Immigration :  l’Europe forteresse se consolide à coup de mesures restrictives

Immigration :  l’Europe forteresse se consolide à coup de mesures restrictives

Après trois années de négociations et en plein débat politique sur la question des réfugiés, les Vingt-Sept sont parvenus à un accord sur un projet de pacte visant à durcir les conditions d'accueil. Présenté lors d'un Conseil européen informel à Grenade (Espagne), le texte devra être soumis au Parlement. 

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a utilisé un langage emprunté au monde des affaires et à la morale judéo-chrétienne pour parler de la gestion des flux migratoires, en mettant en avant « l'efficacité et la compassion »

À neuf mois des élections européennes, elle a souhaité accélérer le processus afin de parvenir à un accord sur le pacte migratoire censé répondre aux situations de crise et de force majeure. 

Jusqu'à présent, la refonte de la politique migratoire de l'UE était bloquée par la question du règlement des situations d'urgence qui pourraient entraîner l'arrivée massive de migrants, comme cela s'est récemment produit à Lampedusa avec l'arrivée de 10 000 personnes. 

L'Italie de Giorgia Meloni (Frères d'Italie, extrême droite) a été convaincue de soutenir le projet grâce à l'extension de la durée de détention des migrants aux frontières extérieures de l'UE, qui est passée à quarante semaines. 

Selon Patricia Tejas, responsable de la commission migrations du PCF, "nos frontières sont censées être celles de Schengen, mais l'UE sous-traite ce contrôle à des pays comme la Turquie, la Tunisie ou le Maroc. Schengen se trouve d'autant plus fragilisé que certains pays reprennent la main sur leurs frontières". 

Mis en place de contrôle aux frontières

La situation migratoire en Europe est également affectée par l'instauration de contrôles aux frontières par la Slovaquie après l'élection du populiste Robert Fico au poste de Premier ministre, ainsi que par l'Allemagne qui a mis en place des contrôles mobiles aux frontières avec la Pologne et la République tchèque face à la montée de l'extrême droite et à la pression des Länder. 

Les procédures d'examen des demandes d'asile ont été accélérées et passent désormais à cinq jours. De plus, le texte Dublin III, qui prévoyait que les réfugiés déposent leur demande d'asile dans le premier pays de l'UE qu'ils atteignent, a permis aux autres États membres de détourner le regard. Cependant, les pays de l'Europe de l'Est, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine, demandent également un rééquilibrage de la situation. 

« Des camps à ciel ouvert, lieux de violence psychologique »

La Cimade s'inquiète de la sélection aux frontières et des "camps à ciel ouvert des îles grecques qui se sont révélés être des lieux de violence psychologique où les droits fondamentaux des exilés sont systématiquement bafoués, et qui favorisent les sentiments xénophobes parmi les populations locales, excédées, qui vivent à proximité". 

La Commission européenne propose de soutenir financièrement les pays d'accueil et de "parrainer" le retour des migrants en situation irrégulière dans leur pays d'origine en négociant directement avec l'État en question ou en finançant ce retour. Bruxelles vise la relocalisation annuelle de seulement 30 000 demandeurs d'asile à travers le continent, sans tenir compte des liens familiaux, des compétences linguistiques ou des projets personnels. 

La Pologne et la Hongrie font barrage aux relocalisations de migrants

La Pologne, qui accueille un million de réfugiés ukrainiens, refuse actuellement la relocalisation de personnes arrivées en Grèce ou en Italie et risquerait d'être condamnée à verser une compensation de 20 000 euros par migrant avec ce texte. La Hongrie et la Pologne, dirigées par des nationalistes, ont opposé leur veto mercredi. 

Le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, a appelé Bruxelles à mettre fin immédiatement à cette politique migratoire, aux quotas de relocalisation obligatoires et a accusé l'Union européenne de soutenir le modèle économique des passeurs. Mateusz Morawiecki, le Premier ministre polonais, a dénoncé un "diktat qui vise à changer la culture européenne" et a érigé un mur d'acier face à la Biélorussie. 

Les Polonais devront également se prononcer par référendum lors des élections législatives du 15 octobre sur l'accueil de milliers d'immigrés illégaux. Ces pays rejettent également le vote à la majorité qualifiée et estiment qu'unanimité serait préférable étant donné les divisions sur ces questions. 

Les nationalistes européens exercent une pression qui pousse toute l'Europe vers des mesures restrictives. Les communistes proposent de garantir le développement des pays d'origine et de revenir à l'esprit de la déclaration universelle des droits de l'homme et au droit "de quitter et de revenir dans son pays".