"La quête des femmes", une nouvelle originale de Fabien Vie.

La quête des femmes

When i look up my pillow

I dream you are there with me

Though you are far away

I know you’ll always be near to me

The Kinks

Tristan fait une pause sur son canapé après une très longue journée d’écriture.

Il se lève.

Il va ouvrir.

“Doucement sur la sonnette de la porte, j’arrive.”

Un adolescent de 15 ans de sa taille lui fait face.

“Bonjour, c’est à quel sujet ?”

“Vous êtes bien monsieur Tristan Vallon, scénographe, auteur, professeur à l’université ?”

“Oui, que me voulez-vous jeune homme ?”

“Je suis votre fils, Enzo que vous avez eu d’une relation avec ma mère Irina.”

Il sourit.

Il grimace.

Il se sent mal.

Il retient ses larmes.

Tristan a l’impression d’être désintégré, de recevoir une décharge de Magnum 44 en pleine figure.

“Entrez.

Suivez-moi dans le salon.

Asseyez-vous où vous voulez.

Vous désirez boire quelque chose, de l’eau, un jus, un café ?”

“Non, merci”

“Moi, j’ai besoin d’un Armagnac.

Puis vous m’expliquerez.”

Tristan se souvient.

Il a trente ans.

Il habite à Rome quelques mois pour travailler sur la scénographie de la rétrospective du photographe plasticien Bill Henson au musée Maxxi.

Il aime venir tôt le matin à la fontana di Trevi, être seul, écouter des chansons d’amour, ressentir l’éternité en ce lieu.

Elle marche au soleil en ligne droite comme sur un fil vers lui via della Stamperia.

Il est subjugué dès la première seconde.

Toutes les sensations sont en lui.

“J’ai chaud, un frisson parcourt mon corps.

Elle fait écho à la sublime Fontana.

Je scrute chaque millimètre de cette créature.

Est-elle réelle ou sort-elle des limbes, de mes rêves.” Pense-t-il.

Tristan écoute “I go to sleep” des Kinks

Ses talons aiguilles frappent le sol.

Les pas de la jeune femme retentissent au rythme des notes du piano.

Le cœur de Tristan cogne de plus en plus fort dans sa poitrine.

Il tire encore plus sur sa cigarette.

Le temps s’arrête.

Il est suspendu à sa vue.

Elle éclabousse littéralement son âme par son élégance et son charme foudroyant.

Il aime Rome en ce mois de mai, sa douceur.

Elle n’est plus qu’à quelques mètres de lui maintenant.

Tristan a les mains moites.

“Il faut absolument que je lui parle.

Comment lui dire ?

Lui dire mon émoi profond dès les premières secondes ?»

Il se sent absolument muet.

Tristan essaye de reprendre sa respiration.

Il n’y arrive pas.

Les mots se bousculent dans sa tête.

« Je suis ni dans un film, ni dans un roman de Kundera. C’est ma propre vie.”

Tristan a oublié la Fontana di Trevi, baignée maintenant par le soleil, totalement vide.

Il n’y arrive pas.

Il est pétrifié par cette longiligne méduse, sa blondeur éclatante, son regard marine.

Elle tourne la tête pour admirer la plus belle fontaine qu’aient imaginée les hommes.

Elle s’approche du bassin.

Tristan admire ses courbes légères.

Ils sont seuls.

Tristan reste planté, là, à la regarder, son Leica dans une main, son sac Balmain délicatement posé sur son autre bras.

Elle se retourne.

S’approche de lui.

Elle lui parle dans un italien avec une prononciation qu'il devine des pays de l’est.

Il reprend ses esprits, son calme, ses mots.

“Oui, bien sûr.” dit-il avec le sourire.

Tristan la prend en photo avec différents plans.

Il la sent très à l’aise.

“Tenez.

Regardez.

Vous êtes superbe sur ces photos.

Vous sublimez ce lieu que j’aime tant.”

 

 

 “Non, je suis français, un avatar de Mastroianni dans la ‘Dolce Vita' et vous encore plus bouleversante qu’Anita Ekberg.”

“Malheureusement, ce matin, il n’y a personne pour immortaliser cette scène inoubliable.

Avons-nous vraiment besoin d’être sous les projecteurs du réalisateur et du photographe pour nous embrasser éperdument ?”

Elle rit devant tant d’audace.

“Riposati va ouvrir.

Je vous propose de prendre un café, un de leurs croissants et de petit déjeuner ensemble devant cette merveille baroque réalisée par Salvi et Pannini au XVIIIè siècle.”

“Vous êtes à Rome combien de temps ?

Je ne sais seulement comment s’appelle mon Anita Ekberg.

Dans quel hôtel vous êtes descendue ?”

“Enchanté belle Irina tout droit sortie des contes russes que me lisait ma grand-mère, enfant.

Tristan Vallon, je suis scénographe.

Vous parcourez le monde à la recherche de lieux, d’atmosphères, de sensations ?”

“Je viens tous les matins à cette heure pour profiter seul de ce lieu enchanteur avant d’aller travailler au musée Maxxi.

Vous connaissez Irina ?

“Si vous le souhaitez.

Je vous donne rendez-vous demain ici pour prendre un café ensemble devant ce spectacle baroque.

