Aujourd’hui, pour les services agricoles du pays, l’enjeu est de réussir à créer un climat attractif pour les agriculteurs afin d’encourager les investissements pour la production de céréales

Algérie : fin du monopole pour le blé français

L’Algérie, un des plus gros importateurs mondiaux de blé tendre, compte changer de fournisseur. Après des années de collaboration avec les producteurs français, voilà qu’Alger semble changer de fusil d’épaule et privilégier le blé russe.

Les tensions diplomatiques entre l’Algérie et la France ont déteint sur les transactions de blé entre les deux pays. Selon les estimations, les achats de blé français par l’Algérie n’ont jamais été aussi faibles que ces dernières années. Rappelons qu’Alger constitue la moitié des ventes françaises de blé hors pays de l’UE. L’attractivité du blé français est principalement due à la proximité géographique et au cahier des charges algérien qui, jusque-là, était taillé sur mesure aux caractéristiques du blé français. Or, depuis quelques mois, les autorités algériennes ont changé de critères d’importations. Cela a permis aux fournisseurs de la mer Noire, la Russie en tête, de concurrencer les offres françaises.


Même si le mot boycott n’a jamais été prononcé, difficile de ne pas le prendre comme tel. On prévoit même l’arrêt des transactions impliquant le blé entre les deux pays d'ici à la fin de l'année. Pour Sébastien Poncelet, haut responsable du cabinet Agritel, le changement de cahier des charges algérien ne veut pas dire que Paris n’est plus en mesure de vendre son blé pour Alger. Néanmoins, la compétitivité du blé russe fait que la France doit s’aligner sur des offres qu’elle ne peut pas suivre. Ce qui peut à terme entrainer la perte définitive du client algérien. Les conséquences de cette perte se font déjà ressentir dans le secteur agricole français, notamment sur les stocks qui ont été revus à la hausse.


L’Algérie était l’un des rares grands importateurs de blé auxquels Moscou n’avait pas encore accès

La décision de modifier le cahier des charges pour les acquisitions de blé tendre a ouvert la voie aux producteurs russes pour se positionner sur le marché algérien. Plus précisément, les modifications apportées au cahier des charges initial comprenaient un assouplissement de la qualité du blé porteur d’insectes de 0.5 à 1 %. Cela permet au blé russe de proposer le meilleur ratio quantité/prix du marché. L’objectif pour Alger étant d’importer des quantités importantes de blé tendre. D’ailleurs, la Russie occupe la première place des fournisseurs de blé en Algérie, une place longtemps occupée par Paris.
Signalons que selon Demetra, une société de trading russe spécialiste dans les négociations de blé, Moscou a fourni 60.000 tonnes de blé à l’Algérie en 2021. L’Algérie était l’un des rares grands importateurs de blé auxquels Moscou n’avait pas encore accès.


Pourquoi l’Algérie peine à produire du blé

Le secteur de l'agriculture souffre de nombreux retards en Algérie. Le pays a récolté que treize millions de quintaux de blé contre 39 millions de quintaux auparavant, pour un potentiel local de 100 millions de quintaux, selon les experts. Pour le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, les faibles performances agricoles sont principalement dues à la sécheresse et au manque de pluie. Or, l’Algérie n’est pas l’unique pays à souffrir de cet handicap naturel. Des pays comme l’Australie qui possèdent un climat semi-aride réussissent d’excellentes performances agricoles.

Aujourd’hui, pour les services agricoles du pays, l’enjeu est de réussir à créer un climat attractif pour les agriculteurs afin d’encourager les investissements pour la production de céréales. À cette fin, l’État propose des prêts à taux réduit, semences certifiées, engrais et matériel agricole subventionné. Néanmoins, cela ne semble pas suffire. Les céréaliers se plaignent du prix élevé des engrais et du manque de disponibilité des semences d’orge, d’avoine et de blé. Une situation qui fait craindre une dépendance à l’exportation pour encore quelques années de plus.