Cécile Kyenge s’efforce de faire face avec beaucoup de dignité à tous les assauts racistes qu’elle doit subir. (D R)

Italie : La ministre noire Cécile Kyenge, de nouveau victime d’actes racistes

A peine trois mois après sa nomination, la première ministre noire italienne a encore une fois été victime d’attaques racistes. Comme certains le font parfois dans les stades, des individus lui ont jeté des bananes. 

En Italie, décidément, la peau couleur noire continue de provoquer les relents racistes les plus dégradants. Le pays n’a certes pas le monopole de la bêtise en ce domaine, mais force est de constater que les voisins transalpins savent se faire remarquer sur ce terrain. 

Les cris de singes et les lancers de bananes étaient déjà fréquents dans les enceintes de football, envers les joueurs africains, ou d’origine africaine. Les insultes également.  

En mai dernier, Mario Balotelli, l’attaquant italien du Milan AC, avait été la cible de chants racistes entonnés par des supporters de l’AS Rome. Le fait que Balotelli soit un des piliers de l’équipe nationale n’avait pas empêché quelques Romains de s’en prendre à lui. 

Ce jour-là, l’arbitre avait dû interrompre la rencontre durant quelques minutes. Balotelli avait alors menacé de quitter le terrain. Quelques semaines plus tôt, son coéquipier du Milan, le Ghanéen Kevin-Prince Boateng, avait effectivement quitté la pelouse après une énième salve raciste, lors d’un match amical. Cette fois, la rencontre n’avait pas repris.

 

“Guenon”, “orang-outan”, et bananes

Parmi les insultes proférées dans ces circonstances, le fait d’assimiler les noirs à des singes est devenue monnaie courante. La ministre Cécile Kyenge l’a encore expérimenté à ses dépens en fin de semaine dernière. 

Alors qu’elle tenait un discours à Cervia, dans le centre de l’Italie, des militants d’extrême-droite du groupe Forza Nuova (Force Nouvelle) ont fait irruption. Ils ont d’abord déposé au sol des mannequins recouverts de faux sang, en distribuant des tracts où figurait le slogan “L’immigration tue”.

Puis des bananes ont été jetées vers l’estrade où s’exprimait Mme Kyenge, sans toutefois l’atteindre. La ministre a réagi avec dignité et philosophie. Sur son compte Twitter elle déplorait : “Avec les gens qui meurent de faim et la crise, gaspiller comme ça de la nourriture, c’est triste.”

Cécile Kyenge, ministre de l’intégration du gouvernement Letta, a dû apprendre à se blinder face aux assauts qu’elle ne cesse de subir depuis sa nomination. 

D’origine congolaise, la ministre persiste pourtant dans sa volonté de faire évoluer les mentalités dans son pays d’adoption. “Le courage et l’optimisme pour faire changer les choses doivent partir avant tout de la base et arriver aux institutions”, ajoutait-elle encore sur Twitter, quelques heures après l’incident. 

Depuis qu’elle est en poste, elle tente de mener à bien des projets qui correspondent à l’idéal qu’elle se fait de la société italienne : abroger le délit d’immigration clandestine, ouvrir plus facilement le marché du travail aux étrangers, ou reconnaître le droit du sol pour l’acquisition de la nationalité. 

Des chantiers qui, dans un pays qui s’accommode mal de son statut récent de terre d’immigration, rencontrent de féroces résistances. A sa nomination, l’extrême-droite s’était déchaînée, notamment sur internet : “négresse anti-italienne”, “zoulou”, “guenon”, tels sont les qualificatifs qui ont été employés pour la désigner. 

Il y a quelques jours, un député de la Ligue du Nord, l’avait comparée à un orang-outan. Quelques semaines auparavant une autre élue de la Ligue du Nord avait appelé sur sa page Facebook au viol de la ministre. 

Face à ce flot d’ignominie, Cécile Kyenge s’efforce de rester sereine, consciente de son rôle, et de l’ampleur de sa tâche : "L'Italie n'est pas raciste, affirmait-elle récemment, il y a seulement un manque de connaissance de l'autre. Les insultes et menaces qui me visent à cause de ma position particulièrement exposée visent en réalité tous ceux qui refusent le racisme et une société non violente."