Pas une égratignure pour Mike Fanning, mais un bras amputé pour Rodolphe à la Réunion, l'expert Nicolas Ziani fait le point. (Capture d'écran World Surf League/YouTube) L

Attaques de requins, la grande psychose médiatique de l’été !

De la vidéo du bébé requin bleu filmé à Marseille côté plage de Corbières, à l'Estaque, à la dramatique attaque du surfer Rodolphe su le spot de Saint-Leu à la Réunion, en passant par la rencontre du surfer Mick Fanning avec un requin blanc au J-BayOpen 2015, l'expert Nicolas Ziani, membre du Groupe de recherche sur les requins en Méditerranée livre aux lecteurs de Médiaterranée son décryptage de la grande psychose médiatique de l'été !

« Comme chaque année, chaque été, la télévision française nous rediffusera sur nos écrans "Les Dents de la Mer", le célèbre film de Steven Spielberg qui donnera aussi à s’inquiéter de manière totalement injustifiée, les estivants qui voudraient se baigner dans la Grande Bleue. Qu'ils se rassurent, ils ne se feront pas "croquer" dans nos eaux sûres de la Méditerranée !

Le début de la psychose requin en Méditerranée se dessine avec déjà plusieurs plages fermées dans les Pyrénées-Orientales pour de simples jeunes requins bleus Prionace glauca ne dépassant pas un mètre de long : un bébé requin observé non loin de la côte à Canet en Roussillon, à Elne, et un spécimen légèrement plus grand capturé, non loin de là à Sainte-Marie-De-La-Mer, il y a quelques jours. Ce 12 juillet, un pauvre nouveau-né égaré de 30 à 40 cm a aussi été filmé sur une plage de Corbières à l’Estaque à la grande curiosité de toutes et tous, touristes ou pas. Et c’est le requin qui a pris la frayeur de sa vie devant ce comité d’accueil de badauds curieux de tous âges qui ont même tenté de le capturer avec une petite épuisette... Beau souvenir de vacances !

Voir la vidéo du bébé requin bleu à Marseille :

L'espèce du requin bleu reste commune en Méditerranée et elle se nourrit principalement de poissons, donc pas de danger pour la baignade, même si chaque été ces requins sont rencontrés proches de nos côtes méditerranéennes. Soit pour trouver des poissons plus près du bord, si la nourriture de son domaine légitime, le grand large, vient à y manquer, soit pour y enfanter, des femelles matures et gravides à terme y venant pour mettre bas, comme le témoigne ce tout nouveau-né évoluant en bordure de plage marseillaise. C'est un fait : certaines zones du Golfe du Lion servent de nurseries au requin bleu. Comme déjà dit dans les colonnes de Médiaterranée, ou dans celles de l’Indépendant et de Midi Libre, la présence de ces requins est signe de bonne santé pour la Méditerranée et n’implique aucun risque d’attaques.

Et à coté de ces rencontres anecdotiques dans une Méditerranée où le requin fait encore partie pour un grand nombre du simple imaginaire, malgré 51 espèces recensées, de l’autre coté de l’Hémisphère en Afrique du Sud, le surfeur australien Mick Fanning s'est fait "férocement" taquiner la planche par un grand requin blanc Carcharodon carcharias de 5 mètres pendant la finale de sa compétition à Jeffreys Bay ce dimanche 19 juillet, nous dit-on ! Pour la plupart des médias, le pauvre homme aurait échappé de peu à l’attaque "féroce" de l’animal. Il s’agit plus d’une rencontre fortuite entre le requin et le surfer, que d’une attaque de la part du requin. Plus de la curiosité de la part de ce gros poisson surpris lui aussi de cette rencontre. Il s’est d’ailleurs plus intéressé à la planche et certainement à son goût bizarre, qu’à son surfer. Si clairement le grand requin blanc avait entrepris d’attaquer le surfer, il l’aurait fait très aisément. Bilan : l’homme s’en tire avec certainement une planche amochée et une grosse frayeur, mais pas une seule égratignure.

Voir la vidéo de la rencontre entre un requin blanc et le surfer Mick Fanning :

Comme on dit, "plus de peur que de mal" et le grand public de s’extasier devant la frénésie du requin plus surpris qu’autre chose, qui "joue" avec la planche avant de partir sans s’intéresser plus au surfer. Le déroulement véritable de cette rencontre a d’ailleurs été soutenu par Rémi Petersen, un autre surfeur de la compétition qui a assisté à la scène. Tout cela a cependant été déformé sur fond de gros plan montrant en vidéo sur différentes chaînes et sites en surenchérissant sur la "férocité" du requin, de facto pacifique. Il ne s’agissait pas d’une attaque, mais d’un acte de curiosité de l’animal, de nombreux médias ont cependant apprécié, apparemment, de nourrir les touristes les pieds dans l’eau de terreur en déformant la vérité de cette rencontre fortuite de l'été !

Autre configuration, beaucoup moins chanceuse et heureuse pour l'homme, mais dans un autre lieu, avec une autre espèce de requin. La dramatique attaque de ce mercredi 22 juillet 2015  à 14h, heure locale, sur Rodolphe, un surfeur du spot de Saint Leu à la Réunion, grièvement blessé à plusieurs reprises à l’avant-bras. Sans aucun doute le fait d’un requin bouledogue Carcharhinus leucas. Il y a un an, jour pour jour, un même surfeur sur le même site avait subis le même sort, c’est son mollet qui avait été grièvement blessé par le requin. Pourtant, ce site qui constitue un site fréquenté par les surfers à la Réunion n’est toujours pas sécurisé pour prévenir toute attaque… Hier, le dispositif anti-requins a été aussitôt déployé donnant suite à la capture d’un jeune requin bouledogue mâle… Est-ce vraiment l’auteur de l’attaque ? En tout cas, les moyens de sécurisation primordiaux et préventifs ne sont malheureusement toujours pas mis en place sur les sites à risques de la belle Île de la Réunion...

Voir le reportage vidéo réalisé par France Télévisions  suite à la dernière attaque de requin à la Réunion :

Pour relativiser encore sur les attaques de requins en Méditerranée, la Grande Bleue reste actuellement une zone sûre pour la baignade et les activités aquatiques, contrairement aux endroits plus à risques comme l’Afrique du Sud ou la Réunion, d'autant plus que les mesures minimum de sécurité préventive contre les attaques (vigies, filets anti-requins,…) ne sont pas mises en place.

Pour autant, il convient de souligner, avec toute la compassion que nous avons pour les victimes d'attaques de requins, que ces « accidents » restent « exceptionnels », avec entre 50 à 70 attaques par an dans le Monde, pour moins de 10 attaques mortelles par an. Un chiffre à relativiser comme rarissime, au regard des centaines de milliers, voire aux millions d’interactions Homme-Requin existantes chaque année dans le monde, en particulier pour les surfeurs. Chaque année, des milliers et des milliers de gens meurent à cause des moustiques, dans l'indifférence générale. Au lieu de dramatiser et de surenchérir sur le sensationnalisme des attaques de requins, certains médias devraient éduquer au mieux le grand public à transmettre les véritables informations au sujet des attaques pour limiter cette psychose éternelle d’être dévoré par un requin si l’on va se baigner en mer. »