L'annonce du retrait de TF1 du bouquet Canal a suscité de grandes inquiétudes dans l'espace francophone.

Le clash Canal+ / TF1 depuis l'autre rive de la Méditerranée

La nouvelle est tombée jeudi soir, le groupe Canal + a décidé de couper le signal de toutes les chaînes du groupe TF1. Si en France la nouvelle a un intérêt d'un point de vue économique, elle ne suscite pas vraiment l'émoi des téléspectateurs qui peuvent continuer à suivre leurs programmes sur la TNT. Mais de l'autre côté de la Méditerranée et globalement dans tout l'espace francophone en Afrique, cette information a déclenché de vives inquiétudes.

Depuis la prise en main par Bolloré il y a bientôt trois ans, le groupe a subi plus de 650 millions d'euros de perte et une vague de désabonnement massive. Ce n'est pas le cas à l'international où le nombre d'abonnés est en forte progression depuis les cinq dernières années, notamment en Afrique francophone où le groupe emploie plus de 1000 personnes.

20 ans de présence

«  On est là depuis 20 ans, mais on a récemment transformé nos offres sur le continent Africain. Si au début nous visions les quelques expatriés et les classes supérieures, nous profitons désormais du marché grandissant de la classe moyenne », souligne Jacques Du Puy, le président de Canal+ Overseas.

Depuis le lancement de la chaîne A+, une chaîne 100 % panafricaine diffusée dans 20 pays de l'Afrique de l'ouest et du centre, le groupe de Bolloré ne se contente plus de diffuser un bouquet sur le continent, et fait de l'Afrique une terre d'investissements. Si Vivendi revendique près de 5 millions d'abonnés en Afrique francophone, le nombre de téléspectateurs est largement supérieur tant le piratage est monnaie courante.

« Il suffit d'écouter les discussions devant la machine à café pour constater à quel point les Sénégalais sont accros aux chaînes françaises » précise Babacar Diop, un abonné Dakarois avant d'ajouter : «  nos chaînes locales sont tellement pauvres en contenu que dès qu'on a les moyens, on s'abonne à Canal ! ».

Sans mesure d'audimat, il est difficile de connaître les goûts des téléspectateurs africains. Cependant, si le groupe mise sur la création de programmes locaux, les chaînes classiques françaises semblent avoir la préférence.

Un précédent avec le retrait de M6

En décembre 2017, sans même prévenir ses abonnés, Canal Plus avait déjà décidé de retirer les chaînes du groupe M6 de ses offres. Les réactions dans l'ensemble de l'Afrique francophone ne se sont pas faites attendre. Sur la page Facebook de Canal + Afrique, les plaintes se sont multipliées et de nombreux téléspectateurs menaçaient de ne pas renouveler leur abonnement s'ils ne pouvaient pas continuer à suivre leur programme préféré. Plusieurs mois après cette rupture, les « #RendezNousM6 ! » pullulent encore sur les réseaux sociaux.

« Lors du retrait de M6, j'étais à deux doigts de me désabonner pour aller chez des distributeurs locaux qui continuaient à diffuser la chaîne. Lorsque la rumeur du retrait de TF1a commencé à enfler, j'ai tout de suite pensé que cette fois-ci, j'allais passer de la parole aux actes ! », explique Babacar, soulagé par la récente publication du groupe sur sa page Facebook.

En effet, pour mettre fin à la rumeur et aux inquiétudes, Canal + Afrique a publié hier un statut précisant que le retrait des chaînes du groupe TF1 ne concernait pas le continent.

Soulagés par la nouvelle et ravis d'avoir été cette fois-ci informés par le groupe, les téléspectateurs continuent cependant de réclamer le retour de M6.

Un marché sous-estimé par les annonceurs

Les raisons de ces changements sont en réalité liées à une décision prise par CSA il y a 18 mois, qui en libéralisant le marché a permis aux diverses chaînes de négocier les droits avec les distributeurs. Il ne faut par conséquent pas jeter la pierre au groupe Canal + qui a subitement vu les droits augmenter et ses marges fondre comme neige au soleil.

Il est également nécessaire de s'attarder sur la question des annonceurs, qui ont tendance à « snobber » le marché africain. Pourtant, depuis quelques années, avec la forte implantation des enseignes françaises de la grande distribution comme Auchan ou Casino, les marques françaises ont pignon sur rue et envahissent les cabas des consommateurs.

Si depuis l'hexagone les marques ont tendance à considérer que l'Afrique est pauvre et sans intérêt économique, la réalité sur le terrain est toute autre. Non seulement les classes moyennes et supérieures se montrent de plus en plus gourmandes des produits importés, mais en plus, suite à une baisse considérable des prix, ces derniers sont désormais accessibles a une plus large part de la société. Et avec une population de plus de 450 millions d'habitants, l'Afrique francophone représente un marché sans commune mesure avec la fameuse ménagère de moins de 50 ans, qui a toujours la préférence des annonceurs.

Par conséquent, il est nécessaire de porter un regard neuf sur l'Afrique en forte croissance qui offre des opportunités considérables. Les Chinois et les Américains l'ont d'ailleurs compris au détriment des entreprises françaises qui pourraient bien s'en mordre les doigts, dans les années à venir.