Viendrez-vous ?”

“Comment est-ce possible que Irina ait pu garder ce secret pour elle tant d’années ?

Suis-je vraiment votre père ?

Excusez-moi.

Comment vous appelez-vous déjà jeune homme ?”

“Enzo, en souvenir de votre rencontre à Rome.

Si ma mère n’était pas en train de mourir.

Je n’aurais jamais su que vous étiez mon père.”

“Irina se meurt ?”

L’atmosphère devient irrespirable.

Tristan étouffe.

“Ce n’est pas possible.

Elle est si jeune, 46 ans comme moi si je me souviens bien.”

“Les médecins ont détecté un cancer du sein.

Mais il s’est avéré qu’elle avait aussi un mélanome au cerveau qui n’est pas opérable.”

“En quelle année êtes-vous né ?

Quel mois ?

Je ne veux pas être blessant.

Mais, vous êtes sûr  que je sois votre père ?

J’ai aimé Irina passionnément.

Ce ne fut que quelques mois.

Puis, nous nous sommes aimés par épisodes très courts les 5 années qui suivirent au gré de nos métiers et de pays dans lesquels nous nous rencontrions fortuitement.

C’est pour cela que je doute.

Elle me l’aurait dit.

Vous vivez à Paris ?”

“Maman m’a tout raconté la semaine dernière.

Elle m’a montré des photos.

Elle est tombée enceinte de moi dès le début de votre rencontre en Italie.

Elle l’a su quatre mois après.

Vous viviez ensemble entre St Pétersbourg et Paris.

A ce moment là, vous partiez travailler plusieurs mois à San Francisco.

Elle ne voulait pas, ne pouvait pas vous suivre.

Sa gynécologue lui a appris sa situation le jour même de votre départ.”

“Mais, je l’aimais.

Je serais resté ou je l’aurais retrouvée

Elle ne voulait pas mettre sa carrière entre parenthèses plusieurs mois.”

“Maman vous a beaucoup aimé vous savez.

Il n’y a pas eu d’autres hommes dans sa vie mis à part ceux que je n’ai jamais rencontrés.

Elle m’a dit que vous étiez un indomptable, un rêveur, un révolté.

Elle vous aimait tel que vous étiez.

Maman n’a pas voulu vous retenir.

Vous mettre en cage.”

Tristan est devant la Fontana di Trevi.

Il pense à Rolland Barthes et son “Fragment d’un discours amoureux”

« Suis-je amoureux ? – Oui, puisque j’attends "

« L’identité fatale de l’amoureux n’est rien d’autre que : je suis celui qui attend. "

Il ne sait pas si elle va venir.

Il est excité, anxieux, serein.

Elle viendra.

Irina s’avance par cette même rue, la via della Stamperia.

Elle est habillée d’une longue robe blanche mousseline fendue jusqu’à mi cuisse.

Elle porte des lunettes noires.

Tristan a le souffle coupé.

“Bonjour,

Vous n’avez rien à envier à la sublime Anita qui a fait rêver des générations masculines.”

“Je m’excuse.

Ce n’était pas mon intention.”

En face d’Enzo, son fils, l’émotion le submerge.

Juliette !

Il faut que je l’appelle tout de suite.

Il faut que lui dise pardon.

Il faut que je lui dise que je l’aime de tout mon être.

“Excuse-moi Enzo.

Je dois passer un coup de fil important.”

Elle a coupé son téléphone.

Non, je ne laisse pas de message. 

“Je te regarde.

Tu me ressembles beaucoup mon fils.

Tu as juste ce regard de ta maman que j’ai beaucoup aimé.”

Juliette !

Juliette !

il faut absolument que je te voie, que je te parle.

Elle ne répond toujours pas avec son putain de téléphone.

Tristan découvre seulement aujourd’hui que parmi toutes les femmes qui ont peuplé sa vie, une heure, un jour, des mois, des années, seules celles dont le regard le frappa intensément comptèrent.

Il se souvient de toutes, de leur visage, de leur rire, du goût de leur peau.

Il sortait de chez lui dix ans plus tôt, ce matin là, place de la Contrescarpe où il habita à Paris.

Tristan avait rendez-vous chez son éditeur près de l’Odéon pour lui remettre son dernier manuscrit.

Il est à peine 8h30.

Il n’y a pas grand monde ce matin dans la rue.

Il prend la rue de Blainville.

Il voit une femme qui marche sur son trottoir à 30 mètres devant lui, dans sa direction.

Tristan la regarde.

Elle avance.

Leurs regards ne peuvent se quitter.

Il arrive presque place Emmanuel Levinas.

Ils se croisent sur le trottoir en se regardant.

Il continue à marcher une dizaine de mètres.

Puis, Tristan s’arrête.

Il se sent enveloppé par la douceur de l’intro de « C’era volta in America » le thème Deborah, musique d’Ennio Morricone.

Tristan s’arrête brusquement sur le trottoir.

Il pense.

“Ce n’est pas possible.

Je n’ai qu’une vie.

Mon éditeur attendra.”

Toutes les sensations se bousculent.

Il se retourne.

Elle n’est plus là.

Il accélère le pas.

Il ne la voit pas.

