Manifestation à Chefchaouen, le dimanche 2011 (Photo: Nadia Bendjilali)

Maroc : pas de pause pendant le ramadan, la rue est un acteur politique tenace

Un mois après le « oui » massif des marocains au référendum constitutionnel du 1er juillet, le Mouvement du 20 février poursuit avec assiduité ses défilés dans les rues du Maroc. Pas de pause donc pour le ramadan dans la confrontation avec le mastodonte du Makhzen.
Les chiffres de la dernière participation au référendum sur la nouvelle Constitution laissent songeurs : 73,46% des électeurs se sont rendus aux urnes et parmi eux plus de 98% ont voté en faveur de la Constitution. Ce résultat apparaît en Europe comme un grand « oui » du peuple à un changement majeur : « le peuple marocain a pris une décision claire et historique à l'occasion d'une campagne référendaire transparente », déclare Alain Juppé, Ministre d’État en France, Ministre des Affaires étrangères et européennes, dans un communiqué en date du 2 juillet 2011. Reste que, justement, ces chiffres laissent perplexes, quand on connaît la réalité marocaine : ruralité importante, taux d’analphabètes record dans les campagnes de surcroit berbérophones (et ne suivant surement pas les informations en langue arabe). Quant à la campagne référendaire, il est à noter que la propagande pour le « oui » y a été, elle justement, « historique » : on ne compte plus les prêches des imams en faveur de la nouvelle constitution, les recommandations données à tous les échelons du pouvoir à la population, les porte à porte organisés, les affichettes à tous les coins de rue, la domination des médias par l’Etat, sans compter le roi lui-même qui avait annoncé, lors de son discours du 17 juin dernier, son choix de voter « oui ». En somme, peu de gages qui annonceraient une transition démocratique dans le royaume chérifien. Des milliers de personnes continuent donc à réclamer des réformes profondes dans le pays.
C’est ainsi que, malgré le mois de jeûne du ramadan, les protestataires s’obstinent à tenir le pavé dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat et Tanger mais aussi dans des bourgades plus reculées. Ce samedi 6 août, après la prière des tarawih (prières spécifiques exécutées pendant la période du ramadan), une des places du centre-ville de Tétouan a rassemblé les participants à la marche hebdomadaire de contestation, cependant que sur une place contiguë, un concert de musiques andalouses était offert à l’occasion des nuits du ramadan par les autorités. Des centaines de manifestants marchant et scandant des slogans sur les thèmes de la monarchie parlementaire, de la justice sociale et de la corruption. Même scénario, le lendemain, dans le cœur touristique de Chefchaouen. La place Utah est à cette charmante cité ce qu’est la Place Jemaâ El Fna à Marrakech (toutes proportions gardées) : face à la Grande Mosquée les manifestants entament la soirée de contestation. Ils sont à peine une centaine mais on n’entend qu’eux dans toute la cité tellement ils occupent l’espace sonore en frappant dans leur mains. Le plus gros du cortège est constitué de jeunes hommes, mais il y a également des femmes, plus discrètes, des familles avec enfants et des personnes plus âgées. Des banderoles et des portraits portés à bout de bras, des slogans lancés à tue-tête, des porte-voix et micros, les organisateurs ont prévu toute la panoplie d’un mouvement qui veut faire entendre la voix du peuple, y compris le matériel pour diffuser des captations vidéo sur la toile et la présence de photographes attitrés. « Il y a des touristes, ça ne se fait pas de leur gâcher leur soirée ! » Peste un hôtelier, en regardant le cortège passer. « D’ailleurs pourquoi continuent-ils puisque le roi a parlé et a proposé la nouvelle constitution ? » Un des organisateurs répond à cette question, en ces termes : «  Nous continuerons chaque dimanche jusqu’à ce que les réformes démocratiques soient réelles et qu’il y ait une vraie justice sociale ! ». Le Mouvement du 20 février veille donc et la contestation se fera entendre tous les week-ends du ramadan.