La chute de Dien Bien Phu et le commencement de la fin de l'Empire colonial français... (DR)

Le coup d'Etat permanent

La droite française, qui tient le haut du pavé depuis la création de la Cinquième République, est en état de décomposition avancée. Elle tente de se recomposer avec le Front National rebaptisé "Nouvelle droite".

Sous la Quatrième République, les crises ministérielles succèdent aux crises ministérielles. C'est la chute de Dien Bien Phu, le commencement de la fin de l'Empire colonial français. Pendant ce temps, la droite conservatrice se caractérise par une allergie aux coups de gueules, aux violences verbales et aux mouvements de foule. Elle aime le "juste milieu" et se réclame de "la majorité silencieuse". L'extrême droite de la capitulation et de la collaboration avec les Nazis se fait oublier.

Elle réapparaît en 1953. Elle a un visage, une voix et un nom : Pierre Poujade. Il anime "l'Union de Défense des Commerçants et Artisans" (UDCA), menant la bagarre contre le fisc dans un village du Lot, Saint-Céré où il est papetier. En 1956, le mouvement syndical crée sa version politique "Union et Fraternité Française" (UFF). Aux élections législatives cette année-là, le nouveau parti de Pierre Poujade obtient 2,5 millions de voix et 52 députés, dont un jeune homme de 27 ans : Jean-Marie Le Pen.

Avec le poujadisme nous retrouvons les vieux fondamentaux du populisme : rébellion corporatiste (commerçants et artisans) érigée en vision du monde, révolte contre les « gros », (le fisc, les notables, les fonctionnaires) et le rejet des intellectuels au nom du "bon sens populaire" et des "petites gens". Volontiers anti-parlementariste, ce parti utilise l'Assemblée Nationale pour faire entendre sa voix. Déjà xénophobe, il rameute tous les adversaires de la démocratie et de la République. L'alliance entre Pierre Poujade et Jean-Marie Le Pen ne durera pas longtemps. Ce dernier a des ambitions démesurées pour sa propre carrière. Rapidement, il est exclu de l'UFF. Son but est de devenir le leader de l'extrême droite française.

De l'OAS au FN...

Entre temps, éclatent les événements d'Algérie et la fameuse manifestation du 13 mai 1958. Rétiré à Colombey-les-Deux-Eglises, le Général De Gaulle fait plus qu'attendre son heure, il trame patiemment son coup d'Etat démocratique. Ses hommes manipulent l'extrême droite à Alger pour accélérer son retour aux affaires. Léon Delbecque est chargé par Jacques Chaban-Delmas de pousser les ultras d'Alger à l'insurrection tout en les contrôlant.

Lors du putsch du 13 mai 1958, il pousse à la création du Comité de salut public, présidé par le Général Massu afin de calmer les ardeurs "révolutionnaires" de l'extrême droite emmenée par Pierre Lagaillarde, avocat et député qui animera "la semaine des barricades" en 1960 et Joseph Ortiz "Joey", cafetier, tous deux poujadistes. Ils seront les fondateurs de l'Organisation Armée Secrète (OAS) avec Jean-Jacques Susini, qu'on retrouvera candidat du FN aux élections législatives de 1997 à Marseille, où il sera battu par le communiste Guy Hermier.

Une fois au pouvoir, Charles De Gaulle siffle la fin de la récréation et remet au placard l'extrême droite. Michel Debré lui taille une Constitution sur mesure : une monarchie républicaine. C'est une droite nationaliste, sociale et chrétienne qui accède au pouvoir.

Pendant plus de vingt ans, l'extrême-droite est une constellation de nano-groupuscules. En 1972, sur les cendres du mouvement fasciste "Ordre Nouveau", Jean-Marie créera le Front National pour l'Unité Française (FNUF). Ce n'est pas sans rappeler le Front National Français fondé par Joseph Ortiz à Alger. Son parti plafonnera à 0,74 % des suffrages à chaque élection. Les cadres du mouvement passent avec armes et bagages au RPR. Jusqu'aux élections cantonales de 1982 où le candidat du Front National, Jean-Pierre Stirbois, crée la surprise en obtenant 12,6 % à Dreux.

En 1984, Le Front national obtient près de 11% des voix et dix sièges de députés. A la faveur des élections législatives à la proportionnelle, le 16 mars 1986, le Front national fait entrer 35 députés à l'Assemblée nationale. Depuis, avec des hauts et des bas, le FN ne cesse d'accroître son influence, surfant sur les thématiques habituelles de l'extrême droite : ni de droite, ni de gauche, haine des élites et des intellectuels, anti-parlementarisme, exaltation du patriotisme et rejet des étrangers (préférence nationale), défense des "invisibles" (les petites gens de Pierre Poujade) ... Bien que la guerre froide se soit congelée sous les décombres du mur de Berlin, le FN est toujours aussi horrifié par les communistes. C'est un anti-communisme primal, qu'il a en commun avec l'UMP. Il est fondé sur le dogme libéral de l'individualisme, la défense de la propriété privé, des moyens de production et sur l'identité chrétienne de la France.

Les droites contemporaines reviennent à la case départ : la question de la place de la religion et de Dieu dans la société, posée en 1789 à propos du droit de véto de Louis XVI.

A lire, également sur Médiaterranée, le premier et le dernier épisode de notre saga : "Composition et recomposition d'une droite en décomposition".

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