Il se met à courir en direction de la place de la Contrescarpe.

Il est comme un fou, Tuco dans la scène finale de « le bon, la brute, le truand » en quête de l’or.

Il ne la voit pas.

Elle a disparu.

Il s’arrête net.

Quelle est cette folie qui m’a pris ?” pense Tristan.

Il allume une cigarette.

Il remet la musique dans son casque.

Tristan choisit le menuet en sol mineur, suite N°1 de Haendel.

https://www.youtube.com/watch?v=NFv901vCo6M

Il va à son rendez-vous.

Il n’est pas en retard.

Il fait quelques mètres.

Elle est là, sur le perron du tabac de la rue de Blainville.

Elle le regarde.

Elle sourit.

Tristan perd tous ses moyens.

lui dit-elle.

Elle éclate de rire.

Elle est encore plus belle.

Il lui sourit.

“On s’est regardé.

Vous m’avez troublé.

Je ne sais pas ce qui m’arrive.

Vous prenez un café avec moi ?

Je ne veux pas vous mettre en retard.”

Elle est cash, totalement affranchie des distances que notre cadre social impose aux femmes. Il est ravi.

Ils sont en terrasse.

Le temps, leurs obligations professionnelles n’avaient plus de sens.

La matinée passait, glissant sur leurs échanges, le regard enlacé.

“Irina est hospitalisée à Paris ?”

“La batterie des examens est terminée.

Elle se repose chez nous rue Tournefort.

Mais, elle va très bien.”

“Je ne sais que dire.

Nous nous sommes vus un an après, à mon retour de San Francisco.

J’étais invité par une amie journaliste de mode au défilé de Christian Lacroix.

Elle shootait en free-lance pour plusieurs magazines de l’est.”

“Maman est toujours photographe indépendante.”

“Nous nous sommes aimés très fort une nouvelle fois.

Mais, à ce moment, je n’étais pas libre.

Je venais de rencontrer une anglaise folle dingue avec beaucoup d’humour qui dirigeait un incubateur de start-up à Paris.

Elle me fit tourner la tête seulement quelques semaines ce que je ne savais pas à ce moment.

Irina me dit qu’elle retournait vivre à St Pétersbourg quelques mois.

Je n’avais pas envie d’une relation entre deux avions.

Si elle m’avait tout raconté.

Cela aurait été différent.

Tu comprends ?”

Juliette ! Juliette !

Il faut que je lui parle tout de suite.

Il faut que je lui dise pardon.

Il faut que je lui dise que je l’aime de tout mon être.

Notre histoire n’est pas terminée.

Tristan est bouleversé.

“Excuse-moi Enzo.

Je dois passer un coup de fil à nouveau.”

Elle a coupé son téléphone.

Non, je ne laisse pas de message.

“Je dois absolument partir.

Je suis désolé.

J’ai toutes vos coordonnées.

Je ne m’enfuis pas mon fils.

Je téléphone à Irina demain matin.

On se voit plus longuement ce week-end, si tu veux ?”

“Oui, je vous remercie de m’avoir reçu et écouté.”

Je ne connais même pas votre prénom.

Tristan et toi ?”

“Je ne vais pas avoir le temps malheureusement de prolonger ce ravissant moment avec le déjeuner.

Ce soir, il y a le vernissage de l’exposition d’envergure “Roland Barthes” au Centre Pompidou. L’exposition s’appuie sur de grandes œuvres qu’il a commentées.

Il y a aussi la contribution de plusieurs artistes qui proposent un regard contemporain sur l’oeuvre de Roland Barthes.

Viens avec moi.”

Agathe était devenue sa maîtresse.

Ils déjeunaient ensemble une fois par semaine chez lui.

Ils faisaient une exposition.

Tristan et Agathe assistaient à une pièce ou voyait un film ensemble.

Des week-ends à l’improviste dans une capitale étrangère venaient parfois se glisser dans cet agenda bien établi entre eux.

Parfois, ils n’attendaient pas d’être rentrés pour faire l’amour.

Leurs pulsions étaient souvent trop fortes.

Ils baisaient dans les toilettes du cinéma, du théâtre, du restaurant, le midi ou le soir.

Rien ne pouvait les arrêter.

Tristan multipliait les rencontres.

Agathe le savait.

Elle ne pouvait le dompter.

Seul un engagement plus fort entre eux pouvait changer cela.

C’était la façon de Tristan de se protéger.

Il était un boulimique de sexe, de sourires, de parfums.

Sa relation avec Agathe prit de l’importance dans sa tête, son coeur.

Tristan lui proposa au printemps de partir 3 semaines l’été ensemble en Grèce pour essayer de s’aimer autrement.

“Je ne veux plus Agathe marcher dans les pas d’un autre.

Nous sommes faits l’un pour l’autre.

Nous sommes complices sur tout.

Je te veux dans ma vie.

Je veux te faire rire.

Je veux te faire sourire.

Je veux te faire rêver.

Je veux faire battre ton cœur.

Je veux que ton corps, ta tête me réclament en toi chaque jour qui passe.

Je ne veux plus que tu ne penses qu’à moi.

Je veux que tu sois follement amoureuse de moi.

Je veux que tu ne puisses plus te passer de moi, de nous.

