Le rappeur Lillois était l'invité des derniers Renc'Arts organisés par Uni'Sons.

Axiom : « L'école, c'est toute la vie ! »

Que peut bien dire un rappeur dans une salle de classe, devant des collégiens ? Il déconstruira le mythe de l'argent facile. Leur parlera des dures guerres commerciales en vigueur dans le monde de la musique, comme partout ailleurs. Et les encouragera, plus que tout, à se consacrer pleinement à leurs études et à l'accomplissement de leur voie professionnelle.

Chacun des innombrables Renc'Arts - ces rencontres socioculturelles organisées par l'association Uni'Sons (1) entre des rappeurs « aussi connus que reconnus » et la jeunesse des quartiers populaires -, en est la parfaite expression. Que leur invité soit Kery James, le rappeur hardcore d'Idéal J, ou Rockin' Squat, le MC old school du groupe de rap conscient Assassin... Ou encore Axiom, le dernier invité de l'association Uni'Sons qui a enchaîné pas moins de quatre Renc'Arts, fin novembre, à Montpellier, dans le quartier populaire de « La Paillade » (La Mosson).

Né en 1975 à Lille, dans le Nord, Axiom est d'origine marocaine et a grandi dans le quartier de Moulin-Belfort. Il est très tôt bercé par les rythmes hip-hop qui déboulent des Etats-Unis et intègre le groupe Mental Kombat avant de sortir en 2006 son premier album solo, intitulé sobrement Axiom. Cette année 2011, il revient avec un deuxième opus, moins intimiste que le premier, mais très orientalisant : Axiom Aka Hicham.

Voir le clip Axiom Aka Hicham :

Pour Axiom Aka Icham, « l'école, c'est toute la vie ». Pas difficile donc de promouvoir les études quand, en plus de la sortie de son dernier album en mars dernier (2), du suivi de son association Norside, spécialisée dans la défense des droit civiques et de la création d'une ONG en cours, Axiom multiplie les inscriptions universitaires en candidat libre. Titulaire de plusieurs diplômes, inscrit cette année en master d'ingénierie artistique et culturelle, le rappeur pense déjà à obtenir son doctorat dans cette discipline, puis à se tourner vers les sciences politiques. « Parce que ça [l]'intéresse ! »

« Dans ces Renc'Arts, j'ai expliqué que pour moi l'école a une place centrale dans la vie et qu'il ne faut surtout pas troquer sa passion contre les études ou son métier », raconte le MC. « Les deux choses doivent pouvoir coexister », assure Hicham qui en est un parfait exemple.

Modèle pour toute une génération, cet ex-porte-parole de l'association AC Le Feu (3) ne garde jamais sa langue dans sa poche, comme l'a montré récemment son apparition dans le JT de 20h de France 2 (30.11.12) dans le cadre de la mobilisation du collectif « Non au contrôle au faciès » (4) dont il est membre.

Voir le témoignage d'Axiom pour le collectif « Non au contrôle  au faciès » :

Loquace sur tous les sujets, Axiom a accepté de dire à Médiaterranée ce qu'il pense de la problématique des banlieues et de leur prise en considération par la sphère politique, à quelques mois de l'élection présidentielle : « Je rejoins l'avis de Patrick Braouzec [député de Seine Saint-Denis apparenté communiste, Ndrl] rapporté par Reuters (5), je pense que la situation est plus que jamais catastrophique ! Le PS a complètement raté son rendez-vous avec les banlieues et là, nous nous rapprochons dangereusement de l'échéance... Hollande s'est complètement aligné sur le rapport Terra Nova (6), il délaisse complètement les classes ouvrières pour se replier à mon avis sur la population "bobo"... »

« C'est une catastrophe pour les quartiers !, poursuit le rappeur. Hollande ne dit pas un mot sur les banlieues. Il en parle juste en disant ''les jeunes'', ce qui ne veut strictement rien dire, ça ne permet pas de détailler le problème. Pour moi, ils sont en train de louper le rendez-vous. Comme le dit Braouzec dans Reuters, je pense qu'effectivement, on risque d'avoir un taux d'abstention plus important que d'habitude. Parce qu'il n'y a aucune capacité du PS, par exemple - et je parle surtout d'eux parce que c'est de leur part que l'on attendait ça - à intégrer une grande France qui veut de la diversité dans l'attribution des postes en interne, dans la représentativité, etc... C'est à dire ce qui pose problème au PS, historiquement. Du coup, l'UMP a une carte à jouer... »

Casser la reproduction des inégalités

Au-delà de cette proximité d'analyse avec Patrick Braouzec, Axiom ne pense pas que l'espoir des banlieues puisse se trouver du côté du Front de Gauche : « Des rencontres entre la banlieues et le Front de Gauche, à Paris il y en a tout le temps, depuis des années et ça débouche sur quoi ? »

La vraie question de fond pour Axiom, c'est « comment on casse la reproduction des inégalités et comment on la casse notamment à l'école, puisque c'est là qu'on apprend la société française ». Pour lui, « augmenter le nombre de fonctionnaires dans l’Éducation nationale », comme le souhaite François Hollande, ne suffira pas, pas plus que les seuls « coups de peinture » des « programmes de réhabilitation »...

Il faut revoir le système en profondeur, y compris celui en place dans les écoles, affirme Axiom : « C'est là qu'on apprend les inégalités, c'est là qu'on se fait des images sur ce que sont les gens des quartiers et ce que sont les gens qui ne sont pas des quartiers, par cette fameuse opposition entre pauvres et riches, automatique, territoriale, etc... On est vraiment dans un champ sémantique de la lutte des classes ! Les inégalités existent parce qu'elles se reproduisent, mais aujourd'hui, aucun programme d'aucun parti politique n'a l'ambition de faire disparaître ces inégalités. »

A moins que le lancement véritable de la campagne présidentielle, ces prochains mois, ne soit l'occasion pour certains partis politiques de prouver le contraire ?

N.E

(1). http://www.unisons.fr
(2). http://www.axiomfirst.com
(3). http://aclefeu.blogspot.com
(4). http://stoplecontroleaufacies.fr
(5). http://fr.reuters.com/article/idFRPAE7AL0FS20111122?pageNumber=1&virtua…
(6). Soulignons ici que le « think-tank » Terra Nova a constitué un groupe de réflexions dédié à la problématique des banlieues (http://www.tnova.fr/groupe-de-travail/banlieues). Ce groupe entend proposer des éléments de réponse à ces deux questions : « Comment favoriser l’émergence d’une citoyenneté urbaine, garante de l’accroissement de l’égalité des chances entre les individus ? De quelle manière doit s’organiser la ville de demain pour mettre fin à la ségrégation géographique et sociale au sein de nos territoires urbains ? »