Le produit ajouté aux canons à eau serait du Jenix, un gaz poivré, corrosif pour la peau. (D R)

En Turquie, les canons à eau propagent-ils un produit chimique ?

De nombreux témoignages l’avaient signalé, des photos semblent le confirmer : la police turque ajoute un produit chimique à l’eau des canons pour faire fuir les manifestants anti-Erdogan. 

Depuis le 31 mai, la Turquie est secouée par une révolte populaire sans précédent. Au départ, c’est un projet d’aménagement urbain sur un espace vert d’Istanbul, le parc Gezi, qui a déclenché le soulèvement. 

Peu à peu, le mouvement de résistance citoyenne s’est transformé en véritable fronde contre le pouvoir en place. Les manifestations se sont d’abord répandues à Istanbul, puis ont gagné d’autres villes du pays. 

Débordé par ce soulèvement d’une grande ampleur, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont les manifestants réclament le départ, a donné un violent coup d’accélérateur à la répression durant le week-end dernier. 

La place Taksim, à Istanbul, et le parc Gezi, ont été évacués sans ménagement dans la nuit de samedi à dimanche. Lors de cette intervention, des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc ont été utilisés contre les manifestants. 

Selon plusieurs témoignages, les victimes de jets d’eau des canons ont été atteints de graves blessures, notamment de profondes brûlures de la peau. 

 

Un produit corrosif, disent les manifestants

Claudia Roth, la co-présidente des Verts allemands, était présente à Istanbul durant le week-end. Elle a décrit dans une interview à Arte, la violence de la répression dans la nuit de samedi. 

Des canons à eau étaient aussi déployés et apparemment ils avaient des produits chimiques dans leurs réservoirs. J'ai vu des blessures et des brûlures de la peau terribles”, indique-t-elle notamment dans cet entretien publié lundi. 

Les rumeurs concernant l’ajout d’un produit chimique à l’eau des canons étaient déjà répandues. Des photos, reprises par la presse turque et internationale,  semblent confirmer que cette technique est bel et bien employée par les autorités turques. 

Sur ces photos, on observe un policier turc en train de déverser un produit, le Jenix, dans le réservoir d’un canon à eau. Le Jenix est un gaz poivré, fabriqué à Istanbul, dont l’utilisation est réservée à l’armée et aux autorités publiques. 

L’aspersion d’eau contenant ce produit provoquerait un effet corrosif intense sur la peau et entraînerait des brûlures paralysantes pendant plusieurs heures. Sur le site de LCI, un spécialiste en toxicologie interrogé, ne classe toutefois pas le Jenix parmi les armes chimiques. 

Pourtant, toujours sur le même site, plusieurs témoignages décrivent l’apparition de plaques rouges sur leur peau, et les douleurs violentes causées par un certain “liquide jaune”.

 

Un médicament, disent les autorités...

L’eau jaillie des canons portait en effet cette couleur jaunâtre, le gouverneur d’Istanbul a même été contraint de le reconnaître. Il a cependant nié que des produits chimiques aient été ajoutés à l’eau. Et pour expliquer la teinte du liquide, il a prétendu que c’est un médicament dilué à l’eau qui lui donnait cette couleur : 

Vous avez sûrement remarqué la couleur de l'eau pulvérisée, qui est légèrement plus foncée. En fait, il s'agit d'une eau médicamenteuse. Mais elle ne contient aucun produit chimique".

Un argument difficilement crédible... Depuis quelques semaines, la communauté internationale se mobilise et s’apprête à réagir contre Bachar al-Assad, soupçonné d’user d’armes chimiques contre le peuple syrien. Il est inconcevable que dans la Turquie voisine, des méthodes similaires - certes, dans une moindre mesure - soient employées. 

Ce qui n’est pas acceptable dans une dictature l’est encore moins dans un pays qui se réclame de la démocratie.