la magistrate suisse Carla Del Ponte a été désavouée et ses propos qualifiés "allégations" (DR)

Syrie : "Calamity Carla" a jeté un pavé dans la marre

Quelques heures à peine après ses déclarations révélant l’utilisation par les rebelles syriens d’armes chimiques, la magistrate suisse Carla Del Ponte a été désavouée et ses propos qualifiés « allégations ». L’enjeu est désormais la crédibilité de l’opposition à Bachar al-Asad et surtout la forte présence de djihadistes incontrôlés dans ses rangs.

La commission d'enquête internationale de l'ONU sur les violations des droits de l'homme en Syrie, basée à Genève, a affirmé lundi 6 mai ne pas avoir d'éléments suffisants lui « permettant de conclure que des armes chimiques ont été utilisées par les parties au conflit » en Syrie, qualifiant « d'allégations » les déclarations de l’une ses membres Carla Del Ponte.

Celle-ci avait déclaré lundi 6 mai sur les ondes d’une radio suisse que « les rebelles ont utilisé des armes chimiques, faisant usage de gaz sarin ». La magistrate s’est montrée prudente, évoquant seulement « des suspicions fortes et concrètes » en laissant toutefois entendre que des « preuves incontestables » pouvaient être fournies.

« Nos enquêtes devront encore être approfondies, vérifiées et confirmées à travers de nouveaux témoignages, mais selon ce que nous avons pu établir jusqu'à présent, pour le moment ce sont les opposants au régime qui ont utilisé le gaz sarin », a affirmé Carla Del Ponte.

Les témoignages ne sont pas « surprenants… »

La commission doit publier ses conclusions à la fin du mois de mai, avant de les présenter le 3 juin devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. La magistrate a donc pris une longueur d’avance. L'ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie réputée pour ne pas prendre de gants a surtout semé le trouble dans les milieux diplomatiques.

Une de ses phrases n’est en effet pas passée inaperçue. Carla Del Ponte a estimé que les témoignages recueillis à propos des rebelles n’étaient pas « surprenants », car « des combattants étrangers se sont infiltrés parmi les opposants ». Elle confirme ainsi la présence en force de troupes de Djiahdistes dans les rangs de l’opposition et surtout leur autonomie d’action.

Une situation à haut risque reconnue à demi-mot par la coalition de l'opposition syrienne. « Si l'enquête prouve qu'une partie quelconque, autre que le régime d'Assad, a fait usage d'armes chimiques, la Coalition prendra toutes les mesures légales et adéquates », promet-elle.

La même coalition affirme toujours que « le régime d’Assad est la seule partie à posséder la technologie nécessaire pour produire des armes chimiques ». Reste que dans la confusion qui règne sur le terrain, nul ne peut s’en porter garant.

Une confusion dans laquelle se perd d’ailleurs cette fameuse « ligne rouge » supposée être tracée par Barack Obama au sujet des armes chimiques. Un sujet de grande importance sans doute pour le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, arrivé à Moscou mardi 7 mai, où il doit s'entretenir avec le président russe, Vladimir Poutine.

Surnommée "Calamity Carla" pour son intransigeance, sa fermeté et son tempérament de fouineuse quant elle était à la tête du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) en 1999, la magistrate Suisse n’a pas failli à sa réputation, jetant sans hésiter un pavé dans la marre, prenant de court les grandes puissances dont elle a toujours dénoncé les pressions durant son mandat de procureure.