La pédophilie est une question très sensible au Maroc, où les victimes sont particulièrement nombreuses. (D R)

Maroc : La libération d’un pédophile espagnol fait scandale

Au Maroc, une grâce royale a accordé la libération de quarante-huit détenus espagnols. Parmi eux, un homme condamné en 2011 à trente ans de réclusion pour des abus sexuels sur onze enfants. L’indignation est à son comble dans le pays. 

A l’occasion de la Fête du Trône, Mohamed VI, le souverain marocain, a gracié, comme c’est l’usage à cette occasion, environ un millier de prisonniers. A la demande du roi d’Espagne, Juan Carlos, une cinquantaine de détenus espagnols ont bénéficié de cette mesure. 

Ce qui a particulièrement choqué la population marocaine, c’est que dans la liste des quarante-huit espagnols figure un pédophile au lourd passé. Difficile de savoir pour l’heure si les autorités espagnoles ont demandé expressément que cet individu en particulier soit libéré ou si ce sont les services du ministère de la Justice marocaine qui ont eux seuls élaboré la liste. 

Le fait est que la libération de cet homme a provoqué un tollé au Maroc. Condamné il y a à peine dix-huit mois à trente ans de réclusion, cet Espagnol de 63 ans a été reconnu coupable du viol de onze enfants âgés de 4 à 15 ans. 

Il était emprisonné à Kenitra, au nord de Rabat. Il a d’ores et déjà quitté le pays et a regagné l’Espagne mercredi, où il ne purgera pas sa peine, la grâce annulant sa condamnation. 

 

La pédophilie, gangrène du Maroc

La question de la pédophilie est particulièrement sensible au Maroc, confronté régulièrement à des scandales de grande ampleur, impliquant souvent des Européens. 

On se souvient en France des propos de Luc Ferry, ancien ministre de l’Education de Jacques Chirac. En mai 2011, il avait évoqué une affaire de pédophilie à Marrakech, mêlant un “ancien ministre”, sans pour autant donner de nom.

La rumeur avait alors lancé ceux de Jack Lang ou Philippe Douste-Blazy, sans que rien ne puisse confirmer les accusations. Une association marocaine "Touche pas à mon enfant" s'était portée partie civile, et une enquête avait également été ouverte au Maroc. Finalement, en France,  l’affaire avait été classée l’année suivante. 

L’annonce de la grâce royale pour ce pédophile espagnol a pris de court les associations de protection de l’enfance ou de lutte contre la pédophilie. Elles ont dû pour la plupart rester prudentes, car critiquer une décision du souverain peut conduire à la prison ferme. 

En revanche, les citoyens se sont mobilisés en masse, en particulier via internet et les réseaux sociaux. Une pétition a été lancée sur le site Avaaz. Vendredi vers 20h, elle comptait déjà près de 2500 signatures. 

Un sit-in est organisé ce soir, à 22h, devant le parlement à Rabat pour protester contre l’octroi de cette grâce. A 20h, ce vendredi, la page Facebook qui relaye l’événement annonçait déjà quelques 22 000 participants potentiels. 

Il y a quelques semaines, début mai, des milliers de personnes s’étaient rassemblées dans les rues de Casablanca lors d’une “marche blanche contre la pédophilie.” Le but de la manifestation était alors de briser le tabou et la loi du silence liés a ce phénomène qui ronge la société marocaine.