Liban. Le 1er mai de la colère et de l’espoir mêlés

Source : https://www.humanite.fr/liban-le-1er-mai-de-la-colere-et-de-lespoir-meles-688574

Le virus n’a pas eu raison de la contestation des Libanais minés par la pauvreté et le chômage. De son côté, le gouvernement s’en remet au FMI pour son plan de réforme.

C’est un 1er Mai de la colère, une colère silencieuse, confinement anti-épidémie oblige, mais non moins explosive. Elle prend racine dans les révoltes de l’automne dernier contre la corruption, la spéculation financière, la gestion calamiteuse des ressources du pays, et l’abandon dans le dénuement d’une grande majorité de Libanais.

Faute de cortèges traditionnels, ils étaient tout de même là pour la Fête des travailleurs. Des centaines de militants syndicalistes et de gauche, dont le secrétaire général du Parti communiste libanais Hanna Gharib, se sont rassemblées Place Riad Solh, dans le centre de Beyrouth, entonnant des chansons de Marcel Khalifé et de l’Égyptien Cheikh Imam.

« C’est la fête des travailleurs qui sont tous au chômage, qui ont été volés par le gouvernement qui veut maintenant fixer le dollar à 3 500 livres », dénonce une participante citée par le quotidien « L’Orient Le Jour ». « Ce plan du gouvernement est le coup de grâce pour les travailleurs. Il vise à appauvrir encore plus le peuple », ajoute-t-elle, à propos des annonces du Premier ministre, Hassane Dia. Dans un message posté sur twitter, ce dernier rend, quant à lui, hommage « à ceux qui sortent dès l’aube pour gagner leur vie, à ceux qui veillent la nuit pour subvenir à leurs besoins, à ceux qui attendent de retourner travailler et à ceux dont les circonstances leur ont enlevé leur travail, à tous les travailleurs ».

Relativement épargnés des foudres du Covid-19, avec 24 décès et 725 cas d’infection, les Libanais ont renoué avec la contestation aux premières heures du déconfinement, dès le 27 avril. La rue est à nouveau le théâtre d’affrontements qui ont fait un mort et des dizaines de blessés, avec, pour premières cibles des manifestants, les banques associées à l’effondrement économique et social du pays. Le plan de réforme adopté par le gouvernement intervient dans ce contexte de haute tension. Les objectifs sont annoncés en termes « d’assainissement », de « restructuration » et de « relance » de l’économie.

Les défis et les enjeux sont de taille, tous les indicateurs sont au rouge. Le pays croule sous une dette colossale de 92 milliards de dollars, soit 170 % du PIB, le déficit budgétaire tourne autour de 10 % et les balances commerciales et des paiements sont déficitaires. Hassan Diab ambitionne de ramener ce taux à 100 % et de résorber le déficit à compter de 2024. Pour ce faire, le pays fait sans surprise appel au Fonds monétaire international (FMI) dont il espère 10 milliards de dollars. 11 milliards auraient été par ailleurs promis lors de la conférence de Paris en 2018.

« La France se tient prête, sur cette base, à accompagner le Liban et le gouvernement libanais dans les réformes économiques, politiques et sociales en réponse à la crise que connaît le pays », assure de son côté le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, dans un communiqué.

En attendant, il y a urgence sur le terrain social, la récession s’est accélérée à la faveur du confinement. L’inflation lamine le pouvoir d’achat, les prix ont augmenté de 50 %, la livre libanaise perd plus de 20 % de sa valeur et le chômage explose, tandis que 50 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté, selon la Banque mondiale.

« Comment en est-on arrivé là ? Il n’y a pas de cause unique à cette crise qui est le fruit de choix de politiques publiques à tous les niveaux : les politiques budgétaires ont été rongées par le clientélisme et la corruption, les autorités monétaires ont failli à leur mission dérégulation du secteur financier, le secteur bancaire a privilégié les profits, avec des investissements à hauts risques au détriment de la sécurité des dépôts, les lois et les réglementations en vigueur, en commençant par la Constitution, ont été systématiquement détournées ou violées », écrit Dr Henri J. Chaoul auteur d’une tribune publiée le 1er mai dans « L’Orient le Jour ».

Le président de la République, Michel Aoun, estime pour sa part que le plan de réformes est « historique ». Il lui faut à présent convaincre les chefs des blocs parlementaires. Mais encore faut-il parvenir à libérer le pays de l’entrelacs politique, confessionnel et financier, terreau de la bourgeoisie libanaise.

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Photo: (DR)