J’ai envie d’être aimé et d’aimer à nouveau ma belle.

Je suis l’homme d’une seule femme lorsque je suis amoureux, à l’inverse de lorsque l’amour ne m’a pas embrasé.”

Un soir, elle lui annonça qu’elle allait se marier avec ce type qui partageait sa vie, un Tycoon des fusacs (fusions & acquisitions) pour une grande banque d’affaires américaine.

Il lui offrait une vie dorée que Tristan était incapable de lui donner malgré ses revenus somme toute honnêtes.

Tristan lui envoya un message le soir même.

“Que m’as-tu fait Agathe ?

Je suis éperdument amoureux.

Je suis celui qui t’aimera si tu me veux.

J’apprends encore à aimer.

Dis-moi quelque chose, car je suis sur le point de te dire adieu.

Je renoncerai pour la première fois dans ma vie pour ne pas être malheureux.

Que m’as-tu fait ?

Tu es la seule que j’aime.

Mais, je suis sur le point de te dire adieu.

Dis-moi quelque chose.

Dis-moi quelque chose, je te veux dans ma vie.

Viens.”

La plus charmeuse lui brisa le coeur.

Agathe lui répondît.

Tristan continua son chemin.

Aujourd’hui, cela faisait dix ans qu’il n’avait pas été amoureux.

Dix ans, c’est long dans une vie.

Toutes ses histoires d’amour lui explosent en pleine figure.

Ce fils qu’il découvre 15 ans plus tard.

Irina qui se meurt.

Tout rejaillit avec violence dans sa tête.

Tristan se réveille en sursaut.

Il fait déjà jour.

Il a dormi chez son meilleur ami Stéphane, comme souvent le samedi soir lorsqu'ils sortent ensemble.

Il n’est pas là.

Il ne rate jamais ses matchs de tennis du dimanche matin, même s’ils rentrent en vrac.

La porte de sa chambre est ouverte.

Elle s’ouvre sur un long couloir qui donne sur la cuisine.

Une femme en tenue légère passe devant la porte de la cuisine.

Il se frotte les yeux.

Pourtant, hier soir, ils n’ont rien bu.

Il n’est pas ivre.

La femme repasse devant la porte.

Il sent de la chambre le pain grillé et l’odeur du café.

Nathalie est la mère de son ami.

Tristan repense à chaque seconde.

Elle a 34 ans.

J’en ai 18.

Je me lève.

Je m’habille sans faire de bruit.

Je ne comprends pas.

Je connais Stéphane depuis 7 ans.

Comment vais-je faire pour m’éclipser ?

La porte d’entrée jouxte celle de la cuisine.

Je m’avance dans le couloir doucement pour partir, m’enfuir.

Nathalie est maintenant devant la porte de la cuisine.

La lumière de la fenêtre éclaire son corps nu sous son long déshabillé en soie légère.

Je l’avais toujours vue jusqu’à ce matin sous l’angle de la maman de mon ami et non comme une très jolie jeune femme, profondément désirable.

Je suis pétrifié.

Je bredouille quelques mots.

“Je dois rentrer. J’ai un TD à préparer pour demain en histoire de l’art.

Je n’ai rien fait.”

 

Elle sourit.

Je me dis, “tu prends le petit dej vite fait et tu t’en vas”.

Elle me sert un bol de café.

Elle me beurre mes tartines comme souvent ces dernières années.

Nathalie me fait du “rentre-dedans”.

Je me sens pris au piège.

Je pense à mon ami.

Elle se baisse près de moi en posant un verre de jus d’orange laissant deviner ses petits seins fermes.

J’ai très, très chaud.

J’essaye de ne pas regarder, les yeux tournés vers mon café.

Je ne parle pas.

J’ai la gorge nouée.

Elle me parle maintenant en caressant doucement ma tête.

Je n’arrive à rien dire.

Au secours ! elle ne me laisse aucun répit.

Elle s’asseoit maintenant tout près de moi.

Nathalie me caresse le bras.

J’ai l’impression d’une force de deux cent tonnes qui m’écrase.

Je bois mon café qui m’étrangle.

Chaque seconde dure des heures.

Nathalie pose maintenant sa main sur ma cuisse.

J’arrive à sortir un bout de phrase.

“Votre fils est mon meilleur ami.”

Sa main remonte maintenant lentement jusqu’à mon sexe gonflé.

“Vous ne pouvez pas faire ça.”

Tout en malaxant mon sexe avec sa main, Nathalie se rapproche de moi.

Elle dépose des baisers sur mon bras.

J’essaye fébrilement de sortir de l’emprise de cette Mante religieuse qui m’envoute terriblement.

Mes faibles protestations ne l’arrêtent pas.

Elle est maintenant tout contre moi.

Je sens son souffle dans mon cou.

D’une main douce elle déboutonne mon pantalon, l’autre glisse sous mon tee-shirt à manches longues pour caresser mon torse.

Je recule ma chaise d’un coup net.

Nathalie se lève et se met à califourchon sur moi.

Elle prend d’autorité mon visage entre ses mains repoussant mes cheveux mi-long.

Elle frotte son sexe langoureusement contre moi avec de petits va-et-vient qui deviennent insoutenables.

