Avec son keffieh sur les épaules, Mohammad Assaf a conquis le jury et le public de “Arab Idol”. (D R)

Mohammad Assaf, jeune Palestinien de Gaza, est devenu “Arab Idol”

Samedi soir, Mohammad Assaf, Gazaoui de 23 ans a remporté le concours télévisé de chant arabe “Arab Idol”. Sa victoire a déclenché des scènes de liesse à travers toute la Palestine. 

L’émission “Arab Idol” - calquée sur le concept anglais “Pop Idol”, adapté depuis en “American Idol”, aux USA, ou “Nouvelle Star” en France - existe depuis bientôt deux ans dans le monde arabe. 

Diffusée par la chaîne Middle East Broadcasting (MBC), le programme, enregistré à Beyrouth, fait un carton tous les vendredis et samedis soir. Dans l’ensemble du monde arabe, plusieurs millions de téléspectateurs se pressent chaque semaine pour assister au show bien rôdé. 

Les candidats peuvent venir de différents pays, l’essentiel pour eux étant de chanter en arabe. Peu importe ensuite si les concurrents s’expriment dans leurs dialectes, ou avec un accent prononcé. Ce n’est pas cela qui déterminera le choix du jury. Ce qui compte avant tout, c’est la qualité de leur voix. 

Cette saison, un jeune Syrien, Abdel Karim Hamdan, après avoir quitté son pays, a rejoint le Liban et a participé à l’émission. Avec une chanson qu’il a lui-même composée "Alep, source de douleur", il a bouleversé les téléspectateurs et les internautes. 

Son hymne à la paix a été visionné plus de 6 millions de fois sur You Tube (voir la vidéo ci-dessous), et a suscité un grand enthousiasme, mais aussi de l’hostilité sur les réseaux sociaux, signe qu’au-delà de la performance artistique, le programme porte une dimension politique.

 

Mais malgré son grand succès populaire, ce n’est pas Abdel Karim Hamdan qui a concouru en finale ce week-end. Les trois candidats étaient une autre Syrienne, un Egyptien, et le Palestinien, futur vainqueur, Mohammad Assaf. 

 

“Brandis le keffieh”

Dans toute la Palestine, la prestation du finaliste était attendue avec frénésie. Les internautes étaient mobilisés sur les réseaux sociaux pour faire triompher leur idole. 

Jusqu’au président Mahmoud Abbas, qui a téléphoné à Mohammad Assaf avant l’émission pour l’encourager. Le ministre des Affaires religieuses, Mahmoud al-Habbache, a même désavoué le mufti de Naplouse, qui avait considéré l’émission et le fait de voter pour l’un de ses candidats, contraires à l’islam. 

De nombreux Palestiniens ne se sont d'ailleurs pas privés d’apporter leur voix à celui qui les a enchantés avec la sienne. 

Pour son dernier passage télévisé, Mohammad Assaf a conquis le jury et l’audience avec une chanson patriotique palestinienne “Ally el-Kofiya” ("Brandis le keffieh"). 

Avec un keffieh, ce foulard palestinien traditionnel, posé sur les épaules, le jeune Gazaoui a fait sonner sa superbe voix et déclenché l’enthousiasme du jury et du public présent dans le studio télé (voir la vidéo au bas de l'article).

Et dans les rues de Palestine, sitôt sa victoire annoncée, samedi soir, des milliers de personnes ont investi les rues au son des klaxons et des pétards. 

A Ramallah, Gaza, ou Jérusalem-Est, une foule immense a célébré la victoire de Mohammad Assaf comme un symbole d’une fierté retrouvée (voir la vidéo ci-dessous).

 

 

Dimension symbolique et politique

Une fois les résultats proclamés, Mohammad Assaf a brandi le drapeau palestinien devant les caméras de télévision, amplifiant la dimension symbolique, mais aussi politique, de son succès. 

Quelques représentants du Hamas, dans l'ensemble plutôt réticent au phénomène “Arab Idol”, ont rejoint la ferveur naissante. Yehia Moussa, député du Hamas à Gaza, a parlé sur sa page Facebook de Mohammad Assaf comme "une étoile palestinienne prometteuse qui représente la Palestine et son peuple endurant. Il est l'ambassadeur d'une juste cause."

Israël s’est même joint au concert de louanges, en apportant sa touche diplomatique par l’intermédiaire du porte-parole en arabe de l’armée israélienne, qui a félicité le jeune Gazaoui - maintenu sous blocus par cette même armée - sur son compte Twitter en arabe. 

Point d’orgue de cette dimension politique, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNWRA), a annoncé, dès sa victoire connue, qu’elle nommait Mohammad Assaf comme son premier ambassadeur pour la jeunesse dans la région.

Mais passée cette parenthèse de liesse et de fête populaire, la Palestine reviendra vite aux préoccupations premières. Le quotidien des Palestiniens reste des plus précaires, sans perspective de reprise du processus de paix avec Israël. 

Et politiquement, le lendemain même de la victoire de Mohammad Assaf, l’Autorité palestinienne entérinait la démission de Rami Hamdallah, le Premier ministre, nommé il y a à peine trois semaines.

 

Voir ici la prestation de Mohamed Assaf lors de la finale de "Arab Idol" :