L'histoire de la droite française commence le 28 août 1789 dans la salle "Des menus plaisirs". (DR)

1789, Les conservateurs choisissent la droite

La droite française, qui tient le haut du pavé depuis la création de la Cinquième République, est en état de décomposition avancée. Tout en prétendant le contraire, elle tente de se recomposer avec le Front National rebaptisé "Nouvelle droite" par Gilbert Collard, l'avocat ultra-médiatique devenu candidat FN à l'élection législative dans le gard, en Languedoc-Roussillon. La droite, c'est toute une histoire et des hommes passerelles. C'est ce que nous allons démontrer dans les trois épisodes de notre saga : "Composition et recomposition d'une droite en décomposition".

L'histoire de la droite française commence le 28 août 1789 dans la salle "Des menus plaisirs", ça ne s'invente pas ! Réunis là, les délégués aux Etats Généraux doivent décider si Louis XVI doit garder ou non son droit de véto. Les "Pour" se placent à la droite du Président de l'assemblée et les "Contre" à sa gauche.

La question du veto n'est pas innocente et marque toute l'histoire de la droite jusqu'à aujourd'hui. Si le Roi perd son véto, les Etats Généraux donnent le pouvoir aux représentants du peuple, après dix siècles de monarchie absolue. Une vraie révolution. S'il le garde, Louis XVI préserve ses réels pouvoirs politiques et ce n'est plus du tout une révolution. Il ne s'agit donc pas d'une banale divergence politique, mais de la naissance du clivage entre la droite conservatrice, qui veut le maintien de l'ordre établi, et la gauche révolutionnaire, qui exige son abolition.

Le clivage qui va s'inscrire dans le temps pose une nouvelle définition de la place et du rôle de Dieu, de la religion et de tous les individus (pas seulement le roi), dans la société. Le débat sur l'identité chrétienne de la France, la place et le rôle des instances démocratiques (assemblées élues, syndicats, associations, etc.) n'a toujours pas été tranché. La droite est tenace et la gauche ne lâche rien.

Ce n'est qu'en 1924 que l'extrême droite apparaît au grand jour dans le paysage politique. Jusqu'à cette année-là, la droite dure se manifestait à travers des courants politiques comme les légitimistes ou les traditionalistes, très conservateurs, bonapartistes pour tout dire. A contrario, l'extrême droite de ce début du 20ème siècle s'en démarque. Elle se veut à tendance populaire et populiste, volontiers révolutionnaire, centralisatrice, anti-libérale, anti-capitaliste et anti-bourgeoise. Elle se fonde sur une base militante solide, peu respectueuse des institutions. Ses deux "mamelles" sont le pouvoir personnel autoritaire et la mystique de l'appel au peuple.

Le retour à un ordre moral

Elle manifeste un patriotisme tonitruant, le culte des anciens combattants de "La grande guerre", une phobie du parlementarisme. Elle a une horreur absolue du désordre et des communistes. Elle a le culte de la jeunesse saine, de l'aventure et de la force. Et surtout, le culte du Chef. Dans les années 1930, ce bloc n'est pas homogène. On y compte six groupes : Le faisceau de Georges Valois, Les jeunes patriotes de Pierre Taittinger, Le Parti françiste de Marcel Bucard, La Solidarité française du Commandant Jean Renaud, Les Croix de feu du Colonnel Laroque et Le Parti Populaire Français de Jacques Doriot. La division conduira ces organisations à l'échec dans leur tentative de "coup d'Etat fasciste" du 6 février 1934. Par contre coup, elle favorise l'union de la gauche et l'éclosion du Front Populaire au printemps 1936.

Pendant six ans, l'extrême droite ronge son frein. Scrutant l'ampleur de la crise économique, le désastre du chômage, l'incapacité des gouvernements à répondre aux besoins des Françaises et des Français, elle attend son heure. Ce sera en juin 1940. Les parlementaires, sonnés par la défaite, votent les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Les tenants de la Révolution nationale prennent les rênes du pouvoir. Ils désignent immédiatement les responsables de la débâcle. Ce ne sont pas les généraux incompétents et l'armée, mais les chefs de partis et les ministres qui ne l'ont pas prévue, les grévistes, les syndicats, les partisans du Front populaire, les socialistes, les radicaux, les communistes, l'école laïque, la franc-maçonnerie et les juifs.

Le Maréchal Pétain fait don de sa personne à la France et installe son pouvoir à Vichy. C'est la revanche de la droite, battue par l'Histoire en 1936, des frustrés de la République, des aigris du suffrage universel. Cette droite prône le retour à un ordre moral, officiellement sanctifié par l'église catholique, à une société traditionaliste, corporatiste. Elle exalte la famille nombreuse sous le règne du patriarcat. Le divorce est quasi impossible et l'avortement sévèrement puni, la femme est priée de rester au foyer.

Elle glorifie le Chef en remplaçant "La Marseillaise" par "Maréchal, nous voilà !" et substitue la devise "Travail, Famille, Patrie" au triptyque de la République "Liberté, Egalité, Fraternité". Le glas du parlementarisme a sonné, seul le Chef de l'Etat français décide pour tous. Les syndicats sont dissous, la grève est interdite, les libertés individuelles sont bafouées. Le Régime de Vichy finira dans la débâcle des troupes nazies. L'extrême droite retombe, temporairement, dans les oubliettes de l'histoire...

A lire, également sur Médiaterranée, les deuxième et troisième épisodes de notre saga : "Composition et recomposition d'une droite en décomposition".

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