les personnalités qui font pression pour un 4ème mandat prennent une lourde responsabilité... (DR)

Algérie: la dure bataille d'Amira Bouraoui pour la Démocratie (Interview)

Amira Bouaraoui, 38 ans, médecin spécialiste, est la porte-parole du Mouvement Barakat ! (ça suffit) en première ligne de l’opposition au 4ème mandat de Bouteflika. Les partisans de ce rassemblement « national, citoyen, pacifique, autonome et non partisan », enchaînent les journées d’action malgré une dure répression.

Quel est, concrètement, l’objectif du mouvement « Barakat » ?

Nous luttons pour que le pays ne soit pas victime d’une orchestration, d’une mascarade d’élection présidentielle pour un 4ème mandat de Bouteflika, un président âgé et très malade que l’on veut imposer à tout prix, sans campagne, sans programme, et donc pour des raisons pour le moins suspectes.

Le dossier de candidature déposé au Conseil Constitutionnel ne serait donc pas en règle…

Oui, absolument… Nous avons d’ailleurs entrepris une démarche auprès du président du Conseil, demandant le rejet de cette candidature, sans nous faire d’illusion. Nous sommes convaincus que le dossier comprend un certificat médical de complaisance attestant que Bouteflika est en capacité physique et mentale d’exercer le pouvoir, ce qui est complètement faux. Les Algériens le constatent depuis son dernier discours prononcé en mai 2012, il reconnaissait alors que sa génération est à bout de souffle, et laissait entendre que le temps était venu de passer le flambeau.

S’agit-il alors d’un abus de faiblesse, Bouteflika serait poussé à se présenter ?

Oui, on peut même parler de maltraitance d’une personne âgée et malade par des groupes de pression, des clans, des réseaux qui ont tout intérêt à sa reconduction à la tête de l’Etat quel qu’en soit le prix pour le pays.

Il se dit, et notamment de la part de ministres en exercice, que le mouvement Barakat agit seulement dans la capitale, qu’il ne prend pas dans le reste du pays…

Ceci est complètement faux, le mouvement est en cours de structuration à travers de nombreuses wilayates (départements), nous sommes sollicités de toutes les régions du territoire national. Partout, les relais se constituent et les citoyens qui nous rejoignent sont à l’écoute des instructions et des consignes pour mener des actions. D’aucuns, parmi les responsables de parti qui soutiennent le 4ème mandat, affirment aussi que nous sommes très peu nombreux à nous mobiliser au cœur d’Alger… Pourquoi alors se livrer à un déploiement impressionnant de forces de police bien équipées, par centaines, en uniforme et en civil, qui investissent les lieux des heures avant notre arrivée ?

S’agissant de la répression justement, comme les manifestants interpellés sont-ils traités dans les commissariats ?

Pour ce que j’ai pu constater personnellement et selon ce que rapportent de nombreuses personnes embarquées violement dans des fourgons au moindre signe de rassemblement, l’accueil est plutôt correct dans les commissariats, les fonctionnaires de police se montrent respectueux. Certains d’entre eux laissent clairement entendre que n’étaient l’uniforme et le devoir de réserve, ils se seraient ouvertement exprimés pour dénoncer la situation imposée au pays. Nous faisons chaque jour le constat que de nombreux algériens partagent ce que le mouvement Barakat dit tout haut.

Dans le cas, plus que probable, de l’élection de Bouteflika dès le premier tour le 17 avril, comment envisagez-vous la suite de vos actions ?

Disons avant tout que le Mouvement Barakat fera tout ce qui est possible pour que les élections n’aient pas lieu. Nous intensifieront nos actions quels que soient les blocages et la férocité de la répression. On ne le dira jamais assez, ce quatrième mandat est un affront au peuple algérien. Les personnalités qui font pression dans ce sens prennent une lourde responsabilité. Les algériens ont compris que l’objectif est seulement de préserver des intérêts, que le sort du pays passe au second plan. A force d’ignorer les appels de la société civile, ces personnalités font courir au pays de grands dangers, de nouveaux risques de déchirements, or l’Algérie a assez payé.

La sortie de crise que vous proposez est formulée en terme politique, il est question d’une période de transition gérée par les « forces vives », de qui s’agit-il ?

Les forces vives sont à nos yeux les personnalités qui n’ont pas trempé dans les affaires de corruption, celles qui n’ont pas détourné des milliards. Nous sommes convaincus qu’une dynamique de rassemblement citoyen peut créer les conditions d’une transition pacifique ayant pour objectif l’adoption d’une Constitution fondée sur des valeurs universelles de libertés, de tolérance et de justice sociale.