Son regard intense m’aspire littéralement.

Nathalie effleure son visage contre le mien, la bouche légèrement ouverte.

Elle me fait perdre la raison.

Adieu mon ami !

J’entre dans un non retour.

Je l’embrasse doucement.

Ses lèvres ont un goût de pêche.

La pression de son sexe est de plus en plus forte.

Je la tiens maintenant par sa fine taille.

Nous nous embrassons avec fougue.

Ses seins sont doux et fermes.

Je pousse d’une main bol, tartines, verres sur la table.

Je me redresse avec elle accrochée à moi.

Nathalie n’est plus la mère de mon meilleur ami.

Je renonce à tout esprit, toute raison.

Je ne suis qu’un brasier.

Je la dépose sur la table de la cuisine.

Elle fait glisser mon pantalon le long de mes jambes.

Elle ne dit rien.

Nathalie me regarde toujours avec ce regard, désir total, sensuel, sexuel.

Mon sexe dressé entre en elle doucement en profondeur.

Son vagin est brûlant.

Je dévore sa bouche, son cou.

Elle ondule légèrement.

Mon sexe glisse en elle comme s’il avait trouvé l’espace de plaisir idoine.

Nathalie enserre ses jambes autour de moi pour accompagner nos mouvements dans de différents rythmes.

Son regard est maintenant abandonné.

Son souffle devient plus pressant.

Je pose ses jambes sur mes épaules pour aller au tréfond de son corps.

Mon sexe est inondé par son plaisir.

Elle se mordille la lèvre en serrant ses poings.

Nous jaillissons démesurément longtemps. ensemble dans un dernier coup de butoir incandescent.

Nathalie se relève doucement.

Elle me prend par la main.

Elle voit mon regard soucieux.

Elle avait pensé à tout.

J’étais sa proie.

Je ne dis rien.

Je la suis sans résistance.

J’ai fait tout envoyer en éclat par ma faiblesse extrême.

La furia de l’assaut et le désir ont tout emporté sur leur passage.

Elle me savonne le corps en souriant avec un regard non plus de chasseur, mais incroyablement serein.

Je m’exécute.

Cette fois-ci notre orgasme vient plus vite.

Je me plonge totalement dans les cours à l’université comme jamais.

Je refuse toute proposition de sorties de mon ami Stéphane en prétextant que je dois mettre un gros coup de collier à la fac.

Je ne sais pas combien de temps cela va durer.

Je me sens à juste raison incapable de le regarder en face.

Deux semaines passent ainsi.

Je vis dans mon petit deux pièces près de la Sorbonne comme reclus.

Mais, je ne pourrai pas éviter longtemps mon meilleur ami.

Stéphane est devant moi au café sur la place Monge dans mon quartier sur la rive gauche.

Je suis en terrasse.

Il est avec une fille.

Je respire.

J’ai l’impression que c’est écrit sur mon visage avec de gros clignotants rouges.

“J’ai baisé ta mère.”

Je te présente Lina.

Elle fait médecine avec moi.

C’est un crack.

Nous travaillons dans le même groupe d’entraide.”

“C’est gentil. Surtout venant de la part de monsieur 20/20 en math au Bac S.”

Nous discutons.

Je n’entends rien.

Je suis ailleurs, mort de honte et de trouille.

“J’oubliais.

Tu as oublié ton pull à la maison.

Maman l’a lavé.

Passe le prendre ce soir si tu veux ?

Je ne serai pas là.

Je vais au cinéma avec Lina.”

Oh la la, j’ai des crampes d’estomac rien que de penser me retrouver seul ou pas devant Nathalie.

Ils habitent un grand appartement rue des canettes à côté de l’église St Sulpice, rive gauche.

Je fais le tour du quartier vingt fois.

“J’y vais. J’y vais pas.” Trotte inlassablement dans ma tête.

Je sonne à l’interphone.

Je monte les escaliers lentement.

“Je prends mon pull et je m’en vais tout de suite.” Me dis-je.

La porte d’entrée s’ouvre.

On se sourit comme si nous étions un couple qui se retrouvait après une longue absence.

Je la prends dans mes bras.

Elle m’attire chez elle.

Nous ne parlons pas.

Je la suis jusqu’à sa chambre sans m’arrêter de l’embrasser.

Trois soirs par semaine Nathalie me rejoint chez moi.

Nous faisons l’amour comme des fous.

Le premier semestre s’écoule ainsi.

Je donne le change avec mon ami.

Sa relation amoureuse avec Lina me permet de moins le voir sans attirer son attention ou des demandes d’explications auxquelles je ne saurais répondre.

Je vis une relation passionnelle avec Nathalie.

Nous sortons maintenant de notre tanière pour aller au cinéma, voir des expositions ensemble.

Nathalie fait bien six à sept ans de moins que ses 34 ans.

Moi, avec ma barbe mal rasée et mon physique, j’en parais cinq, six de plus que mes bientôt dix-neuf ans. Notre différence d’âge s’estompe.

Le téléphone sonne.

“Salut Tristan,

Lina ma chérie nous invite chez elle ce soir.

Il y aura sa copine Virginie.

Une blonde de ouf qui est en lettres classiques à la Sorbonne.

