la machine répressive tourne à plein régime sur fond de guerre sans merci au terrorisme islamiste... (DR)

Égypte : répression et plan d’austérité sur fond de guerre antiterroriste

Près d’un an après la destitution de l’islamiste Mohamed Morsi et en attendant l’intronisation du maréchal Al-Sissi, donné largement favori à l’élection présidentielle des 26 et 27 mai, l’Égypte traverse une période à hauts risques.

La machine répressive tourne à plein régime sur fond de guerre sans merci au terrorisme islamiste, tandis que le gouvernement égyptien intérimaire adopte un plan d’austérité truffé de mesures antisociales. Jugé trop contestataire à l’égard du pouvoir actuel, trop ouvertement opposé à l’armée qui le dirige en sous-main, le Mouvement du 6-Avril – date de la grève d’ouvriers, en 2008, qui déclencha la contestation anti-Moubarak – s’est vu interdire toute activité lundi 28 avril par un tribunal du Caire. Ces groupes de jeunes, sources vives de la révolte qui brisa trente ans de règne sans partage du raïs en février 2011, et dont les espoirs de liberté avaient éclos sur la place Tahrir du Caire, sont désormais réduits au silence. Leur leader, Ahmed Maher, avait été condamné à trois ans de prison en décembre pour infraction à la nouvelle loi « d’encadrement », très serré, du droit à manifester.

La justice égyptienne a eu la main encore plus lourde sur les partisans du président islamiste déchu en juillet 2013, Mohamed Morsi. Les condamnations à mort tombent en cascade au fil de procès expéditifs, où les juges piétinent sans retenue les procédures et bafouent les droits de la défense. Près de 700 militants islamistes accusés de violence et de meurtre de policiers ont ainsi été condamnés à des peines capitales par le tribunal de Minya, en Moyenne-Egypte, suscitant une vive réaction dans la communauté internationale.

Ces peines, qui vont faire l’objet d’appels, seront vraisemblablement commuées en condamnations à perpétuité. Confronté à une recrudescence des attentats terroristes, le pouvoir entend surtout semer la terreur dans les rangs des Frères musulmans, dissuader ceux d’entre eux qui seraient tentés de rejoindre les groupes jihadistes Ansar Beit al-Maqdis, basé dans le Sinaï, et Ajnad Misr, qui a revendiqué plusieurs attentats au Caire et en promet d’autres. Les attaques meurtrières qui ciblent essentiellement les forces de l’ordre se sont multipliées en réaction à la destitution de Mohamed Morsi, faisant quelque 500 morts dans le Sinaï, le delta du Nil et la capitale. Les forces de sécurité se sont déployées pour tenter de préserver ce qui reste de l’activité touristique, secteur clé de l’économie égyptienne.

À ce climat sécuritaire très tendu, s’ajoute désormais le plan d’austérité adopté par le gouvernement intérimaire. L’objectif est de résorber le déficit budgétaire. Mais ce sont les ménages qui se préparent à en payer le prix le plus lourd, tandis que les entreprises sont soigneusement épargnées. Eau potable, gaz naturel, électricité, essence… les tarifs s’envolent – jusqu’à 50 % pour ce dernier produit –, rognant le pouvoir d’achat des classes moyennes, mais pas seulement. Le plan cible également les subventions aux produits de première nécessité pour les familles pauvres : le gaz butane et… le pain, aliment essentiel dans une société où 48,9 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, selon un rapport du Programme alimentaire mondial de 2011.

Le gouvernement égyptien recycle en fait les mesures antisociales dictées par le FMI et les banques mondiales, « que même Moubarak n’avait pas osé appliquer », note l’économiste Wael Gamal, cité par l’hebdomadaire « Al-Ahram ». « C’est une reproduction des politiques de Gamal Moubarak et de Youssef Boutros-Ghali. Son assistant de l’époque, Hani Qadri, aujourd’hui ministre des Finances, fait sortir des tiroirs les plans d’austérité. Au lieu de restructurer le système fiscal et de rechercher l’argent chez les plus riches ou de supprimer les subventions aux carburants accordées aux usines, le gouvernement va chercher l’argent dans la poche des pauvres, et à la place il permet aux hommes d’affaires d’importer du charbon pour doubler leurs chiffres d’affaires », regrette pour sa part l’économiste Abdel-Khaleq Farouq. Une bombe à retardement sur le chemin du maréchal Al-Sissi.