Emeutes en Grèce.

Brasier dans l’hiver grec

Le 12 février, entre 80 000 et 160 000 personnes ont manifesté contre le vote du programme économique d’austérité en Grèce. En effet, une large majorité de députés grecs (199 sur 300) a adopté le mémorandum qui conditionne l’octroi d’une nouvelle tranche d’aide de 130 milliards d’euros, consenti par l’Union européenne.

La fièvre s’empare des rues d’Athènes, mais aussi de Salonique. Les manifestants sont réprimés à coups de gaz lacrymogènes. « Les députés s’apprêtent à voter des mesures qui vont conduire à la mort de la Grèce, mais le peuple ne va pas céder », s’est écrié le compositeur grec Mikis Theodorakis, qui s’est joint aux contestataires à Athènes.

Voilà que les marges de l’Europe se tiermondisent

En fait, la terminologie des années 50 a bien vieilli : où sont les trois mondes d’hier?

Voilà plutôt que les mondes anciens, que les continents se disloquent sous l’effet du nouvel ordre mondial qui s’annonce, un nouvel ordre dans lequel les capitalistes chinois, par exemple, peuvent s’offrir un bain de pied bénéfique dans la vieille Mare nostrum (en 2010, la Chine a signé un contrat de concession à 3,3 milliards d’euros dans le port du Pirée, ce qui fait de ce port la porte d’entrée de la Chine en Europe).

Les vieilles marges sud de l’Europe (Espagne, Portugal, Italie, Grèce), autrefois phares de la « civilisation » et/ou moteurs économiques du vieux monde, poursuivent leur irrémédiable déclin, ou plutôt continuent à sacrifier sur l’autel du capitalisme moderne, jusqu’ici triomphant et dont l’origine lointaine se trouve dans la Hollande, la France et l’Angleterre des XVIIe et XVIIIe siècles.

Le regard méditerranéo-centré est fasciné par les nouvelles réalités qui s’annoncent.

Voilà que la fracture séculaire qui sépare les rives nord et sud de la Méditerranée perd de plus en plus de son sens. L’idée du choc des civilisations, chère à Huntington, aussi séduisante peut-elle paraître à un certain « Occident » qui se sent assiégé, ne convainc plus autant.

Voilà plutôt qu’une solidarité nouvelle naît (du moins en idée), entre les deux rives de la Méditerranée, une solidarité d’endettés insolvables, de damnés de la Terre.

Quel sens a, désormais, le vieux clivage entre rive nord et rive sud de la Méditerranée, dans ce chaudron qui bouillonne à Athènes, au Caire, à Tunis ? Quel sens a ce clivage sous le regard des hyper-puissances d’aujourd’hui et de demain, des organismes financiers internationaux, des entreprises multinationales pour lesquelles les petits Etats-Nations sont, désormais, des cadres étroits à broyer dans le moulin d’une économie mondialisée ?

Le nivellement par le bas des conditions d’existence matérielle des laissés pour compte de la planète, de toute la planète, rend urgent l’usage de la propagande, par certains dirigeants occidentaux : il faut désigner un ennemi mortel (l’islam), parier sur l’affrontement des peuples, le choc des civilisations ; on croit se prémunir ainsi du déclin quasi irrémédiable du capitalisme occidental et de la «bête» populaire qui ronge ce dernier de l’intérieur.