Visuel de l'édition 2011 (Benoit Paqueteau, DR)

Les Rencontres à l’Echelle 2011 : fabrique de l’art engagé et du sensible en Méditerranée

Du 5 novembre au 3 décembre 2011 à Marseille, les Bancs Publics, lieu d’expérimentations culturelles, offrent une sixième édition des «Rencontres à l’Echelle».

Cette manifestation, à l'image des Bancs publics, rend possible des projets reliant des artistes qui vivent et travaillent à Marseille et en Europe, à Alger, au Caire, à Alexandrie, ou encore à Beyrouth. Il ne s’agit pas de chercher à interroger des convergences mais de faire entendre des dissonances, des expressions engagées et, à l’échelle de chaque projet artistique, de fabriquer des projets croisant et confrontant disciplines, langues et langages.

A l’heure où les sociétés arabes avancent vers des ères nouvelles, les artistes indépendants de ces pays, bien souvent précurseurs dans leurs pays des révoltes populaires, sont des témoins précieux des bouleversements en cours.

L’édition 2011 des « Rencontres à l’Echelle » est surtitrée « Ana fil Midan » (« Je suis dans la place»), selon l’expression envoyée par SMS entre manifestants depuis la Place Tahrir au Caire, l’hiver dernier.

Julie Kretzschmar, directrice artistique de cette manifestation, nous éclaire sur ce parti pris :

« C'est un jeu de mots qu'il faut d'abord prendre au pied de la lettre, dans sa simplicité qui consiste à profiter du glissement lexical pour parler des choses en ouvrant une curiosité, y compris pour nous qui avons construit le projet de cette édition. Mais il fait surtout référence à l'étymologie du mot manifeste et indique plutôt notre envie que les artistes invités soient dans la possibilité et le désir de « manifester » de quelque chose, plus que dans le souci de présenter une forme...même si bien sûr, il s'agit d'un double mouvement.

Prendre le parti d'inviter des artistes qui vivent un contexte de bouleversement politique fort, porteur d'un élan, pose la question de vouloir se saisir dans toute son amplitude et sa complexité d’un événement. Cela n'est évidemment ni à la portée d'un artiste et encore moins à celle d'un festival à Marseille... Mais rien ne doit nous empêcher de choisir le contexte pour présenter le travail des artistes. Ce qui est pour moi, l'enjeu et la spécificité de notre manifestation, notamment dans les projets qui croisent différentes pratiques et différents horizons géographiques, c’est que les projets trouvent leurs pertinence et justesse dans le frottement des contextes de chacun. »

Et de poursuivre : « Se positionner sur ce sujet n'est pas un choix fort mais une évidence qui n'exclue pas l'ambivalence et doit être ramené à un point de départ simple: un artiste, comme tout un chacun reçoit et répercute les violences, les euphories collectives, si l'on peut dire... Ce sont leurs gestes et formes qui sont regardés à la lueur de ce contexte et qui sont "travaillés" par la perception de chaque spectateur. Je crois beaucoup à un surtitrage perceptif via le spectateur, même si on lui donne quelques clefs de départ. A un spectateur en somme qui opère un sur titrage, si je peux dire.»

Attentive à présenter des formes multiples et expérimentales, la programmation, avec un rayonnement hors les murs important (1), propose un ensemble de propositions dont certaines seront des premières à Marseille.

installation vidéo sonore
Photo : Medhi Meddaci (c) Murs, installation vidéo sonore



Cette année les projets de MEETIC.med donnent à voir, une fois encore, des gestes croisés, des formes performatives, fruit d'une résidence partagée entre artistes Français, Algériens ou Egyptiens avec des nouveaux projets dont la rencontre le 18 novembre prochain entre l’écrivain et journaliste algérien Kamel Daoud et le chorégraphe Haïm Adri (France/Israël) dont les marseillais ont déjà pu apprécier le travail engagé et audacieux en 2008 (2).

La singularité de cette plateforme collaborative en Méditerranée est, selon les mots de Julie Kretzschmar dans « son absence de modélisation préalable. En incitant des artistes à aller travailler en Algérie par exemple, ou en relayant et accompagnant des artistes qui d'eux même sont dans ces pratiques, par binôme souvent: il y a une proposition de faire se rencontrer des artistes qui ne sont souvent pas déjà en lien et une part de risque ou une part de grande liberté à inventer ensemble.

En résumé, dans le faire, l'accompagnement et les choix artistiques, il y a quelque chose d'assez inventif et renouvelé. C'est un projet financièrement possible via des aides à la mobilité pour des artistes étrangers, en ce sens cette plateforme est ajustable au réel (sans lourdeur administrative) et au sensible de chaque projet artistique. Enfin, elle est opérante, en ce sens qu'elle a accompagné depuis 2009 des projets qui se sont développés, qui empruntent tous des chemins de diffusion très différents, mais qui tous connaissent des ricochets et des opportunités à partir d'une première résidence de travail.»

Résolument tournée vers l’Egypte, cette édition présentera, pour la première fois dans le Sud-Est de la France, l’intégrale de «Mafrouza», ce film-monde de douze heures et cinq parties, qui révèle un bidonville d’Alexandrie et qui incarne le peuple égyptien, son énergie, sa vie, sa résistance, à la veille du « Printemps d’Egypte ». Projection le 6 novembre prochain en continu de 10 h à minuit et en présence de la réalisatrice.

« On the Importance of Being Arab » d’Ahmed el Attar, chef de file du théâtre indépendant égyptien, sera une performance théâtrale et multimédia qui nous transportera sûrement très directement au Caire et en tout cas « un travail passionnant parce qu'il s'inscrit dans une forme et une écriture scénique très contemporaines » (dixit Julie Kretzschmar).

Nous terminerons d’un mot sur le focus sur le travail du plasticien Mehdi Meddaci avec une exposition qui sera présentée durant toutes les rencontres, ponctuée de rendez-vous en présence de l’artiste : « Ce qui est perdu - un cycle méditerranéen » se compose de trois installations vidéo - Murs, Lancer une pierre, Alger la Blanche -, de photographies et du film « Tenir les murs ».

Il y aura à n’en pas douter de l’art engagé porté par du sensible ces prochaines semaines à Marseille…

Pour la programmation détaillée, les tarifs, le calendrier, visiter :
www. lesrencontresalechelle.com

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(1) Avec la complicité de : Espaceculture_Marseille/ programme Sous le Signe d’Averroès (18èmes Rencontres d’Averroès), Système Friche Théâtre, Théâtre Gyptis, les Ateliers de l’Image, Le Polygone étoilé, La Cité - Maison de théâtre, Marseille Expos, Planète Emergences, Grands Terrains, etc.
(2) Proposition commune d'Haïm Adri autour de « Quelle est l’utilité d’une couverture ? » et de l’auteur et journaliste Marie Mai Corbel proposant une « performance critique ».