Denise, du Collectif de soutien, en visite chez les Roms. (© Patricia Fournier)

France : Montpellier, capitale des Roms ?

« Montpellier ne va pas devenir la capitale des Roms. J'ai atteint le seuil de tolérance ». Cette phrase lâchée dans Midi Libre (14.09.11) par l'élu montpelliérain Serge Fleurence (PS), lors de l'évacuation des Roms du terrain vague municipal du Mas-Rouge (Odysseum), pourrait bien rejoindre le panthéon des sorties, désormais célèbres, de Claude Guéant et Brice Hortefeux (1).

Des propos « choquants et très maladroits »

Jean-Louis Roumégas, le président du groupe des élus Europe Ecologie-Les Verts au conseil municipal de Montpellier s'en est inquiété, le jour même, dans un communiqué. En jugeant les propos de Serge Fleurence « choquants et très maladroits » : « Même s’il se défend d’avoir les mêmes valeurs que Claude Guéant et s’il faut donner crédit à la mairie d’avoir mis, par ailleurs, des terrains à disposition, les termes employés sont déplacés et apportent de l’eau au moulin du ministre de l’Intérieur. Les termes de seuil de tolérance ou de capitale des Roms sont de nature à entretenir un climat de suspicion et de rejet envers une communauté déjà stigmatisée ».

« Le premier adjoint d’une ville de gauche aurait été mieux inspiré de pointer les carences de l’état en la matière, poursuit l'élu écologiste. Car aucune solution au niveau national ou européen n’a été mise en œuvre pour l’accueil dans de bonnes conditions de ces populations. Les Roms sont pourtant aujourd’hui des citoyens européens. Comment leur reprocher alors de s’installer sur des terrains sans autorisations, quand ils n’ont pas d’autre choix ! »

« La grande peur de l'invasion »

Une analyse à multiples facettes que partage complètement Jean-Charles Taddei, membre du Collectif de soutien aux Roms de Montpellier (2), créé lors de l'été 2010. Également choqué par les propos de Serge Fleurence qui renvoient à la « grande peur de l'appel d'air et de l'invasion » étrangère, le militant de la Ligue des Droits de l'Homme met aussi en exergue ce « paradoxe » : « Nous sommes gênés par cet épisode, parce que la Ville a beaucoup fait, depuis la création du Collectif. Alors que l’État reste droit dans ses bottes en se limitant à proposer des aides au retour et à utiliser les fonds européens pour construire des camps d'accueil en Roumanie, la municipalité, elle, a accepté d'apporter une aide humanitaire en mettant trois terrains à la disposition des Roms. Avec un point d'eau, un accès à l'électricité et des sanitaires, en échange d'une contribution, même minime ».

Problème : la Ville avait bien prévenu que son geste ne concernerait que trois terrains (Zénith, Grammont et Euromédecine). Pas un de plus. Si elle a bien réagi lors de l'arrivée des Roms sur le 4ème terrain (à côté du château de la Mogère) en allant jusqu'à y installer un point d'eau, l'occupation d'un cinquième site par les Roms (celui du Mas-Rouge), a mis le feu aux poudres.

« Une rupture de contrat »

« Cette installation a été perçue comme une rupture de contrat », analyse Michel Roquefort, militant d'ATD Quart Monde et membre du Collectif. D'où le coup de gueule de Serge Fleurence et le procédé d'évacuation mis en œuvre par la police municipal, mardi, sur ce seul et unique terrain. Un procédé qui se résume ainsi : soit vous partez, soit on réquisitionne vos véhicules et vos caravanes non-réglementaires. Ce qui a poussé la centaine de Roms présente sur les lieux à retourner sur le terrain de l'Etat (France Domaine), également à proximité du château de la Mogère. Un site promis à une expulsion certaine (à partir du 30 septembre) qu'ils avaient quitté peu de temps avant...

« L’État ne fera rien de bon, nous ne pouvons compter que sur les collectivités », estime Jean-Charles Taddei, qui en appelle à l'organisation d'une table ronde : « Si le Département et l'Agglomération s'impliquaient plus, nous pourrions dispatcher ces gros camps qui font peur aux gens : les Roms y sont prêts. Mais aujourd'hui, le Département nous dit ne pas pouvoir faire plus que l'attribution de nuits d'hôtel pour les personnes malades et la présence de son bus PMI (Protection Maternelle et Infantile) sur les terrains. Et l'Agglomération ne répond pas à nos courriers... »

Le désengagement de l'Etat

Conscient que « le désengagement de l'Etat » pèse toujours plus sur les collectivités locales, Jean-Charles Taddei sait aussi qu'à proximité de l'élection présidentielle, tout le monde marche sur des œufs, face à un sujet particulièrement sensible et source de clivage. Il livre donc quelques chiffres pour nourrir la réflexion de chacun : « Ces 600 Roms sont à Montpellier depuis 2004 et leur nombre ne connaît aucune évolution. Ce sont des sédentaires principalement originaires de Roumanie et de Bulgarie. En tant que citoyens européens, ils ont la liberté de circuler, mais ils sont soumis jusqu'en 2014 à des mesures transitoires qui les empêchent d'accéder aux revenus. Ils vivent donc de la mendicité et de la ferraille. Derrière, cela génère des situations humaines qu'il nous faut bien gérer ! 600 Roms dans une agglomération, comme Montpellier, ce n'est pas énorme... On retrouve à peu près les même proportions, dans les autres agglomérations, comme Lille, Nantes ou Saint-Étienne... Sur les 12 M de Roms que l'on dénombre en Europe, la France en accueille 1200, soit un pour mille. Ce n'est donc pas une invasion. Et l'expérience nous a montré, quand une collectivité bouge, que cela n'augmente pas le nombre des Roms ».

N.E

1.« Les Français ont le sentiment que les flux (migratoires) non maîtrisés changent leur environnement », « ils ne sont pas xénophobes», « ils veulent que la France reste la France », a notamment expliqué le ministre de l'Intérieur Claude Guéant (UMP) dans Le Monde (15.03.11). « Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes », avait pour sa part déclaré son prédécesseur au ministère, Brice Hortefeux, lors de l'Université d'été de l'UMP 2009.

2.ATD Quart Monde, Centre de documentation Tiers Monde, Chorus, Cimade, Emmaüs, Fondation Abbé Pierre, Habiter Enfin, Ligue des Droits de l’Homme, Médecins du Monde, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, RESF 34, Restos du Coeur, Secours catholique, Secours populaire, Union française des associations tsiganes, Voisins et citoyens en Méditerranée, Ziconophages et des citoyennes et citoyens.

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