pas". Il ne s’agirait donc pas d’un acte médical, mais d’une responsabilité médicale.

La fin de vie en Europe : le point sur les pratiques médicales

Dans les pays du Benelux, les avancées sur l’euthanasie ont débuté au début du nouveau millénaire. Aux Pays-Bas, depuis 2002, l’administration d’un médicament provoquant la mort est autorisée lorsque le patient en fait la demande à condition qu'il soit  en pleine possession de ses moyens et qu'il subisse des souffrances « insupportables et interminables » dues à une maladie diagnostiquée comme incurable. L’avis d’un second médecin étant nécessaire.

Les Pays-Bas ont été les premiers à autoriser, sous de strictes conditions, l’euthanasie pour les mineurs de 12 ans et plus. En avril 2020, la Cour suprême a donné son aval à l’euthanasie de personnes atteintes de démence avancée, même si elles ne sont plus en état de réitérer leur souhait.
La Belgique a également dépénalisé l’euthanasie en 2002 dans des conditions strictement définies par la loi. Le patient peut exprimer ses volontés dans une « déclaration anticipée » valable cinq ans, ou en faire la demande expresse s’il est en état de s’exprimer. En février 2014, la Belgique est devenue le premier pays à autoriser sans limites d’âge l’euthanasie pour les enfants « en capacité de discernement » atteint d’une maladie incurable.

Le Luxembourg a tardé à prendre certaines mesures sur l’euthanasie, l’autorisant sous certaines conditions pour les patients majeurs condamnés depuis mars 2019.

En Espagne, le parlement a approuvé définitivement le 18 mars la légalisation de l’euthanasie, qui doit entrer en vigueur en juin. Ce texte "répond à une demande sociale et contient des garanties" encadrant l'euthanasie, avait souligné le ministère de la Santé. Cette loi permet aussi bien l'euthanasie lorsque le soignant provoque la mort du patient que le suicide médicalement assisté lorsque le patient prend lui-même la dose de produit prescrite pour se donner la mort.

Autres formes d’aide à mourir

Au Portugal, seul l’arrêt des traitements est admis dans certains cas désespérés. Fin janvier 2021, le Parlement avait pourtant adopté une loi autorisant « la mort médicalement assistée », mais la Cour constitutionnelle a retoqué le texte mi-mars. Le Parlement peut amender le texte avant de le soumettre à nouveau.

En Suisse, depuis 1942, le Code pénal parle de "suicide assisté" : le pays tolère l'euthanasie indirecte (traiter la souffrance avec comme effets secondaires possibles la mort) et passive (interruption du dispositif médical de maintien en vie). Au moment fatidique, il n'y a que le malade qui puisse s'administrer le produit, prescrit par le médecin sur ordonnance.

En Suède, Norvège, Allemagne et en Autriche, l’euthanasie passive est tolérée si le patient en a fait la demande. En février 2020, la Cour constitutionnelle allemande a censuré une loi de 2015, proscrivant l’assistance au suicide « organisée » par des médecins ou associations.