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Chili : les héritiers de Pinochet reprennent La Moneda. La répression va devenir un mode de gouvernement

José Antonio Kast, figure de l’ultradroite chilienne, a remporté le second tour de la présidentielle le 14 décembre 2025. Trente‑cinq ans après la fin de la dictature, le pays confie les clés de l’État à un admirateur assumé d’Augusto Pinochet. Un basculement nourri par la peur, l’usure du pouvoir et la crise sociale — et qui s’inscrit dans une conjoncture internationale durcie par le retour de Donald Trump à la Maison‑Blanche.

À Santiago, la nuit électorale a eu des allures de règlement de comptes avec une décennie d’espérances déçues. Donné vainqueur avec environ 58 % des voix face à la candidate de gauche Jeannette Jara, Kast a capitalisé sur un cocktail explosif : insécurité en hausse, anxiété économique, défiance envers les institutions et crispations autour de l’immigration.

Le paradoxe chilien est cruel. Le soulèvement social de 2019 avait ouvert une brèche historique contre les inégalités héritées du modèle néolibéral. Mais le processus constituant, miné par les surenchères et les campagnes de peur, a échoué à deux reprises, laissant un sentiment d’impasse. Dans ce vide, l’extrême droite a prospéré en réécrivant la question sociale en question d’ordre : « tolérance zéro », militarisation, expulsions, murs.

Une victoire bâtie sur la peur, une mémoire piétinée

Kast n’a pas seulement promis plus de police : il a importé un imaginaire politique. Centres de détention « à la Trump », déportations massives, implication accrue des forces armées dans le contrôle territorial… la recette est connue, et elle prospère partout où l’État social recule.

Pour arriver là, il fallait aussi une gauche fragilisée. Le gouvernement de Gabriel Boric, élu en 2021 sur la promesse de rompre avec l’héritage pinochetiste, s’est heurté à un Congrès fragmenté, à une conjoncture économique moins favorable et à la poussée du crime organisé. Résultat : des réformes diluées, une base sociale démobilisée, et une droite radicale devenue réceptacle d’une colère diffuse.

Que signifie, politiquement, cette victoire ? D’abord un fait historique : c’est la première fois, depuis Pinochet, que l’extrême droite revient au pouvoir au Chili. Ensuite un signal régional : le pays rejoint la vague réactionnaire qui traverse une partie de l’Amérique latine, en jouant sur la même équation simpliste : liberté pour le marché, dureté pour les pauvres, et suspicion pour les étrangers.

Le risque est double. Sur le plan des droits, l’ultraconservatisme de Kast vise les acquis féministes et LGBTQI+, mais aussi les politiques de mémoire. Sur le plan démocratique, sa rhétorique de « l’ennemi intérieur » — migrants, « gauchistes », organisations sociales — prépare un terrain où la répression devient un mode de gouvernement.

Et l’environnement international n’a rien de rassurant. Avec Donald Trump au pouvoir, les droites extrêmes disposent d’un centre de gravité idéologique et diplomatique, et d’une caisse de résonance mondiale. Le scénario est désormais classique : nationalisme, dérégulation, criminalisation des mobilisations, banalisation des discours autoritaires.

Rien n’est écrit d’avance : le futur président devra composer avec des contre‑pouvoirs et un Congrès divisé. Mais l’élection de Kast acte déjà une défaite : celle d’un pays qui, faute de réponses sociales crédibles et rapides, laisse la peur gouverner. Et, quand la peur s’installe au sommet de l’État, l’histoire chilienne rappelle à quel point le prix peut être lourd.

 

 

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