Elle t’a vue l’autre jour avec moi au jardin du Luxembourg lorsque qu’on prenait un café.

Tu te souviens ?”

“Oui, oui.”

“Elle te kiffe grave.

C’est du tout cuit pour toi mon pote.

Allô ? Tu ne dis rien ?”

“Si, si …”

“Ben quoi ? C’est tout l’effet que cela te fait ?

Tu as largué Marla il y a six mois.

Tu as des petites histoires de cul.

Ne proteste pas.

Je te connais.

Tu ne me dis plus rien.

Mais, je le devine.”

“Elle est pas mal.

C’est vrai.”

“Rendez-vous chez Lina à 20h.

Sa copine nous rejoint en sortant du cinéma.”

“Parfait, je vais aussi au cinéma voir in extremis la dernière diffusion “d’Opening night” de Cassavètes.

Je sortirai de la salle dans ces eaux-là.”

“Bonsoir l’amigo,

rentre,

Virginie n’est pas encore arrivée, hé, hé.”

Entre les spaghetti à la bolognaise et les sorbets framboises…

Lina s’adressant à son amie

“C’était bien le Cassavetes ? Opening night, c’est ça ?”

“Gena Rowlands est grandiose.”

“C’est marrant. Moi aussi, j’ai vu ce soir ce film.”

“Bien accompagné d’ailleurs.” dit Virginie envoyant une flèche à Tristan.

Je suis immédiatement pris de nausées.

“Ne fais pas cette tête Tristan.

On dirait que tu vas te sentir mal.

Elle est comment cette petite.”

Virginie perfide.

“Elle a bien dix ans de plus que Tristan.

Mais, j’avoue.

C’est une très, très belle femme brune avec un charme qui me ferait tourner la tête si j’étais un homme.”

“Ça va ?

Tu as fini là ?” répondit Tristan sur un ton énervé.

“Hé bien mon salaud.

Tu l’as rencontrée où ?

C’est elle que tu me cachais ?”

“Laissez-le tranquille.” dit Lina

“Ne les écoute pas Tristan.

On va manger le dessert.”

“Tu la présenteras à ton meilleur pote un de ces jours ?”

“Je ne sais pas.”

“Depuis un moment ma mère ne me dit plus “comment va le petit Tristan ?

Elle t’a peut-être déjà croisé avec cette femme ?

Elle a compris que tu n’étais plus le petit Tristan, mais le tombeur de ces dames.

Tu as trop kiffé “le Lauréat” d’Arthur Penn.”

“Bon, tu arrêtes là.

Je me casse.

Vous m’avez gonflé grave.”

“La meilleure amie de Lina nous a vus ensemble hier au cinéma.

Elle était à la même séance.

Nous sommes dans la merde.”

 “Peut-être devrions nous arrêter de nous voir ?

Avant que cela ne soit la catastrophe dans notre relation avec lui et encore

plus pour toi sa mère.”

“Je ne peux pas te laisser dire ça Nathalie.”

Elle est en larmes.

“Tu es mon bel amour. Mais nous courons à la catastrophe si nous continuons.”

Je ne croisais plus jamais de ma vie mon ami Stéphane ni la belle Nathalie.

Tristan mit près de 10 ans avant d’avoir une relation autre que plus d’un mois avec une femme et oublier cette passion qui bouleversa sa vie.

Il ne vivait que de séduction, de rencontres d’un soir.

Irina le suit au Maxxi après ce petit déjeuner délicieux devant le spectacle de la Fontana di Trevi.

Il fait visiter l’expo à la belle russe tout droit sortie des contes enchanteurs que lui racontait inlassablement à sa demande sa grand-mère lorsqu’il était enfant.

“Le vernissage de l’exposition rétrospective de Bill Henson aura lieu ce jeudi. Vous serez encore à Rome Irina ?”

Tristan retrouve Irina devant la Fontana di Trevi quatre jours plus tard.

Elle lui avait envoyé un SMS de Milan pour lui dire qu’elle serait ravie de prendre le petit déjeuner devant la fontana à nouveau avec lui.

Ils passent le week-end ensemble.

Tristan lui sert de guide éclairé, du Trastevere, au ghetto juif, en passant par la sublime chapelle sixtine et son plafond extraordinaire chef d’oeuvre de Michel-Ange.

Irina doit aller à Paris ensuite.

Tristan lui propose de venir chez lui.

Ils ne peuvent plus se quitter.

Irina s’installe chez Tristan.

Elle fait juste des aller-retour chaque quinzaine à St Pétersbourg pour son travail.

Tristan et Irina se séparent peu avant le départ de celui-ci pour San Francisco.

Elle n’a pas voulu le suivre plusieurs mois et faire une pause dans son travail.

Son père agonisait des suites d’une longue maladie.

Irina préféra couper court à cette histoire.

Juliette,

Juliette,

Juliette,

Il faut que je lui parle.

Il faut que je lui dise que je me suis trompé.

Lui dire qu’elle avait raison.

Il enfourche son scooter.

Tristan dévale la montagne St Geneviève.

Juliette est directrice artistique et consultante pour une agence de communication qu’elle a co-fondée.

Le bureau parisien est dans le Sentier, celui de Londres dans le quartier de Padington, non loin du parc où elle aime courir.

