Scène d'horreur ce matin au lycée Jean-Moulin de Béziers, dans l'Hérault

Souffrance au travail : une enseignante s'immole par le feu au lycée Jean-Moulin, à Béziers

Scène d'horreur ce jeudi matin au lycée Jean-Moulin de Béziers, dans l'Hérault, en Languedoc-Roussillon. Une enseignante en mathématiques âgée de 44 ans s'est immolée par le feu pendant la récréation.

« Elle avait annulé son cours de 9 h, explique Bernard Giraud, collègue de la victime. A 10h, elle est arrivée dans la cour, elle s'est cachée derrière un pilier et s'est aspergée d'essence. Des élèves ont remarqué que ça sentait l'essence et en ont parlé aux personnels du snack. Une agent est allée vérifier... Quand elle s'est retrouvée face à notre collègue, l'enseignante a fait prendre le feu avec un allume-gaz, avant de se diriger vers la cafet'. L'agent a fermé la porte du snack et tous ceux qui ont pu faire quelque chose ont essayé d'éteindre le feu avec ce qu'ils avaient sous la main ».

Loin de la Tunisie...

Brûlée au troisième degré, la victime a été transférée par hélicoptère vers l'hôpital Lapeyronie, à Montpellier. Son pronostic vital n'est pas engagé, selon le procureur de la République de Béziers, Patrick Mathé (1). Mais les conséquences de cet acte sont lourdes, très lourdes. Pour la victime et sa famille, comme pour tous les membres de cette importante cité scolaire qui seront durablement choqués par un tel acte. Un acte qui fait écho à la fois aux nombreux suicides sur le lieu de travail, comme dernier signe d'une souffrance morale, psychologique et professionnelle trop grande ; et à la fois à ce geste désespéré de Mohamed Bouazizi qui, en s'immolant par le feu, le 17 décembre 2010, à déclenché la révolution tunisienne et par répercussion, tout le Printemps arabe. C'est en vertu de ce double écho que Médiaterranée Languedoc-Roussillon doit préciser ici ce fait : l'enseignante en mathématiques qui s'est ce matin immolée par le feu porte un nom et une culture originaires du sud de la France...

« Nos premières pensées vont pour la victime, sa famille, ses proches, ses collègues, mais nous sommes très en colère, a déclaré aujourd'hui Julien Colet, secrétaire générale de l'Union locale Cgt de Montpellier, après avoir longtemps représenté les personnels enseignants au sein de la section Educ'Action 34. Le 4 octobre, nous avions alerté le Recteur Christian Philip sur la multiplication des situations de souffrances au travail. Mais comme d'habitude, il n'y a eu aucune réaction. Il n'y a pas longtemps encore une enseignante de Sète (Hérault, Ndlr) avait été rouée de coups, mais à côté de ça, les enseignants n'ont aucun suivi psychologique ! Il n'y a que trois médecins du travail pour 30 000 profs sur l'Académie de Montpellier ! ».

La "genèse" d'un "acte prémédité"

Une analyse que partage totalement Bernard Giraud, également syndiqué CGT à Educ'Action 34 : « C'était une personne qui avait des difficultés réelles dans son travail et dans sa vie, mais depuis longtemps et c'était connu de tous... Le gros problème, c'est qu'elle n'a bénéficié d'aucun support psychologique pour la soutenir, l'accompagner et l'aider à dépasser sa souffrance. On voit le résultat aujourd'hui : son acte était prémédité et elle l'a accompli sur son lieu de travail. La genèse de cet acte, c'est sûrement la réunion parents-profs qui s'est très mal passée pour elle le 4 octobre dernier ». Genèse, ou goutte d'eau qui fait déborder le vase...

En attendant une prise en compte de la souffrance des enseignants, la CGT Educ'Action 34 a appelé tous les enseignants héraultais à cesser le travail durant une heure, ce vendredi. De 9h à 10h. Au même moment où la direction du lycée Jean Moulin invitait les membres de l'établissement à participer à une réunion de soutien psychologique, au lendemain du passage express du ministre de l’Éducation Luc Chatel et du Préfet de l'Hérault Claude Baland...

N.E

(1). La victime est décédée ce vendredi des suites de ses blessures. Une marche blanche sera organisée lundi, à 14h, au départ de l'établissement, où les cours n'ont pas repris. Les enseignants se réservent le droit d'utiliser leur droit de retrait, la semaine prochaine.