le Centre anticancéreux Pierre et Marie Curie à Alger (El Watan)

Algérie: des malades du cancer à l'abandon faute de médicaments

Des malades du cancer en traitement dans l'unique centre en fonctionnement sur le territoire Algérien sont scandaleusement abandonnés faute de médicaments. Une situation à peine croyable: le chef de service du Centre anticancéreux Pierre et Marie Curie (CPMC) à Alger a décidé de suspendre tous les traitements en réaction aux ruptures d'approvisionnement de sa structure, rapporte le journal francophone El Watan dans son édition de mardi 6 septembre.

"J’ai effectivement donné l’ordre d’arrêter tous les traitement médicaux du cancer depuis dimanche, car il n’est pas question de traiter certains malades et non pas d’autres ou bien administrer un demi-traitement. Les consultations et les urgences ont été assurées. La notion de nouveaux et anciens malades (traiter uniquement les anciens patients) imposée par la pharmacie du CPMC est une ineptie du point de vue médical et éthique", explique le professeur Bouzid, chef de service d’oncologie au CPMC, cité par El Watan.

«On ne peut plus continuer à administrer aux patients la moitié du traitement. La chimiothérapie, le traitement de base en oncologie, constitue un cocktail de produits qui sont pour la majorité en rupture. Les prévisions sont pourtant claires pour le nombre de malades pris en charge à notre niveau et les commandes doivent suivre, puisque le budget nécessaire a été débloqué, selon le ministère de la Santé. Il n’est plus possible de continuer à travailler dans de telles conditions», s'offusque le chef de service.

"La direction a été prise d’assaut, hier matin (lundi), par de nombreux malades qui réclamaient leur traitement dans l’immédiat", rapporte mardi El Watan. Le quotidien cite des témoignages de malades excédés venus de différentes régions du pays pour poursuivre leurs soins. Certains en appellent au président de la République!

«Nous vivons une situation lamentable. Je suis venue jeudi, on me demande de revenir dimanche pour me renvoyer une deuxième fois. Ce n’est plus possible de continuer à vivre ce calvaire. Nous demandons au président de la République de prendre en charge notre problème. Le ministère de la Santé n’a rien fait et pourtant il connaît notre situation. La direction du CPMC n’a rien fait non plus, et ce, depuis des mois», dénonce une dame atteinte d’un cancer du sein.

L' associations des familles de malades du cancer exprime son impuissance. "Nous avons sans cesse lancé des appels aux différents responsables du secteur pour se pencher sérieusement sur cette question, mais les choses sont toujours à la case départ», regrette la présidente.

La situation est pire dans les établissements de l'intérieur du pays. "A chaque visite au service d’oncologie à l’établissement de Bordj Menaïel, on s’entend répondre : ‘Désolé, il n’y a pas de médicaments, peut-être la semaine prochaine.’ Et on repart bredouille. Cela dure depuis des mois et personne ne s’inquiète pour nous. Cette situation est révoltante, avilissante, dévalorisante, indigne et inhumaine. On nous laisse mourir à petit feu", témoigne une malade.

Les explications fournies par les responsables interrogés sont confuses. Ces derniers se rejettent la balle sans vraiment apporter de réponses à la détresse des malades. Le chef de service dit avoir "alerté les autorités compétentes". La pharmacienne de l'établissement dément l'existence de toute pénurie, mais rappelle que le centre ne peut pas répondre "à la demande nationale".

Cette situation pour le moins absurde est significative du choix d'abandon des services publics de santé. La grande majorité des Algériens rencontre de plus en plus de difficultés pour se soigner. Une médecine a deux vitesses s'installe au fil des ans sur fond d'un incroyable imbroglio bureaucratique dont font tristement les frais les plus populations modestes. Nantis et pistonnés se font traités dans les cliniques privées qui se multiplient où décrochent des prises en charge de la Sécu pour se rendre à l'étranger.