"Je voudrais qu’on me parle des héros du bien, pas des héros du mal", de ce pompier du SDIS "qui s’est jeté sur Yassin Salhi et l’a neutralisé", lance Éric-Emmanuel Schmitt.

Médias et terrorisme, la critique d’Eric-Emmanuel Schmitt après les attentats d’Isère et de Tunisie

Après avoir passé "deux jours quasi muet, abasourdi par les violences terroristes qui ont frappé des innocents en France et en Tunisie", le romancier et essayiste Emanuel Schmitt a pris sa plume, ou plutôt son clavier, pour interpeller les médias et leur traitement de l’actualité terroriste.

Sur sa page Facebook, l'auteur se fend d’un billet interrogatif sur la pratique médiatique face aux évènements terroristes. Un missive dont on ne trouve pour l’instant aucune trace dans les médias et s’avère pourtant aujourd’hui massivement relayée par les internautes avec déjà plus de 50 000 partages sur FB.

Médiaterranée vous livre ci-dessous l'intégralité de cette pertinente réflexion critique d’Éric-Emmanuel Schmitt intitulée « Le pompier ou le terroriste ? »

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Le pompier ou le terroriste ?

« Je viens de passer deux jours quasi muet, abasourdi par les violences terroristes qui ont frappé des innocents en France et en Tunisie. De nouvelles étapes dans l’horreur viennent, dans les deux cas, d’être franchies : une décapitation sur le sol hexagonal, une fusillade sur une plage paisible. Ne croyons pas que cela cessera là : le mimétisme va jouer, ces abominations serviront de modèles à d’autres, la cruauté prendra des dimensions vertigineuses.


Un détail m’inquiète : la publicité que les médias font aux criminels. Elle a d’infinis effets pervers. Si la célébrité représente l’une des formes de la réussite contemporaine – "chacun cherche son quart d’heure de gloire" -, les médias décernent une sorte de légion d’honneur aux terroristes. Ils les font entrer au Panthéon des criminels, sans se rendre compte que, pour certains, c’est le Panthéon des martyrs. Effet pervers…


Privilégier le spectaculaire, le sensationnel, c’est privilégier la violence. On nous fait entendre l’arbre qui tombe, pas la forêt qui pousse. On donne du bruit au bruit. On fait silence sur l’essentiel.


Consacrer du temps, de l’antenne, des mots, de la place, aux criminels, c’est certes tenter de comprendre, mais c’est aussi inverser les valeurs. Je voudrais qu’on me parle des héros du bien, pas des héros du mal. Je voudrais qu’on me parle du pompier qui s’est jeté sur Yassin Salhi et l’a neutralisé. Imaginez la scène : le terroriste vient d’accrocher au grillage la tête de sa victime et ouvre des bouteilles d’acétone pour faire sauter l’usine en hurlant des paroles de haine. Le pompier se jette sur lui et, aux poings, l’arrête, le domine puis le livre aux forces de l’ordre. 


Non seulement ce pompier du SDIS38 a sauvé des centaines de vies, mais il a aussi sauvé une idée de l’homme : l’humaniste qui met sa force au service des autres et du bien commun. Grâce à lui, la bonté n’est pas morte. J’aimerais qu’on le célèbre davantage que le criminel.
Ce pompier se repose chez lui, choqué, blessé, nous dit-on. Par prudence, on maintient son anonymat. 


Merci à lui. Pour continuer à vouloir vivre dans ce monde, pour en avoir le courage, la foi et l’envie, j’ai besoin de penser à lui. Merci d’exister. »