Ils avaient appelé cela “Silicon Sentier” en référence à la Valley et pour faire de la com.

Île de la cité, puis le boulevard Réaumur-Sébastopol en enfilade sur la rive droite.

Juliette,

Juliette,

Juliette,

Il faut que je lui parle, la touche, la serre dans mes bras.

Tristan avait rencontré Juliette par hasard. Un portrait d’elle sur Facebook fait par un ami photographe avait retenu son attention.

Il l’avait demandée en « ami » après avoir regardé son profil et trouvé intéressants ses posts. L’algorithme l’avait faite disparaître.

Puis, un jour, Juliette passa dans son fil de recherche sur Instagram. Son regard le frappa. Tristan s’abonna à son compte. Puis, il l’oublia.

Toujours cet algorithme qui fait disparaître ceux qui sont peu actifs.

Quelques mois plus tard, Tristan prit le train. Il faisait un périple de Paris à Marseille puis Bordeaux pour voir de vieux amis.

Il était en retard à la gare St Charles.

Tristan avait fait la java toute la nuit, avec ses amis, puis quelques folies avec une belle maîtresse d’une nuit.

Il attrape le train au vol, comme souvent dans sa vie. Du quai, il voit les wagons pleins. Il tire trois bouffées sur son énième cigarette qui le tient en vie ce matin.

Les trois cafés serrés et la douche n’ont pas eu grand effet après une nuit à avoir dansé  puis fait l’amour comme un malade.

Il fait froid sur ce putain de quai triste et gris comme la mort.

Tristan monte dans un wagon plein à craquer de voyageurs. Il aperçoit une place libre dans un carré quatre places.

Il demande aux personnes si la place est libre sans les regarder.

Il s’assied.

Il sort son casque et met un titre de Bicep à fond tout en regardant les photographies du book d’un jeune talent.

Il tient son smartphone entre les mains posé sur la tablette en fer devant lui.

Une main douce se pose sur la sienne.

Tristan lève la tête.

Le regard gris de la jeune femme assise en face de lui le terrasse.

Elle lui parle. Il n’entend rien. Le volume de la musique est au maximum.

Il est 7h30 du matin, le titre improbable, sortie d’outre tombe, un remix de « Discothèque » de U2.

Sans doute un peu la suite de sa soirée et de sa nuit de “grand n’importe quoi” comme il aime bien.

Les nuits où tout est possible, partir à l’autre bout de la terre sur une envie, s’envoler à perdre les sens dans les bras d’une déesse.

Tristan retire son casque et coupe le son.

« Excusez-moi. Je n’ai pas entendu. »

Son regard me percute, me traverse de part en part.

Je la regarde, ses yeux gris, sa bouche si bien dessinée et ses lèvres rouges.

Je lui souris.

Je me rends compte qu’elle a toujours sa main posée sur la mienne en me parlant.

Coup de foudre, coup de bambou, de tonnerre, uppercut, je suis ko le sourire aux lèvres.

Elle retire sa main en souriant, presque gênée. Elle s’est rendu compte de l’insistance de son geste.

Même s’il se voulait bienveillant et doux à mon égard.

J’ai presque envie de lui dire de ne pas la retirer.

« Je m’excuse mademoiselle. Je ne voulais pas vous importuner. Cela me tient éveillé et me stimule pour travailler. »

Une conversation s’engage entre eux comme s’ils se connaissaient depuis longtemps. Tristan est happé par le regard gris de Juliette.

Puis, il lui dit qu’il a l’impression de la connaître vraiment. Juliette sourit.

Bingo ! Il tape son prénom et son nom dans Facebook. Ils en rient ensemble.

Juliette descend à Montpellier. Elle va voir une vieille amie le temps du week-end.

Puis, Juliette partira pour Paris, Londres où elle réside la plupart du temps pour son travail dans une agence de communication.

  Tristan acquiesce. Il est totalement subjugué par le regard, la bouche, le visage… tout chez Juliette.

Il gravit quatre à quatre les escaliers étroits de cet immeuble de la rue d’Aboukir.

Il rentre dans les bureaux où travaille Juliette.

“Bonjour Tristan” lui dit Lila, l’associée de Juliette.

“Je m’excuse de vous déranger.

Je passais voir Juliette.”

“Juliette n’est pas là. À cette heure-ci, elle doit prendre le train pour Marseille. Demain, elle fait une conférence à l’école de journalisme sur le journalisme dans la mode.”

“À quelle heure prend-elle son train ?

J’essaye de la joindre depuis 2h.

Son téléphone est sur répondeur.

C’est très urgent.”

Lila regarde l’écran de son ordinateur .

“Dans 1h normalement”

“Au revoir, je vais à la Gare de Lyon.”

Tristan fonce sur son scooter.

Il prend les sens interdits.

Son coeur frappe sa poitrine.

Tristan a le sourire aux lèvres.

Cinq minutes après être descendu à Montpellier, Juliette envoie un SMS pour dire à Tristan qu’elle est vraiment ravie de cette rencontre.

Une semaine plus tard, Tristan est à Londres auprès d’elle.

Ils ont échangé via la messagerie WhatsApp tous les jours près de trois heures à chaque fois.

