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L’union pour la Méditerranée, avec ou sans démocratie ?

Union pour la DémocratieIl semble que notre mer commune, la Méditerranée, est et doit le rester, un lieu de suspicion et de confrontation entre les Etats riverains du nord et du sud. Les forces centrifuges du passé sont hélas toujours là, bien présentes, exacerbées par les données actuelles, pour maintenir cet état de fait déplorable.

Aujourd’hui, à un mois de la rencontre historique des chefs d’Etats des pays des deux rives de la  Méditerranée, il semble, encore une fois, qu’un rendez-vous avec l’histoire va être raté.
Tout milite pourtant en faveur de la mise en place de cette Union, dans l’intérêt bien compris de chacun et de tous. Une fois lancée, sur des bases claires et des responsabilités partagées, c’est plus de développement et de sécurité pour tous, c’est une toute nouvelle conception des rapports entre les pays, les gouvernements et les peuples qui peu à peu se mettra en place. Ce qui nous a tant divisé au cours des siècles sera rapidement, en une ou deux générations, dépassé au profit de ce qui nous rapproche. L’exemple des pays européens qui se sont incroyablement déchirés au cours des siècles est là pour nous dire que c’est possible. Malgré tous ses défauts, l’Union euro-péenne existe et en moins de 50 ans elle a fait de la région la toute première puissance économique du monde.

Or voilà qu’avant même la première rencontre des chefs d’Etat  européens et méditerranéens, à Paris, le 13 juillet, on voit cer-tains, toujours les mêmes en vérité, Kadhafi pour le nommer, qui proclame que l’Union pour la Méditerranée est un danger pour son pays, pour la Ligue arabe et pour l’Afrique. Il s’accorde le droit de juger et de trancher non pas seulement au nom des Libyens, mais aussi au nom de tous les Arabes et au nom de tous les Africains. Il est clair que ce faisant, il tente de diviser les Arabes, ou plutôt d’exacerber leurs déjà vieux différends, comme il l’a si souvent fait depuis qu’il est au pouvoir mais il cherche aussi à se poser en conscience et en leader de l’Afrique, l’Afrique noire s’entend, lâchée par les Arabes au profit des Européens. L’argument est spécieux car on voit mal pourquoi les pays arabes auraient toute légitimité à faire partie d’une union avec leurs voisins du sud et aucune à faire partie d’une union avec leurs voisins du nord. Les pays arabes sont autant africains que méditerranéens et cette originalité leur permet d’être de la ligue arabe, de l’union méditerranéenne et de l’union africaine. Que je sache, les pays d’Afrique noire sont à la fois membres de l’union africaine et membres d’unions régionales propres à eux, et les arabes me semble-t-il n’y ont jamais vu la moindre contradiction. Au contraire, à travers la banque africaine, la banque islamique et à travers les mécanismes de l’OUA et maintenant de l’UA, ils ont encouragé de tels rassemblements régionaux et participé à leurs financements. Les africains n’ont de leur côté jamais vu d’un mauvais œil que les pays du Maghreb créent leur union, l’UMA.

La démarche de Kadhafi est celle de ces dirigeants imbus d’eux-mêmes qui s’opposent à tout ce qui ne vient pas d’eux et ne proposent jamais rien sinon leurs caprices. Il est à espérer que les autres dirigeants arabes ne le suivront pas et se rendront à Paris pour lancer effectivement l’union pour la Méditerranée, de défendre en son sein les intérêts de leurs pays et de profiter de cette organisation pour activer le règlement des problèmes qui empoisonnent notre région, dont notamment les conflits du Proche-orient, le problème israélo-palestinien en premier, mais aussi les grands défis que sont la pollution, la sécurité, l’eau, la dépendance alimentaire des pays du sud, l’énergie, et tant d’autres immenses problèmes qui ne peuvent se résoudre que dans l’union des forces et la convergence des politiques.

Que le dirigeant libyen soit absent à Paris, n’est pas grave et sans doute est-ce mieux. Par son comportement irresponsable, il nuira à la bonne marche de l’union. Si l’organisation se met en place, la Libye la rejoindra plus tard, lorsqu’elle aura à sa tête un dirigeant responsable, véritablement soucieux des intérêts de son pays et de son peuple. La crainte la plus forte est que les pays du Maghreb, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, et l’Egypte, soient absents de cette rencontre. Sans eux, l’union ne peut se faire. Or à un mois de la rencontre, aucun de ces dirigeants n’a explicitement annoncé qu’il ira ou qu’il n’ira pas. Certains analystes pensent qu’ils ménagent leurs opinions nationales et notamment celles des islamistes et des ultranatio-nalistes qui considèrent que s’asseoir à la même table que les israéliens est une forfaiture identique à celle de Anouar Sadate lorsqu’il s’est rendu à Tel-aviv. D’autres l’expliquent par le fait que les dirigeants arabes ont peur du jeu démocratique dans lequel ils se trouveraient embarqués s’ils adhéraient à l’union. On voit mal en effet comment cette union dans laquelle figurent 27 pays européens démocratiques et déjà unis entre eux peut fonctionner avec des pays arabes étanches les uns par rapport aux autres, très méfiants entre eux et à l’égard des étrangers, et où la démocratie est fermement combattue.

Le véritable enjeu de l’union pour la Méditerranée est donc bien la démocratisation des pays arabes. Aux yeux des européens et des démocrates des pays arabes, c’est la seule voie possible pour construire une paix véritable en Méditerranée, une paix pour tous, y compris pour la Palestine et Israël.

Chroniques Médi1-86
Mardi, 17 juin 2008.

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