Première femme noire nommée ministre en Italie, Cécile Kyenge Kashetu, a subi de violentes insultes racistes. (D. R.)

En Italie, la première ministre noire passe mal

A peine nommée, Cécile Kyenge Kashetu, la nouvelle ministre de l’Intégration du gouvernement Letta, a été la cible d’insultes racistes d’une rare violence. 

Originaire du Congo et âgée de 49 ans, Cécile Kyenge Kashetu était déjà la première députée noire en Italie, élue pour le Parti Démocrate (centre gauche, la formation politique du chef du gouvernement, Enrico Letta). 

 

Favorable au droit du sol

Venue étudier l’ophtalmologie en Italie, son engagement politique commence quand, à l’obtention de son diplôme, elle se rend compte que la profession n’est ouverte qu’aux Italiens. 

Elle est pourtant mariée à un Italien, avec lequel elle a fondé une famille, mais en Italie, le droit du sang prime pour l’obtention de la nationalité. L’un de ces premiers combats en tant que que ministre de l’Intégration consistera donc à modifier ce principe. 

Un enfant, fils d'immigrés, qui est né ici et se forme ici, doit être un citoyen italien”, affirme-t-elle, tout en ayant bien conscience que cette évolution ne se fera pas facilement : Je rencontrerai probablement des résistances, nous devrons beaucoup travailler pour y arriver.”

 

L’extrême-droite déchaînée

Avant même qu’elle commence à travailler sur ces projets, les résistances n’ont pas tardé. Et au-delà des désaccords politiques, ce sont des salves racistes violentes et indignes qui ont accompagné ses premiers pas en tant que ministre. 

C’est d’abord la nébuleuse d’ultra-droite italienne qui s’est déchaînée sur internet : “zoulou”, “guenon congolaise”, “négresses anti-italienne”, “le jour Noir de la République”, tels sont quelques qualificatifs employés pour accueillir la prise de fonction de Mme Kyenge Kashetu. 

Sur son profil Facebook, le Mouvement National-Socialiste des Travailleurs, qui affiche une photo d’Hitler en page d’accueil, parle de “déclaration de guerre envers notre identité.”

Sur les forums et les sites d’extrême-droite, les internautes ne se privent pas  : “il ne nous manquait plus que la négresse”, lance l’un, “vous vous feriez opérer par cette ophtalmo ‘de couleur’ ?”, interroge un autre.

 

Interdit de dire “nègre”, pas de le penser

Ce racisme répandu sur la Toile, s’est en plus diffusé au sein même des parlementaires italiens. Mme Kyege Kashetu “veut nous imposer ses traditions tribales, a ainsi déclaré Mario Borghezo, député de la Ligue du Nord

“En Italie, le mot “nègre” ne peut pas se dire, on peut seulement le penser. Bientôt, on ne pourra plus dire non plus “clandestin”, il faudra dire “son Excellence”, a-t-il poursuivi, en référence à une prise de position de Mme Kyege Kashetu, qui est favorable à l’abrogation du délit d’immigration clandestine, et souhaite ouvrir plus facilement le marché du travail aux étrangers. 

“Et puis, les Africains sont les Africains, ils appartiennent à une ethnie très différente de la nôtre. Ils n’ont pas produit de grands génies”, a encore ajouté le parlementaire. 

Josefa Idem, nouvelle ministre de l’Egalité des droits, d’origine allemande, et qui a, elle aussi épousé un Italien, a ordonné une enquête au nom du gouvernement. 

Longtemps pays d’émigration, l’Italie s’accommode très mal de son statut récent de terre d’immigration. Même si ce phénomène de rejet est loin d’être spécifique à l’Italie, les immigrés sont encore particulièrement mal perçus par une grande partie de la société italienne. 

"C'est un pas décisif pour changer concrètement l'Italie", avait déclaré Mme Kyenge Kashetu, lors de sa nomination. Manifestement, le chantier est encore très vaste.