Zia Oloumi est l’artisan de cette démarche auprès du Conseil Constitutionnel.... (DR)

Zia Oloumi, défenseur de Cedric Herrou : «le principe de fraternité, une belle victoire du droit, un retour vers les valeurs de la République»

Le « délit de solidarité » n’a pas lieu d’être au nom du « principe de fraternité ». Une aide désintéressée au « séjour irrégulier » ne saurait donc être passible de poursuites. Telle est la décision du Conseil constitutionnel rendue publique vendredi 6 juillet. Une victoire des associations mobilisées aux côtés des aidants assimilés à des passeurs. Défenseur de Cédric Herrou, agriculteur poursuivi pour son aide à des centaines de réfugiés qui tentaient de passer à la frontière franco-italienne, Zia Oloumi est l’artisan de cette démarche auprès du Conseil Constitutionnel. Entretien.

Mediaterranee: Comment est venue l’idée de faire prévaloir ce principe de fraternité ?

Zia Oloumi: L’idée mûrit depuis un moment. En 2016, lorsque je suivais les actions de Cédric Herrou, qui était alors seulement poursuivi par le parquet, j’ai été appelé par un journaliste brésilien. Il voulait savoir si ce qui se passait dans notre région pouvait avoir des conséquences en Europe. En quoi cela intéresse-t-il un grand pays comme le Brésil ? ai-je demandé. Le journaliste s’interrogeait en fait sur la place accordée aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité dans le traitement de ces délits supposés de solidarité. Dès lors, au moment de la discussion autour de la question prioritaire de constitutionnalité, je me suis rendu compte que par deux fois, en 2013 et 2015, les confrères l’avaient portée pour ce qui concerne la solidarité. La Cour de Cassation avait cependant rappelé que le Conseil Constitutionnel s’était déjà prononcé. En revanche, on s’est vite aperçu que « le principe de fraternité » n’avait jamais été évoqué. La question est simple : avant d’aider quelqu’un est-on obligé de savoir si oui ou non il a des papiers en règle ? C’était d’ailleurs le sens de ma plaidoirie en faveur de Cédric Herrou en première instance.

-.Vous êtes donc parvenu à vous faire entendre des Sages ?

Zia Oloumi: J’ai été effectivement auditionné le 26 juin aux côtes d’autres intervenants volontaires, dont la Cimade, la Ligue des droits de l’homme et une douzaine d’autres associations. Pour ma part, j’ai insisté sur ce moment historique de mise en avant d’une des valeurs fondamentales de la République. La décision du Conseil constitutionnel est un retour vers ces valeurs et vers cet universalisme que la France a toujours voulu porter depuis la Révolution. C’est une belle victoire, même dans nos rêves les plus fous on ne pensait pas que la fraternité allait être consacrée comme valeur constitutionnelle.

_.Quelles sont les conséquences de cette décision ?

Ziao Oloumi: On a une instruction en cours à Grasse concernant l’aide à la circulation et au séjour d’étrangers en situation irrégulière. On va demander qu’il y soit mis fin car n’il y a plus, à notre sens, d’infraction à reprocher. Autre conséquence : la parole des Sages sur cette question libère l’action des aidants qui ont pu être dissuadés par les poursuites à l’encontre de Cédric Herrou. Concernant ce dernier enfin, une affaire est devant la Cour de Cassation, qui pourrait être jugée non conforme et renvoyée pour un nouveau procès. Le Conseil constitutionnel n’a pas la possibilité d’annuler des décisions ou de prendre la place du législateur. Celui-ci se doit en revanche de prendre en compte dans la loi, et d’ici au 1er décembre 2018, le principe de fraternité.

Propos recueillis par Nadjib TOUAIBIA