Algérie : le président Bouteflika distribue des primes à l’incompétence
Le changement dans la continuité… l’expression habituellement utilisée pour signifier l’immobilisme et l’absence de progrès s’applique tout particulièrement à l’Algérie où Abdelaziz Bouteflika vient de reconduire le chef du gouvernement et tous les ministres en poste. Une formule creuse est avancée comme explication à ce premier fait politique de son troisième mandat. «Compte tenu du calendrier international ainsi que des exigences internes», justifie le communiqué officiel.
Diable ! Quelles sont donc ces formidables ressorts dont dispose cette équipe de haut vol qui permettra à l’Algérie d’affronter les dures épreuves annoncées ? Bien malin qui trouvera la moindre trace de ces capacités à travers le bilan des ministres qui vont ainsi gaiement rempilés, contre toute attente de l’opinion.
Les Algériens, et notamment ceux qui ont fermement soutenu le candidat Bouteflika, partagent désormais un même sentiment : sans le moindre signe de changement le pire est à venir. Et pour cause, tous les secteurs sont au rouge, fourmillent de problèmes qui confinent à l’absurde et les citoyens ont tant de difficultés à vivre au quotidien.
A commencer par le secteur public de santé qui connaît un état de délabrement sans précédent. Manque d’hygiène, sous-équipement, surpeuplement des services, rémunération des praticiens au rabais… les contextes de soins sont le plus souvent cauchemardesques. Et tandis que prospèrent les établissements privés, la mafia de l’importation consolide impunément ses positions dans le commerce du médicament.
Le même schéma de désengagement de l’Etat s’observe dans le domaine de l’Education. L’Ecole publique fait tristement les frais du bricolage pédagogique, de l’application anarchique des réformes, des conditions d'exercice plus que déplorables du corps enseignant et de l’obscurantisme qui continue à faire tâche d’huile. Les parents qui en ont les moyens se pressent aux portes des écoles privées. Les rejetons des gens « bien placés » s’instruisent toujours à l’étranger.
L’aménagement urbain donne l’impression d’un abandon volontaire de la part des services de l’Etat. Un laisser-aller qui soulève le cœur transforme des villes, jadis modèle urbanistiques où il faisait bon vivre, en jungle bétonnée truffée de laideurs. La spéculation immobilière bat son plein, tout autant que la corruption au carrefour de tous les programmes publics de réalisation.
Cette même corruption qui gangrène l’Administration et la Justice, s’impose comme règle de fonctionnement. Le thème donne régulièrement du grain à moudre aux politiques, mais sans jamais susciter de mesures concrètes pour le combattre.
Que dire enfin de l’Economie, devenue un vaste bazar, portes grandes ouvertes à l’argent sale, celui du terrorisme entre autre. Les inégalités sociales se creusent, des fortunes indécentes s’étalent au grand jour, tandis qu’un nombre croissant d’Algériens vivent péniblement au rythme des fluctuations des prix des fruits et légumes.
Le contexte économique et social Algérien est ainsi devenu une machine à broyer tous les espoirs, à fabriquer des Harragas, cette masse de jeunes désespérés, premiers laissés-pour-compte.
La reconduction de toute l’équipe gouvernementale participe évidement d’une exigence : préserver un équilibre politique en maintenant le statu quo, satisfaire les clans qui tirent dans l'ombre les ficèles du vrai pouvoir. Reste qu’Abdelaziz Bouteflika se montre incapable de donner un coup de pied dans la fourmilière, comme on aurait pu le croire.
En renonçant à donner ce premier signe de changement pourtant attendu dans la population, le chef de l’Etat Algérien semble être déjà las de ses fonctions au point de distribuer des primes à l’incompétence.