Elle lui a dit qu’elle vivait avec un homme qu’elle aimait.

Elle lui a dit qu’elle était irrésistiblement attirée par lui aussi, comme cela n’avait jamais été le cas jusqu’à présent dans sa vie.

Ils font l’amour comme si leurs corps étaient faits l’un pour l’autre. L’alchimie du corps, de l’esprit est total entre eux.

Plusieurs mois passent, ils vivent ensemble entre Londres et Paris, de plus en plus souvent à Paris.

Jusqu’à ce qu’un soir Tristan réalise que la différence d’âge, elle a quatorze ans de moins que lui, leurs vies professionnelles vont être insurmontables.

Tristan sur son scooter prend toutes les pistes cyclables, couloirs de bus en sens inverse. Il s’en moque.

Il faut absolument qu’il arrive à la Gare de Lyon pour voir Juliette avant qu’elle ne prenne son train pour Marseille.

Tristan arrive sur la place de la Bastille.

Il grille le feu rouge et s’engouffre sur le rond point. Les Klaxons des voitures fusent de tous les côtés.

Tristan serre les dents lorsque qu’un camion de livraison effleure son scooter.

Une voiture de flics le prend en chasse gyrophare hurlant au début de la rue de Lyon qu’il prend à fond.

Tristan a avalé les quatre kilomètres de distance en moins de dix minutes.

Arrivé sur le parvis de la gare, les flics aux fesses. Il laisse son scooter sans l’attacher devant l’entrée principale.

Tristan entre dans la gare.

Il regarde le panneau d’affichage.

Le train pour Marseille part du hall 2 et il n’y a pas encore de voie affichée.

Tristan ne court pas.

Il vole.

Juliette,

Juliette,

Une fois dans le hall 2, Tristan va jusqu’au guichet d’informations pour faire appeler Juliette.

L’information passe dans les hauts-parleurs.

Juliette est toute surprise d’entendre son nom et son prénom.

Elle se dirige vers le point information.

Là, stupéfaite, Juliette voit Tristan le sourire aux lèvres.

Au même moment la voie pour son train s’affiche.

"Il faut que je te parle.” lui dit-il un sourire barrant son visage.

“Je t’accompagne.”

“Je prends le train avec toi.”

“Je m’en fous royalement.

Je t’aime Juliette.

Je me suis trompé sur toute la ligne.

Tu avais raison sur tout, absolument tout.

Je suis un imbécile.”

Juliette est interloquée.

Les bras lui tombent.

Elles prend mécaniquement sa valise et marche en direction de son quai de départ sans regarder Tristan qui la suit.

Arrivée devant la porte du wagon, Tristan lui prend le bras pour qu’elle le regarde en face.

“Je t’aime Juliette.

Tu comprends.

Dès que je t’ai vue ce matin dans le train à Marseille, que tu as posé ta main sur la mienne, je suis tombé éperdument amoureux. Ton regard gris m’a terrassé.

Tu as raison pour la différence d’âge.

J’ai quarante huit ans.

Tu en as trente quatre.

On s’en moque.

On s’aime.

Nous sommes bien ensemble.

On partage mille goûts et envies.

Je veux que tu portes nos enfants.”

“Je n’y croyais plus.

J’ai eu trop mal tant de fois.

Mon esprit était fermé pour ne pas souffrir une nouvelle fois.

J’ai aimé à en crever.

Je me suis enfui une fois.

Celles que j’ai aimées le plus fort sont parties.

Je suis enfin heureux dans ma vie auprès de toi.

Je m’excuse Juliette.

Je voudrais voir ton sourire le matin à l’aube.

Je voudrais m’enivrer encore et encore du parfum de ta peau.

Je voudrais rêver les rêves les plus fous avec toi.

Tu comprends ?”

Juliette est figée. Elle ne peut esquisser aucun geste. Aucune pensée ni aucun mot n’arrive à émerger.

La contrôleuse du train sensiblement du même âge que Juliette s’approche d’elle.

“Vous devriez l’écouter.”

Une mamie aux cheveux bien blancs, habillée avec élégance accompagnée sans doute de sa fille et de son gendre lui dit avec une voix très douce.

“Nous n’avons qu’une vie. Si vous l’aimez et que vous êtes heureuse avec lui, foncez. Tout le reste, il faut s’en moquer.”

« C’est lui ! » Crient les flics en chasse jusque sur le quai.

Les flics en civil de la BAC ceinturent violemment Tristan et le plaquent, ventre à terre sur le sol.

Hurle Juliette déboussolée par tous les événements.

La vieille mamie, son gendre et la contrôleuse du train s’interposent.

Après 10 bonnes minutes de palabres, les flics dressent juste un procès verbal salé à Tristan pour toutes ses infractions et lui demandent de se présenter au poste de police le lendemain matin.

« Vous prenez le train mademoiselle ? » demande le chef des contrôleurs maintenant sur place.

Juliette embrasse très fortement Tristan.

Ce putain de titre de James Brown hurle dans les oreilles de Tristan. Il marche dans la gare en esquissant des petits pas de danse, hochant la tête, clope au bec.

Tristan vole très, très haut.

 

Fabien VIE

Paris

8 août 2017