Des échanges de tirs entre soldats turcs et syriens font plusieurs morts

La Turquie a bombardé, lundi 3 février, des positions syriennes, en riposte à des tirs qui auraient visé ses positions dans la nuit de dimanche à lundi, selon Ankara. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé qu’entre 30 et 35 soldats du régime syrien avaient été tués.

L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), basé à Londres, avance de son côté le bilan de 13 soldats du régime tués et 20 blessés. Le ministère turc de la Défense avait dans un premier temps fait état de 4 soldats turcs tués et 9 blessés. Ce bilan est passé à 6 tués après la mort d’un militaire et d’un personnel civil qui ont succombé à leurs blessures, selon la même source.

« Nos avions F-16 et nos pièces d’artillerie sont en ce moment en train de bombarder des cibles définies par nos services de renseignements », a déclaré Erdogan, cité par l’AFP, lors d’une conférence de presse à Istanbul. Son ministre de la Défense précise que les militaires turcs visés avaient été envoyés à Idleb pour renforcer des postes d’observation turcs se trouvant dans cette région et que leur déploiement avait fait l’objet d’une coordination. Ce n’est pas tout à fait le point de vue des Russes, dont le ministère de la Défense affirme que les soldats turcs ciblés effectuaient des « déplacements dans la zone de désescalade d’Idleb (…) sans en avoir averti la Russie ».

Ces affrontements directs entre soldats turcs et syriens interviennent dans un contexte de tension croissante entre Ankara et Moscou, principal allié de Damas. Le président turc reproche aux Russes de « ne pas honorer » les accords bilatéraux visant à empêcher une offensive d’envergure du régime dans le nord-ouest du pays. « Nous allons continuer de demander des comptes, avertit-il. Je veux m’adresser en particulier aux autorités russes : notre interlocuteur, ce n’est pas vous, c’est le régime (syrien). N’essayez pas de nous entraver », déclare Erdogan. Une patrouille conjointe russo-turque, prévue lundi dans la région de Kobané (nord de la Syrie), a été annulée. Le porte-parole du parti d’Erdogan, l’AKP, estime, quant à lui, que le régime syrien se sent « protégé par le parapluie russe ».

Damas poursuit son avancée...

Le régime de Damas poursuit et intensifie sa progression dans la région d’Idleb, où se maintiennent encore des groupes de djihadistes, dont Hayat Tahrir al-Cham, ex-branche d’al-Qaïda, et des rebelles syriens soutenus par Ankara. Ces derniers sont présents sur la moitié de la province d’Idleb et sur des territoires adjacents, dans celles d’Alep, Hama et Lattaquié. Les forces du régime ont repris la ville stratégique de Maaret al-Noomane, dans le sud de la province et se dirigent vers Saraqeb, située sur une autoroute tout autant stratégique. Fermement appuyé par Moscou et Téhéran, le régime syrien contrôle désormais plus de 70 % du territoire national, selon l’OSDH. C’est précisément cette avancée qui sème le trouble à Ankara. Erdogan avait déjà menacé de recourir « à la force militaire ». Selon lui, la Russie « ne respecte pas » les accords conclus entre les deux pays pour éviter une escalade.

Inédits, les échanges de tirs entre soldats turcs et syriens constituent l’incident le plus grave depuis l’intervention de la Turquie dans le conflit syrien en 2016 officiellement pour combattre le groupe État islamique (EI) et surtout contrer l’avancée des forces kurdes près de sa frontière. Entre-temps c’est, sans surprise, les civils qui paient un lourd tribut. Au moins neuf d’entre-eux, dont quatre enfants, ont été tués lundi dans des raids sur le nord-ouest de la Syrie, rapporte l’OSDH. Cette source ne précise pas quels sont les auteurs de ce carnage. Depuis début décembre, plus de 388 000 personnes ont été déplacées par les frappes aériennes et les combats, selon l’ONU. Parmi eux, 38 000 ont fui l’ouest de la province d’Alep. La guerre interne qui déchire la Syrie depuis mars 2011 a fait plus de 380 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.

Avec AFP

Photo: (DR)