Les révolutions arabes impactent fortement les décisions d’investissement

Les IDE : tour d'horizon après les révolutions dans les pays arabes

Sans surprise, les soulèvements populaires de ces derniers mois ont fait fuir les investissements directs dans les pays arabes. L’effet dissuasif des révolutions dont fait état le bilan de l’observatoire Anima montre une baisse conséquente du nombre de projets pour la Tunisie, l’Egypte, et la Libye.

Les principaux bénéficiaires sont les pays du bassin qui continuent à connaitre une relative stabilité : Algérie (dans une moindre mesure), le Maroc, et surtout la Turquie et Israël (vers lesquels les fonds continuent à affluer).

Forte baisse des intentions d’investissement enregistrée dès le premier semestre 2011

La tendance a la reprise des investissements enregistrée en 2010 s’est vite inversée dès le premier semestre 2011 avec une diminution de 23 % des intentions d’investissement entre les premiers semestre de ces deux années (2010-2011), selon l’Observatoire ANIMA-MIPO. Ce dernier n’a recensé que 322 projets au cours des six premiers mois 2011, contre 838 au total en 2010. Malgré tout, on note une hausse des montants des investissements annoncés au cours du premier semestre 2011 (15,2 milliards d’euros) par rapport à la même période en 2010 (14,5 milliards)

Tunisie : une transition difficile avec en prime une récession

La révolution spontanée, sans cadre idéologique, a permis au pays de mettre fin à une dictature qui aura duré 23 ans. Cependant, la transition a un coût en terme de flux de capitaux, avec une baisse, au terme des huit premiers mois 2011, de 24,8% à 555 millions d'euros, contre 738 millions d'euros durant la même période de 2010.

Le pays est en récession pour le second trimestre de cette année 2011 et un -2 % attendu pour le 3ème trimestre. Malgré quelques signes encourageants (opérations d'extension d'entreprises étrangères, prises de participation dans le secteur manufacturier), le pays reste dans un besoin urgent et continu de la communauté internationale pour éviter l'enlisement dans la récession économique.

Les principaux investisseurs, durant les 8 premiers mois de l'année 2011, ont été la France (40 entreprises), l'Italie (36), l'Allemagne (5) et la Belgique.

Egypte : Gel des IDE à la chute de Moubarak mais la reprise est déjà là..

La mutation majeure entamée par l'Egypte a eu pour conséquence le quasi-gel des IDE durant les mois qui ont suivi la révolution. Ce qui semblait compter de prime abord relevait du politique.Pourtant, les véritables enjeux de la transition en Egypte se concentrent dans l'économie.

Du temps de Moubarak, les IDE représentaient environ le tiers du PIB (produit interieur brute). Ils étaient vigoureusement soutenus par un programme de privatisation et de relocalisation des fonds arabes.

Les forts relais de croissance en Égypte ont permis au pays de disposer de réserves de change pour faire face à la fuite des investisseurs durant ces mois de révolution. Les opportunités que représentent certains secteurs (énergie, les transports, les infrastructures, l’agroalimentaire, la distribution, la banque, le tourisme, l’industrie et les TIC), ont permis le un retour relatif des IDE dans le pays depuis le mois de juin 2011, selon l’Observatoire ANIMA-MIPO .

Durant le règne de Moubarak, la croissance était fragile et surtout inégalitaire. Elle n'a pas permis l'éradication de la pauvreté (plus de la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour). Le réel défi que doit désormais relever le pays est l'éradication des problèmes sociaux qui sont l'origine de la crise politique.

La Libye : le nouvel Eldorado

Le soulèvement déclenché dans le sillage de ceux qui sont survenus à Tunis et au Caire a stoppé net les investissements étrangers dans le pays.

Le dernier IDE enregistré est celui de la prise de participation de la Qatar National Bank (QNB) dans la Banque libyenne du commerce et du développement. Depuis, aucun investissement n'a été détecté dans le pays. Pourtant de nombreux pays étrangers se placent sur la ligne de départ. Avant même la fin du conflit, une bataille de positionnement stratégique entre les puissances occidentales s'est engagée.

Les opportunités ne manqueront pas dans ce pays qui dispose des plus grandes réserves de pétrole du continent (exploitable à des coût très bas étant donné sa qualité). La reconnaissance du nouveau gouvernement envers les nations étrangères qui l'ont aidé à mettre fin au régime de Kadhafi laisse présager un retour rapide et massif des investissements étrangers dans le pays pour sa reconstruction. De quoi redynamiser quelques économies en déclin dans le vieux continent.

L'Algérie : Après une année médiocre, le pays reste stable.

Suite à une année 2010 qualifiée de médiocre, les investissements restent stables en 2011...la vague de révolte n'a fait qu'effleurer le pays au début de cette année 2011. Le gouvernement en place a su couper court aux protestations liées au coût de la vie en soutenant les prix de certains produits alimentaires, grâce notamment aux pétrodollars dont regorge le pays.

L'Algérie a donc bénéficié d'une certaine stabilité, malgré les protestations sporadiques que l'on observe dans quelques villes, mais elle n'a pas crée une dynamique suffisante pour attirer davantage d'investisseurs.

Deux grands projets ont permis le maintien de la tendance : Dounya Park de l’Emirati EIIC après avoir reçu les autorisations, ainsi que le projet d’investissement devant être engagé par ArcelorMittal dans le complexe d’El Hadjar.

Le Maroc a conservé la confiance des investisseurs

Le pays reste une valeur sure du point de vue des investisseurs. Il a su attirer davantage de capitaux, et le nombre d'annonces d'IDE a clairement progressé durant le premier semestre 2011 (+ 23 % par rapport à la même période en 2010).

Cette tendance confirme donc " la dynamique plutôt encourageante enregistrée en 2010 ", selon l'observatoire ANIMA-MIPO . Près de 60 projets d'IDE ont été annoncés au Maroc à la fin juin 2011, contre 48 durant la même période de l'année précédente. Cependant, les montants des IDE annoncés restent bien en deçà des niveaux avant crise, avec des montants atteignant à peine les 500 millions d'euros entre le 1er Janvier et le 30 Juin 2011.

Israël et la Turquie tirent leur épingle du jeu

Les révolutions du printemps arabe ont incontestablement profité aux deux pays qui "se taillent la part du lion" en attirant à eux deux plus de 60 % des montants annoncés dans la région méditerranéenne au premier semestre 2011.

L’attractivité de ces pays n'a cessé de se confirmer au fil des années. Ils devenaient de plus en plus la cible d’opérations de grande envergure en terme de projets. La tendance s'est donc confirmée au premier semestre de cette année.

Malgré l'élan de sympathie envers les peuples révolutionnaires et les appels au soutien pour la construction de systèmes démocratiques, la réalité économique finit toujours par l'emporter. Les investisseurs recherchent d'abord la stabilité politique dans un pays.

Ce fameux "soutien" économique ne se fera sûrement pas de manière massive, ni gratuite. D'ailleurs, les agences de notations (qui orientent les fonds des investisseurs) n'ont pas manqué de rabaisser la note de la Tunisie, par exemple, à BBB- avec une perspective négative, augmentant ainsi les taux d’intérêts applicables au pays lorsqu'il emprunte.

Dans ces conditions, un défi de taille attend les pays révolutionnaires : réaliser une transition réussie vers la démocratie tout en évitant un effondrement de l'économie qui ferait inévitablement dérailler le processus révolutionnaire vers le chaos.

source des données : http://www.animaweb.org/