Eugène Caselli voudrait que l’ensemble du territoire de Marseille soit considéré comme une Zone de Sécurité Prioritaire. (J.C.S)

Caselli veut faire de Marseille une grande ZSP

Eugène Caselli, président de la Communauté Urabaine Marseille-Provence-Métropole, a adressé un courrier à Manuel Valls pour lui demander de placer la totalité de Marseille en Zone de Sécurité Prioritaire. Drôle d'idée...

“Je demande à Manuel Valls de classer tout Marseille en Zone de Sécurité Prioritaire”

Ces mots sont le titre d’un post de blog publié hier par Eugène Caselli. Le président de MPM, par ailleurs candidat aux primaires socialistes pour les municipales, s’adresse ainsi au ministre de l’Intérieur, en réaction aux récents événements qui ont encore secoué Marseille. 

Dans le courrier adressé à Manuel Valls, repris sur son blog, M. Caselli énumère les faits divers qui ont eu lieu entre lundi et mardi : une fusillade dans le quartier de St Pierre, l’agression d’un agent municipal dans les quartiers sud, et la découverte d’un corps carbonisé - probablement un énième règlement de compte - à la périphérie de Marseille, aux Pennes-Mirabeau. 

Partant du constat d’une nouvelle flambée de violence sur la ville, Eugène Caselli, tout en précisant ne pas méconnaître “les excellents résultats obtenus par la police marseillaise et le travail considérable effectué par la préfecture de police”, réclame un engagement plus important de l’Etat. 

“La situation a pris une telle ampleur, poursuit-il que la réponse ne peut être qu’à la hauteur de ces dérives, empreintes de violences récurrentes, qui exigent une augmentation des effectifs de police et le classement de la totalité de la ville en Zone de Sécurité Prioritaire.”

 

Caselli comme Gaudin

Il y a quasiment un an, le 31 août 2012, Jean-Claude Gaudin, le maire, faisait la même demande au ministre de l’Intérieur. On était alors à la veille d’un comité interministériel exceptionnel prévu pour début septembre, qui devait mettre toutes les forces de l’Etat au chevet de Marseille. Samia Ghali venait de faire sa sortie médiatique, réclamant le recours à l’armée dans les quartiers. 

Depuis, le fameux conseil interministériel a eu lieu, les ministres sont régulièrement de passage dans la ville, mais la situation n’a guère évolué. La preuve en est avec cette requête d’Eugène Caselli, déjà formulée, sans succès, par le maire. Tout comme cette fois-ci d’ailleurs, Manuel Valls ayant d’ores et déjà rejeté la proposition

La ZSP, dispositif mis en place en juillet 2012, concerne 64 périmètres en France métropolitaine et outre-mer. A Marseille, initialement, seuls les quartiers nord y étaient inclus.  Manuel Valls avait consenti a élargir le dispositif à une partie des quartiers est et sud. 

Par définition, la ZSP est un périmètre d’exception, oùil s’agit d’appliquer une méthode visant à concentrer les efforts sur un nombre réduit d’objectifs, afin d'obtenir, par là-même, des résultats concrets au bénéfice de la population”, dixit le site du ministère de l’Intérieur

“Cette action collective doit être mise au service d’objectifs partagés, ciblés, évolutifs et adaptés aux particularités des territoires concernés et de la délinquance constatée”, peut-on lire encore sur le site. 

Quel serait le sens, et surtout quelles seraient les conséquences du classement de tout Marseille en ZSP ? Cela reviendrait à une sorte de mise sous tutelle de la ville. Considérer qu’elle n’est rien d’autre qu’une immense zone de non-droit. “Un territoire perdu de la République”, comme le titre racoleur de Marianne l’affirmait en septembre 2012.

Que le maire actuel, et l'un de ceux qui ambitionnent de lui succéder, y voient une solution aux maux de la ville est particulièrement révélateur.  

 

Zone de Suppression de la Pauvreté

La logique sécuritaire n’est rien d’autre qu’un paravent derrière lequel s’abritent les gouvernants, locaux ou nationaux, pour masquer leurs carences et leurs déficiences.

La situation de fracture que connaît la ville n’est pas due qu’à l’insécurité qui y sévit. Pendant que les touristes déferlent, que les croisiéristes s’accumulent et que les hôtels de luxe se remplissent, près de 30% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté

En 2009, le taux d’enfants vivant dans des familles à bas revenus s’élevait à 44%, selon une étude du Dispositif Régional d’Observation Sociale (DROS). Le mal de Marseille à soigner est d’abord celui-là. Faire de la ville une Zone de Suppression de la Pauvreté, voilà le véritable chantier.

Il ne s’agit pas de nier la réalité de l’insécurité. Des règlements de compte sanglants ont lieu à la sortie des écoles ou sur des terrasses de café bondées. Des ados déscolarisés se retrouvent rapidement dans l’engrenage des trafics. Des enfants de 10 ans, parfois moins, sont déjà embarqués dans les réseaux dans certains quartiers. 

Tout ceci existe, cela ne fait aucun doute. Mais si des enfants de cet âge viennent glaner quelques euros en rendant des services aux dealers ou aux guetteurs, c’est bien parce qu’ils sont des milliers à subir la pauvreté dans leur famille. 

 

Changer de perspective

La réponse apportée à cette situation ne peut être uniquement répressive. L’insécurité est un symptôme. S’attaquer à l’effet sans lutter contre la cause ne résoudra rien. Au contraire, cette logique pourrait à terme accentuer les nuisances pour la populations. L’urgence est d’envisager des solutions qui sortent de cette perspective sécuritaire.   

“Le Collectif du 1er juin”, qui avait manifesté en ville pour porter la voix des quartiers, en avait fait un axe prioritaire de ses revendications. Dans le document de vingt-trois propositions que le collectif a remis à la Préfecture et à Manuel Valls, il était mentionné ainsi : 

Si l’intervention policière démontre une certaine efficacité, tous craignent que la logique des réseaux reprenne le dessus aussitôt la police partie. Cette intervention, conçue comme elle l’est à présent, va augmenter la frustration des habitants, les tensions, la perte de confiance et mettre de la distance avec les institutions voire contribuer à déstabiliser les équilibres fragiles de nos quartiers dès la première occasion.”

Transformer Marseille en ZSP géante serait un stigmate de plus dans une ville qui n’en manque pas. Qui a besoin du soutien des institutions et de l’Etat. Pour développer ses transports, ses infrastructures sociales, sportives, culturelles. Pas pour être considérée comme un voyou intégral.