l'UA a été Créée en 2002 à Durban (Afrique du Sud) sur les décombres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) (DR)

L’Union Africaine confrontée aux stratégies des grandes puissances

L'Union Africaine (UA) tient son 22ème sommet les 30 et 31 janvier à Addis Abeba (Ethiopie) dans un contexte de guerre interne qui déchire nombre de pays. Plus que jamais confrontée aux stratégies de pénétration économique des grandes puissances, l'institution se doit de retrouver une cohésion politique pour affirmer le rôle d'intégration et de pacification qu'elle s'est fixée à sa création il ya plus d'une décennie.

Du sang et des larmes, dans la terreur, le dénuement et l’impuissance… tel est le sort tragique de populations civiles africaines prises au piège de luttes féroces pour le pouvoir qui débouchent sur des déchirements ethniques et confessionnels, à l’image de l’épisode épouvantable que vivent les centrafricains. Dans ce pays, l’intervention française annoncée tambour battant et qui était supposée venir au secours des habitants a fait choux blanc. Le déploiement de troupes dans la capitale, Bangui, n’a pas freiné les tueries, empêché l’exode en masse de familles terrorisées. Le pays est désormais suspendu à un filet d’espoir : l’entrée dans une phase de transition sous la présidence de Catherine Samba-Panza, maire de Bangui.

Face à cette tragédie, tout comme face au Soudan Sud où on enterre les milliers morts d’une guerre pour le pouvoir, à la Libye plongée dans le chaos sous la coupe des milices armées, au Mali qui renaît à peine de ses cendres sous la menace permanente des hordes d’intégristes islamistes, à l’Egypte qui amorce un tournant politique dans l’incertitude, l’Union Africaine (UA) se distingue par son absence et son impuissance.

Créée en 2002 à Durban (Afrique du Sud) sur les décombres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) qui collectionnait les échecs politiques et économiques, l’Union Africaine s’était pourtant fixé des objectifs ambitieux d’intégration et de pacification du continent. L’organisation est même supposée intervenir « dans certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité ». Triste constat qui s’impose aujourd’hui : l’institution semble être incapable d’imposer la moindre solution aux déchirements sur le continent, alors même que les puissances occidentales ont multiplié les interventions aux conséquences catastrophiques.

« La cause de cette impuissance est à rechercher dans la dimension historique », explique André Bourgeot, directeur de recherche émérite CNRS au Laboratoire d'Anthropologie Sociale, spécialiste de l’Afrique. Le chercheur retient l’hypothèse « d’une marginalisation de l’UA par les puissances occidentales et l’ONU, au point où l’on se demande même s’il elle existe toujours ». Il rappelle qu’elle s’était fermement opposé au bombardement de la Libye, mais en vain. « Il semble tout compte fait que les organisations régionales (CEDEAO, CEMAC) (1) servent davantage de relais que l’UA », précise-t-il.

Des « relais » qui ouvrent surtout les voies de pénétration économique aux grandes puissances. Celles-ci n’ont en effet aucun intérêt au renforcement d’une institution à l’échelle continentale qui poursuit des objectifs d’intégration à l’image de l’Union Européenne. Elles préfèrent de loin une Afrique en rangs dispersés, modèle idéal pour l’implantation des firmes tentaculaires et le partage des ressources naturelles. Le récent sommet de chefs d’Etats africains à l’Elysée (6 et 7 décembre 2013), autour d’une série de thèmes, participe de cette manœuvre. La France réactive sa politique africaine pour se préserver de nouveaux marchés face, notamment, à la montée en puissance des entreprises chinoises. De façon générale, le capitalisme en crise n’a désormais d’autre issue que le redéploiement sur le continent africain. La bataille concurrentielle s’accélère tout autant que les tractations et manœuvres internationales autour des sources de tension.

Confrontée aux stratégies de pénétration des grandes puissances, l’Union Africaine se doit de trouver une cohésion politique pour opposer des ripostes dans l’intérêt du continent. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) ne désespère pas de la voir s’affirmer. Elle l’appelle à « prendre la mesure des défis posés par la perpétration de violations graves et massives des droits humains ». Mais encore faut-il pouvoir s’appuyer sur la volonté politique de chefs d’Etat le plus souvent empêtrés dans des luttes de pouvoir ou surtout occuper à accumuler des richesses colossales. L’institution peine finalement à avancer sur un chemin escarpé, semé d’embûches.

(1) Communauté Économique et Monétaire des Etats de l'Afrique Centrale. Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’ouest