Marine Le Pen a eu ses quarts d’heure de vedette. Il y en a même qui l’ont vu voler... (DR)

Le Front national entre réalité et imposture…

Comment faire reculer le Front National ? Inépuisable, la question fait à nouveau débat. Nombre de commentateurs en sont convaincus : dépoussiéré, le parti de Marine Le Pen démarre en trombe à six mois des municipales. Entre faits divers sordides à répétition, chômage record, pouvoir d’achat criblé de taxes, menace sur les acquis sociaux, le temps est en effet au beau fixe pour le FN.

« Il faut commencer par éviter l’erreur qui consiste à répondre par une surenchère sur les thèmes favoris de l’extrême droite, notamment la sécurité », recommande d’emblée Sylvain Crépon, chercheur au Sophiapol de Nanterre, auteur de « Enquête au cœur du nouveau FN ». Dans les conditions socio-économiques actuelles, il n’est pas possible de dresser le moindre barrage au FN sans « répondre à certaines inquiétudes de l’électorat populaire, abandonné par la gauche, notamment le PS », explique-t-il. Autrement, on est n’est inévitablement dans « l’incantation », met-t-il en garde. Depuis des années on ne cesse de « déconstruire les discours et les idées du FN, cela n’a pas pour autant empêché sa progression », insiste-t-il. « Le FN est un objet politique français qui rend fou, les hommes politiques en oublient leurs prérogatives. Il faut cesser d’entretenir cette obsession et apporter plutôt des réponses concrètes », résume enfin Sylvain Crépon.

Pour avoir  mené la bataille contre l’extrême droite aux commandes de la ville de Vitrolles dans les années 90, l’élu communiste Alain Hayot, dresse pour sa part un double constat qui inspire la conduite à tenir face au FN. « L’idée que l’action de ce parti est liée à la question sociale est factice. Il n’y a pas de relation mécanique », affirme-t-il. Selon lui, le facteur déclenchant résulte «d’un croisement entre une crise sociale et une crise politique ». Outre son caractère de ville-champignon confrontée au chômage, Vitrolles, dirigée alors par un maire socialiste, était en effet secouée par des pratiques de « détournement de l’intérêt public », situation qui a largement contribué à la montée du FN. « Ce déclic-là lui a permis d’investir une ville où la droite n’était pourtant pas faible », rappelle Alain Hayot.

Sur la base de ces constats, comment faire alors pour freiner la montée du FN ? A moyen terme, « il faut bien sûr s’atteler à construire une alternative, un projet politique. C’est la tâche du front de gauche encore à son balbutiement », répond l’élu. Mais pas seulement. Dans l’immédiat, « il faut mener le combat sur le terrain politique, tenir compte de la radicalisation de la droite de façon générale, d’où Fillon, Copé, Sarkozy, Cioti… ». Là serait le véritable adversaire, non pas l’extrême droite de façon isolée. Autre donnée, et pas des moindres, à prendre en compte : les calculs politiciens des uns et des autres à des fins de stratégie électorale, autant de chausse-trappes dont il faut se méfier. Toujours selon Hayot, le combat politique permanent s’impose d’autant plus que le vote FN est un vote d’adhésion à un projet d’une société « communautariste, repliée sur elle-même avec des ennemis intérieurs ». Plus concrètement, « il faut travailler à recréer du « lien social et de la solidarité » à accompagner « le retour de la politique, lui redonner du sens, une fraternité, une humanité ».

La situation dans les cités populaires, notamment à Marseille où le FN réalise régulièrement de bons scores, confirme en effet en grande partie les thèses de l’élu communiste. Le recul de l’action associative et militante y ouvre un boulevard à l’extrême droite. Le discours de cette dernière fonctionne comme une bouée de sauvetage pour toute une catégorie de la population qui vit un sentiment d’abandon et d’insécurité. Dès lors, tout comme à Vitrolles dans les années 90 (lire ci-contre), pour espérer faire reculer le FN « il faut encourager et s’appuyer sur les résistances citoyennes », résume Alain Hayot.

Le Front national qui ne pouvait espérer meilleur contexte pour son université d’été le week-end du 15 septembre dernier à Marseille est revenu au centre de l’actualité. Marine Le Pen a eu ses quarts d’heure de vedette. Il y en a même qui l’ont vu voler, cheveux au vent, au-dessus du Vieux Port... Il faut plus que jamais faire la part des choses entre réalité et imposture.