C’est, notamment, l’agression au couteau de trois étudiants Congolais, à Tunis en 2016, qui a enfin donné la juste mesure de ce que peut provoquer la haine raciste... (DR)

Tunisie : une loi pénalisant le racisme, un pas de plus sur le chemin du progrès et de la dignité

La Tunisie se regarde dans les yeux et ose briser un tabou, celui du racisme anti-Noirs, ce poison qui pourri sa société. L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a adopté, le 9 octobre dernier, une loi pénalisant le racisme. Le texte a été adopté avec 125 voix pour, 1 contre et 5 abstentions.

Tenir des propos racistes est désormais passible d’une peine maximale d’un an de prison et jusqu’à 1000 dinars d’amende (306 euros environ). Mais pas seulement. «L’incitation à la haine », « les menaces racistes», « la diffusion et l’apologie du racisme », ainsi que la « création » ou la « participation à une organisation soutenant de façon claire et répétitive les discriminations » seront sévèrement sanctionnés (jusqu’à trois ans de prison et 5 000 dinars d’amende et 15 000 dinars s’il s’agit d’une personne morale).

Le projet de loi a été porté et défendu par Jamila Ksiksi, députée du parti islamiste Ennahda et issue de la minorité Noire tunisienne, environ 15% de la population, en grande majorité des descendants d’esclaves. Les tergiversations de certains de ses collègues ne l’ont pas dissuadée. Elle aurait été largement épaulée par les députés représentants les tunisiens à l’étrangers.

L’esclavage a été aboli en Tunisie en 1846. La loi du 9 octobre 2018 constitue enfin un pas supplémentaire sur la voie de la justice et de la dignité. Un pas unique au Maghreb et dans les pays arabes. L'esclavage demeure une pratique courante en Libye, notamment, où des migrants et autres réfugiés continuent à être vendus et achetés. Cette loi est à inscrire au chapitre des progrès démocratiques et dans la défense des droits de l’homme. Le chemin n’en reste pas moins très long pour encore faire reculer le racisme anti-Noirs.

Les associations qui continuent à se battre dans ce sens ont longtemps attendu les soutiens des organisations politiques. Les choses ont évolué sous pression d’actes de violences contre des Subsahariens, lors d’un match de football en 2015. Et c’est l’agression au couteau de trois étudiants Congolais, à Tunis en 2016, qui a enfin donné la juste mesure de ce à quoi peut conduire la haine raciste.

La balle est à présent dans le camp des magistrats, pour une réelle application de la loi, et... dans la société civile. Jamila Ksiksi est la seule élue Noire à l’Assemblée des représentants du peuple (Parlement).