Les réseaux sociaux sont néfastes et nous rendent méchants !

Avouez-le. En défilant votre fil d’actualité sur FaceBook, vous avez déjà lu des énormités dans les commentaires surtout ceux liés aux faits d’actualité. Les propos xénophobes, racistes et misogynes ont envahi les réseaux sociaux. Alors, nous avons demandé à Anne-Laurence Halford, psychologue clinicienne de nous expliquer pourquoi nous avons tendance à être plus méchants sur la toile. Entretien. 

Pour comprendre l’ampleur du phénomène, voici quelques chiffres : 

- 51 % de la population mondiale utilise les réseaux sociaux, soit 3,81 milliards d’individus. 

- En moyenne en France, chaque internaute surfe 1h20 par jour sur ce genre de site. 

- 32 millions de Français sont des utilisateurs actifs sur FaceBook

source : blogdumoderateur.com

Selon vous, pourquoi les personnes ont tendance à être plus offensantes sur internet que dans la « vraie vie » ? 

De manière générale, en raison de la révolution numérique, on a tendance à utiliser massivement les nouvelles modalités de communication. Internet est par définition un espace de virtualisation, dans lequel les relations et l’absence de contact direct modifient les rapports émotionnels et affectifs. L’utilisation du cyberespace induit des changements notables dans la perception que nous avons du rapport à la réalité, à l’Autre, à l’altérité et au lien social. De plus, la création d’interactions à distance avec d’autres individus par le biais des réseaux sociaux constitue dorénavant l’usage le plus fréquent des nouvelles technologies de l’information et de la communication. 

Les réseaux sociaux facilitent la propagation de la xénophobie et du racisme par deux faits : le premier est celui de l’anonymat qui confère un sentiment d’impunité et de déresponsabilisation, le deuxième est celui de la facilité de diffusion de l’information qui permet le regroupement d’internautes de manière massive. Dans son rapport de 2012 sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en France, la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) relève que le web et les réseaux sociaux contribuent à la banalisation des actes raciste et antisémites. Ces dernières connaissent une augmentation de 23% depuis ces dernières années.

Pourquoi cette nouvelle modalité de communication séduit-elle autant ? 

La mise à distance et la virtualisation des rapports viennent répondre pleinement à la volonté humaine de maitriser son rapport à autrui. Les réseaux sociaux comportent certaines caractéristiques comme l’instantanéité, l’universalité, et l’interchangeabilité des personnes qui permettent à l’individu de croire en l’illusion d’un rapport à l’autre balayé de toute frustration, malentendu et différence. Le problème qui se pose avec l’émergence de nouvelles modalités de communication proposées par les réseaux sociaux est celui de la mise à distance de l’Autre qui facilite la désinhibition des émotions négatives telles que l’agressivité et la haine identitaire. 

Les réseaux sociaux influencent-ils notre cerveau ? Si oui, dans quel sens ?

De nombreuses recherches scientifiques sont menées actuellement afin de comprendre l’impact du numérique sur notre cerveau. Il est indéniable que le numérique a des répercussions sur notre fonctionnement cérébral et nos comportements du fait de notre plasticité cérébrale. Des recherches récentes démontrent que les connexions neuronales se modifient tout le temps en fonction de nos expériences vécues, mais aussi des outils qu’on utilise. Comme il se serait adapté à l’invention de l’écriture ou de la lecture, notre cerveau s’adapte aux nouvelles technologies. Cela modifie le fonctionnement de la mémoire humaine, de l’attention, de l’apprentissage et de notre façon d’appréhender le monde. 

Sans être alarmiste, deux thèses retiennent mon attention : 

La première qui vise à dire qu’avec les réseaux sociaux, notre plasticité cérébrale serait moins sollicitée. Une étude menée au Canada et publiée en février 2016 semblerait démontrer que les réseaux sociaux encouragent une pensée rapide et superficielle pouvant, à terme, entraîner une "superficialité" cognitive et morale. Cette étude montre que les grands utilisateurs de SMS et des réseaux sociaux auraient moins envie d’exercer leur pensée réflexive. 

Une deuxième qui démontre qu’au fur et à mesure que l’on se connecte à Facebook l’activité du noyau accumbens augmente. Ce noyau de neurones est intégré dans ce que l’on nomme « circuit de la récompense ». Il régit nos comportements de plaisirs et est souvent impliqué dans les mécanismes d’addiction.